Publié le 5 février 2014 à 22h30 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 17h18
La logique des accords d’Oslo de septembre 1993 s’appuyait, du point de vue israélien, sur la séquence suivante : la paix devait booster l’économie qui à son tour devait assurer la sécurité. Paix, économie, sécurité : dans cet ordre. L’éclatement de la seconde Intifada en septembre 2000 devait ruiner cette logique. Les Israéliens ont en déduit qu’il fallait inverser la séquence. En premier, il faut assurer la sécurité, puis, en second, favoriser l’économie, en particulier celle des Palestiniens, et enfin, aboutir à une négociation qui devrait en principe assurer la paix. Sécurité, économie et paix : dans cet ordre.
En tout état de cause, les considérations économiques ne viennent qu’en second par rapport, soit au politique, soit aux considérations liées à la sécurité. Pourtant nous pensons que les dimensions économiques du conflit, bien que secondes ne sont pas secondaires.
Le risque d’une troisième Intifada armée apparaît, aux yeux des experts, très faible. Mais pour Thomas Friedman (1), éditorialiste du New York Times, une troisième Intifada a déjà commencée. Mais, contrairement aux deux Intifadas précédentes, celle-ci est non violente et elle vient de l’extérieur. Il s’agit d’une « Intifada économique ». Elle est à l’initiative de tous ceux qui ont décidé de prendre des mesures qui affectent directement l’économie israélienne. Ainsi, un fonds d’investissement hollandais a décidé de retirer ses fonds de cinq grandes banques israéliennes car elles possèdent des succursales dans les territoires occupés, la banque danoise, Danske Bank, vient de décider de boycotter la banque israélienne Bank Hapoalim, pour des raisons «légales et éthiques ».
Nous avons déjà fait état de la décision de l’Union européenne de distinguer, dans les accords qu’elle a avec Israël, tout ce qui relève d’une activité située dans les implantations israéliennes en Cisjordanie. Pour Meir Lapid, ministre des Finances, si un accord avec les Palestiniens n’est pas trouvé, l’économie israélienne risque d’en être gravement affectée. A contrario, il estime que la paix permettra une économie du budget de 20 milliards NIS (soit 4 milliards € ou 2.2% du PIB) et un surcroît des exportations de 16 milliards NIS (soit 3.2 milliards € ou 1.8% du PIB). A l’opposé, le ministre israélien de l’économie, Naftali Bennet, soutient la thèse inverse. Pour lui, la création d’un État palestinien, qui pourrait résulter des négociations actuelles, serait une catastrophe pour l’économie israélienne. A l’instar de ce qui s’est passé après le départ des troupes israéliennes du sud-Liban et du désengagement de la Bande de Gaza, le risque que des roquettes soient tirés depuis la Cisjordanie sur les villes israéliennes et sur l’aéroport de Tel-Aviv, est trop important. L’impact sur l’économie serait immédiat et profond.
Jusqu’à présent les Israéliens ont prouvé qu’ils étaient capables de maîtriser les soulèvements violents. Cette « Intifada économique » pose un défi nouveau, qu’Israël saura relever, aux dires du ministre de la Défense, Moshé Ya’alon.
Cependant, dans son article, T. Friedman, a une interprétation des événements originale. Pour lui, cette troisième Intifada, risque d’avoir un impact de long terme important, car elle est basée sur une stratégie qui permettra aux Israéliens de se sentir plus en sécurité mais moralement peu sûrs («strategy of making Israelis feel strategically secure but morally insecure»). A l’insécurité physique se substituera une insécurité morale. On comprend mieux la proposition de Mahmoud Abbas qui accepterait que des forces militaires de pays de l’Otan puissent s’installer en Cisjordanie afin de rassurer les Israéliens.
(1) Thomas Friedman, ”The Third Intifada”, New York Times, 4 février 2014
*Le Groupe d’Aix, présidé par Gilbert Benhayoun comprend des économistes palestiniens, israéliens et internationaux, des universitaires, des experts et des politiques. Son premier document, en 2004, proposait une feuille de route économique, depuis de nombreux documents ont été réalisés, sur toutes les grandes questions, notamment le statut de Jérusalem ou le dossier des réfugiés, chaque fois des réponses sont apportées.