Jamais le narcobanditisme n’avait fait couler autant de sang. 2023 restera l’année la plus meurtrière enregistrée. 48 morts rien qu’à Marseille et 120 blessés. Dans ce sombre tableau, les familles des victimes reprennent malgré tout espoir. Elles ont noté la récente vague d’interpellations et des condamnations plus lourdes. « Ça va dans le bon sens ».
Assassinats en série
« Les chiffres sont catastrophiques», relève d’emblée Lætitia Linon, membre du collectif des familles Alehan. « C’est horrible, 48 personnes tombées sous les balles et 118 blessés, il ne faut pas les oublier, c’est le triple de l’an passé ». Mais derrière ces chiffres il y a un espoir : « Il y a eu énormément d’interpellations ces dernières semaines, c’est un encouragement. Cela donne un coup de poing à certains réseaux qui peuvent se dire qu’il y a un risque de se faire arrêter, la preuve beaucoup sont tombés dernièrement. Est-ce que ça suffit, certainement pas mais c’est un bon début. Et cela permettra peut-être de relier des dossiers et de relancer certaines affaires. Des familles attendent depuis si longtemps des condamnations ».
«Une prise en compte »
« Mal nommer un objet c’est ajouter au malheur de ce monde », disait Camus. Trop longtemps le vocabulaire utilisé pour définir les victimes dans les cités a concouru a négligé le phénomène. On parlait de « règlements de compte ». « Qu’ils se tuent entre eux», entendait-on ici ou là, « ça fera ça de moins ». Aujourd’hui le vocabulaire judiciaire a changé, on parle de « narchomicides » et de «narcoterrorisme». Cela change la donne et les moyens mis en place. « On voit qu’on s’attaque aujourd’hui aux têtes de réseau mais il faut encore plus de policiers spécialisés, plus de moyens logistiques pour contrer les narcotrafiquants ».
L’insécurité est partout
Pour ces familles il est temps que la police et la justice fassent quelque chose : « On ne rafale plus uniquement sur les plans de deal, on rafale les quartiers, les façades d’immeubles pour faire peur à la population », dénonce Lætitia Linon. « On n’a jamais eu autant de victimes collatérales. On doit être défendus comme dans n’importe quelle ville. On travaille, on paie des impôts. Quand je rentre chez moi je n’ai pas à avoir peur de me prendre une balle de kalachnikov».
« Protéger les mineurs en priorité »
Une autre problématique se greffe aujourd’hui dans le trafic de drogue. Les trafiquants enrôlent des mineurs de plus en plus jeunes, des filles y viennent aussi via la prostitution. Pour Lætitia Linon, «Il faut trouver des structures pour accueillir ces jeunes comme on en a pour les femmes victimes de violences. Actuellement on n’a rien. Peu importe que le jeune ait été guetteur ou dealer. S’il se sent menacé, s’il risque sa vie, il faut qu’on puisse le protéger et qu’il s’en sorte ».
Quel panorama dressera-t-on fin 2024 ? Difficile de faire des prophéties. Les coups de boutoirs de la police semblent porter leurs fruits mais aura-t-elle l’énergie et surtout les moyens de mener l’œuvre à son terme. C’est toute la question.
Reportage Joël BARCY