Publié le 10 août 2022 à 12h44 - Dernière mise à jour le 11 juin 2023 à 19h00
Alexia Greco et Lionel Mazari viennent de sortir un CD intitulé «Tête de Linotte et Cœur d’Artichaut». Entre Poésie, musique et théâtre, il constitue un renouveau pour la chanson française.
Un accord de guitare, perdu, quelque part, aux frontières du Luberon. Un jardin où les ombres jouent avec le bruit des cigales. Et cet arbre penché, presque centenaire, sous lequel, le sourire timide, la jeune musicienne Alexia Greco, a choisi de s’asseoir en tailleur.
«J’aime bien la lumière de Provence», débute alors celle dont l’instrument de musique est taillé dans un bois à la fois sombre et roux. «Elle est inspirante». Les doigts de l’artiste grattent avec soin les cordes de la guitare. La caisse entière vibre, laissant échapper une mélodie quasi-hypnotique. «Je vais interpréter la dernière chanson de notre album», annonce doucement Alexia. La jeune femme baisse un peu la tête. Ses longs cheveux retombent en cascade.
Qui les porte jusqu’au vertige,
Se croient affublés d’une tige ;
Le traverser les met en miettes».
Calmement, avec cette légèreté propre aux plus belles créations sonores, la musique s’envole et emplit tout l’espace. Des enfants s’arrêtent. Un couple, au loin, interrompt une idylle. La musique d’Alexia Greco est pourvu d’un don particulier : celui de suspendre le temps. «Nous avons souhaité donner un cachet aérien à nos compositions», souligne d’ailleurs la jeune artiste. «Cet album doit s’écouter comme un rêve éveillé». Intitulé «Tête de Linotte et Cœur d’Artichaut» le disque vient à peine de paraître. «Cette œuvre est le fruit de ma collaboration avec Lionel Mazari, explique la guitariste. Lionel est poète, comédien et metteur en scène. Dans cet EP, je mets en voix ses textes. Ce fut un travail exaltant».
Bien connu de la scène marseillaise, Lionel Mazari est un artiste complet
Entre chant, théâtre et poésie, ses prestations sont souvent totales. Il livre ici des textes forts, sorte d’éclat de mots aux dimensions lyriques indéniables. En témoigne par exemple «Frivole (in the free world)», poème illustrant le combat d’une bordelaise identifiée par les thérapeutes comme borderline ou structure état limite. Les vers de Lionel Mazari décrivent ces cachets que l’on refuse, l’incompréhension du monde médical, le mal de vivre qui vous prend aux tripes et vous pousse à jeter un regard désespéré sur la société moderne. Nous avons affaire à une poésie à l’état brut, celle dont les ressorts plongent directement dans les recoins les plus secrets de notre sensibilité. Nous en sortons abasourdis, changés, enivrés par ces vers taillés dans de l’or pur.
La voix d’Alexia Greco accompagne à merveille cette alchimie du verbe. A ce titre la tessiture cristalline est soulignée par une diction parfaite. La chanteuse renoue, en effet, avec la plus grande tradition de la voix française. Rien dans son timbre ne cède aux tentations paresseuses des trémolos anglo-saxons.
«J’ai débuté la guitare à 14 ans, raconte l’artiste. Je suis assez marquée par les tubes des années 2000. Depuis 2 ans et demi, je compose et j’interprète des chansons à partir de textes d’auteurs contemporains. Je suis très influencée par la chanson française. En particulier Barbara. J’écoute aussi beaucoup Gainsbourg. J’aime comment il a fait chanter les femmes.»
La qualité des textes de la grande chanson française a-t-elle poussé Alexia Greco à explorer les arcanes de la poésie ? En tout état de cause, cet art devient, pour elle, comme une seconde peau. «J’ai découvert la poésie très récemment avoue la jeune femme. Pour moi la musique était déjà là. Je m’attache beaucoup plus aux sons qui émanent des mots qu’au sens à proprement parler. Par conséquent, les structures des textes que je mets en musique ne sont pas, à l’origine, nécessairement adaptés au chant. Cela me permet d’avoir des compositions assez libres!»
Compositrice hors-pair, fascinée par les notes et les vers, Alexia Greco cultive l’art de la rencontre. «Ce sont en effet les rencontres avec les auteurs qui, en moi, de façon assez naturelle, font surgir la musique. L’album « Tête de Linotte et Cœur d’Artichaut » est d’ailleurs né de cette manière. Nous avions, avec Lionel Mazari, des connaissances communes. J’ai découvert ses textes pendant le premier confinement. Je dois dire que Lionel était quelqu’un qui mettait déjà ses œuvres en musique. Je l’ai alors appelé pour lui demander la permission de composer à mon tour sur ses poèmes. Bien évidemment, il a accepté.»
Rapidement, les deux artistes collaborent.
«Au bout d’un an, développe encore Alexia Greco, nous avons eu l’idée de monter un spectacle. Il s’agissait d’une création entre chanson et théâtre. « Tête de Linotte et Cœur d’Artichaut » sont ainsi deux personnages évoluant dans l’univers du rêve. Je suis moi-même un peu chanteuse-comédienne. Lorsque je compose, je prends le texte, je le lis, et le rythme des mots me donne le rythme de guitare, puis assez rapidement la mélodie vient, suivi par les accords. Je veux dire par là qu’en fonction de l’énergie du texte, je vais chercher la dynamique de la diction, du phrasé. Le lien avec le théâtre ce situe là : dans ces variations d’intention et d’intensité.»
Après plusieurs représentations, le succès est au rendez-vous. Une belle idée germe alors : élaborer un CD. «Et voilà le résultat, sourit la compositrice. Six chansons, un objet magnifique, et une grande fierté».
L’album d’Alexia Greco et de Lionel Mazari s’impose comme une invitation au voyage. Il participe au renouveau de la chanson française. Porté par une poésie vivante et une voix pleine de puissance, il mérite d’être écouté dans une espèce de recueillement méditatif. Au-delà des mots, «Tête de Linotte et Cœur d’Artichaut», demeure une expérience esthétique étourdissante. En somme, un alcool fort à déguster d’urgence.
Raphaël RUBIO
Le CD est disponible sur commande à l’adresse suivante alexiagrecoofficiel@gmail.com. Plus d’info: lionelmazari.wixsite.com