Publié le 18 août 2020 à 11h27 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 11h53
Le 13 août 2020, un accord entre les Émirats Arabes Unis (EAU) et Israël a été signé, sous le haut patronage des États-Unis. Cet accord devrait être signé à la Maison Blanche, dans les prochaines semaines. Que faut-il en penser ?
C’est, avant tout, un accord historique. Concernant les relations entre Israël et le monde arabe, l’Histoire retiendra les trois dates suivantes : 1979, paix avec l’Égypte, 1994, paix avec la Jordanie et 2020, paix avec les EAU. Rappelons-nous à cet égard les trois non de Khartoum. Le 1er septembre 1967, juste après la guerre des 6 jours, 9 pays arabes (Égypte, Syrie, Jordanie, Liban, Irak, Maroc, Algérie Koweit, Soudan [[Pour mémoire, les Emirats Arabes Unis n’ont été créé qu’en 1971.]]) adoptent la résolution dite des 3 non : non à la paix avec Israël, non à la reconnaissance de l’État d’Israël, non aux négociations avec Israël. Plus de cinquante après, cette résolution est caduque. Netanyahu peut se vanter, à juste titre et jusqu’à preuve du contraire, que sa stratégie a prévalu. Il a toujours fait valoir son idée, à savoir que la paix avec des pays arabes, autres que l’Égypte et la Jordanie, interviendra avant tout accord avec les Palestiniens, alors que l’idée la plus répandue, aussi bien dans le monde arabe que dans les pays occidentaux, était qu’un accord avec les Palestiniens constituait un préalable avant tout accord avec d’autres pays arabes. Deux approches opposées : extérieur puis intérieur contre intérieur puis extérieur. A la proposition des accords d’Oslo, signés entre Israël et l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) qui était «la paix contre la terre», Netanyahu a préféré l’équation, «la paix contre la paix ». L’Histoire semble lui donner raison. Si cet accord est suivi d’autres, le Premier ministre rentrera dans l’histoire.
Des rumeurs persistantes, affirment que d’autres pays arabes signeront, dans un proche avenir, un accord (de paix ou de normalisation) avec Israël. Il s’agirait de Bahreïn, du Soudan, du Sultanat d’Oman, du Maroc. Concernant ce dernier pays, des relations touristiques et commerciales existent déjà. Il semblerait que le Maroc, soucieux de gagner la reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, soit prêt à suivre l’exemple des EAU. Par ailleurs, Kouchner vient de déclarer que des liens normalisés entre Israël et l’Arabie saoudite sont «inévitables».
L’accord qui vient d’être signé concerne l’investissement, le tourisme, l’eau, les vols directs, la sécurité et la création d’ambassades réciproques. Sur le plan sécuritaire, l’accord est important car il permet aux Israéliens d’être au plus proche des côtes iraniennes. Cette collaboration pourrait «affaiblir l’axe chiite». En échange de cet accord, Israël a accepté de suspendre l’annexion prévue de certaines parties de la Cisjordanie. Netanyahu avait le choix, soit appliquer la souveraineté israélienne à 30% de la Cisjordanie, au prix de la condamnation des pays amis, comme la France, soit abandonner cette décision unilatérale et renforcer l’acceptation régionale d’Israël. Il a choisi, et «il devrait être félicité pour cela », David Horowitz. Times of Israel, 15 août 2020
Cet accord a été vivement critiqué par l’Iran, la Turquie et les Palestiniens, aussi bien le Hamas que l’Autorité palestinienne. Ces derniers se sentent trahis par les EAU. Le président Abbas est très âgé, le problème de sa succession se pose de manière aiguë et ce d’autant plus que sa stratégie pour aboutir à la création d’un État palestinien sur les frontières de 67 avec Jérusalem comme capitale s’avère un échec. De plus, les EAU n’ont aucune sympathie pour le président Abbas, et ils détestent le Hamas, allié de l’Iran. Aussi, il ne serait pas étonnant qu’ils s’activent, dans l’avenir, pour soutenir la candidature de Mohammed Dahlan comme successeur de Abbas. Rappelons que Dahlan vit dans les EAU où il bénéficie d’un traitement préférentiel. Le rôle des EAU comme médiateur entre Israéliens et Palestiniens pourrait s’affirmer à l’avenir et ce d’autant plus qu’ils ont les moyens financiers permettant un développement économique des Palestiniens.
Le Professeur Gilbert Benhayoun est le président du groupe d’Aix -qui travaille sur les dimensions économiques d’un accord entre Israël et les Territoires palestiniens- qui comprend des économistes palestiniens, israéliens et internationaux, des universitaires, des experts et des politiques. Son premier document, en 2004, proposait une feuille de route économique, depuis de nombreux documents ont été réalisés, sur toutes les grandes questions, notamment le statut de Jérusalem ou le dossier des réfugiés, chaque fois des réponses sont apportées. |