Publié le 23 mars 2013 à 1h00 - Dernière mise à jour le 10 août 2023 à 10h49
L’art contemporain illumine Euroméditerranée
Le nouveau bâtiment du Fonds régional d’Art Contemporain (FRAC) a été inauguré ce vendredi 22 mars à Marseille en présence de la ministre de la Culture et de la Communication Aurélie Filippetti. Situé au 20, boulevard de Dunkerque (2e), au cœur d’Euroméditerranée, il a été réalisé par l’architecte japonais Kengo Kuma.
« C’est un très beau cadeau d’anniversaire de la part de l’Etat et de la Région pour un Fonds régional d’Art Contemporain (FRAC) qui fête ses 30 ans » : c’est une présidente du FRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), Cécile Helle, comblée qui a dévoilé ce vendredi 22 mars le nouveau bâtiment dont elle vient de prendre possession. Réalisé par l’architecte japonais Kengo Kuma, il est situé 20, boulevard de Dunkerque, à proximité de la place de la Joliette à Marseille (2e), dans une zone en pleine restructuration urbaine. Il a été inauguré ce vendredi en début de soirée par la ministre de la Culture et de la Communication, Aurélie Filippetti, et le président de la Région PACA, Michel Vauzelle, en présence de nombreuses personnalités, au premier rang desquelles se trouvaient les deux candidats déclarés à la mairie de Marseille, Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée aux Personnes handicapées et à la Lutte contre l’exclusion, et Eugène Caselli, président de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole (MPM) (*).
Comme l’a rappelé Cécile Helle, c’est dans le cadre des lois de décentralisation que le ministère de la Culture et les conseils régionaux ont créé en 1982 un FRAC dans chaque région de France. « Leur vocation était de constituer une collection d’art contemporain. Ce nouveau bâtiment symbolise une fabuleuse aventure culturelle puisque les FRAC abritent aujourd’hui la 3e collection française avec plus de 25 000 œuvres de 4 500 artistes », souligne la présidente du FRAC PACA. Mais à l’heure de « l’âge de raison » comme l’a qualifié la ministre de la Culture Aurélie Filippetti, si « cette ambition continue », le temps est aussi venu d’avoir « une deuxième génération ». Qui concrétise « une nouvelle ambition avec de nouvelles réalisations dans des régions où les équipements étaient trop vétustes ». « C’est un musée d’art contemporain à la hauteur des ambitions de PACA qui va bien au-delà de Marseille, comme c’est la réalité de Marseille-Provence 2013 », se réjouit la ministre de la Culture.
« Une occasion de casser le concept de musée boîte »
Car si l’ambition est de « faire de ce FRAC une véritable place de la création contemporaine ouvert sur la ville de Marseille », comme le confie Cécile Helle, le bâtiment a aussi vocation à rayonner comme en attestent les deux expositions qui rythmeront son année Capitale. Tout d’abord, « Ulysses, un itinéraire d’art contemporain » qui dévoile, depuis janvier et jusqu’à décembre, des pièces uniques, des œuvres monumentales et des expositions thématiques, collectives et monographiques dans 45 lieux « d’Aubagne à Arles, d’Aix à Carros (Alpes-Maritimes) ». « La fabrique des possibles », l’exposition inaugurale ouverte au public à compter de ce samedi 23 mars (visible jusqu’au 26 mai), affirme quant à elle la dimension expérimentale et prospective dans laquelle s’inscrit la politique artistique du lieu. « Cela symbolise le rôle de laboratoire de partage des savoirs culturels sur les plans scientifique, artistique et social. Notre nouveau défi sera celui de la Méditerranée », précise Cécile Helle.
Cette ambition se veut à la hauteur de son nouvel écrin, le « bâtiment magnifique » dixit Aurélie Filippetti, réalisé par l’architecte japonais Kengo Kuma « qui a su décliner la lumière en l’insérant au cœur d’un quartier urbain, près d’une école ». Et toucher ainsi une ministre qui souhaite « diffuser la culture à l’école ». Un navire amiral, situé au cœur d’Euroméditerranée, qui fait passer l’art contemporain dans une autre dimension que celle qu’il occupait avec ses locaux de la place Chirat, dans le quartier du Panier.
La façade de ce nouveau bâtiment est composée d’éléments de verre non teinté (variations de blanc), aux degrés d’opacité différents, dont la distance de la façade varie. Leur organisation, selon une géométrie élancée et verticale, crée une variation qui anime et module l’écran d’un jeu subtil, et le rend réactif aux variations climatiques. « Ça a été une formidable occasion de casser le concept de musée boîte. J’ai voulu instaurer un nouveau dialogue », explique Kengo Kuma pour qui cette aventure a presque sonné comme un retour aux sources puisque « la première ville que j’ai visitée en France, c’était Marseille, il y a 35 ans, avant même de voir Paris ». Et l’architecte japonais de préciser que « cette façade en verre émaillé est pixellisée à l’extérieur alors qu’à l’intérieur, la lumière est beaucoup plus douce ». « C’est un verre qui symbolise ce dialogue. A l’intérieur, j’espère qu’il y aura un art régional qui va pouvoir grandir. Que ce soit un tremplin pour Marseille pour rencontrer l’Europe et le monde », appelle-t-il de ses vœux.
Une « rencontre entre la culture japonaise et la culture méditerranéenne »
Si Michel Vauzelle admire lui aussi cette « façade sublime, rencontre entre la culture japonaise et la culture méditerranéenne », le président de la Région PACA n’a toutefois pas pu s’empêcher d’émettre un regret. « Nous avons ici comme à Naples cette sorte de pudeur méditerranéenne qui fait qu’une façade sublime est cachée », souligne-t-il en référence au fait qu’elle se situe dans une rue peu passante. Il a également salué la démarche artistique de Kengo Kuma, « cette façon de refuser la boîte ». « Nous ne voulons pas enfermer la lumière dans une période où il faut continuer à abattre des murs », image-t-il.
Sur un plan plus politique, le président de la Région s’est réjoui « d’avoir pu travailler main dans la main avec l’Etat ». « J’espère que le projet de loi à venir pourra toujours nous y autoriser », a-t-il fait observer. Soulignant que les artistes contemporains auront ainsi « des lieux d’exposition extraordinaires au lieu de voir leurs œuvres restées dans des boîtes », Michel Vauzelle a souhaité voir ce lieu s’ouvrir aux artistes de « toute la région PACA, y compris à ceux qui sont loin des capitales culturelles ». Il est enfin revenu sur le coût, 22 M€, de ce nouveau bâtiment que d’aucuns pourraient dénoncer en ces temps de crise. « Nous n’avons pas honte à l’heure où le chômage augmente. Le peuple, même quand il est dans le combat comme aujourd’hui contre les puissances de l’argent, a besoin d’être respecté par la beauté à laquelle il a droit, qu’elle soit artistique ou dans le message à la Méditerranée. Il n’est pas interdit de doter le peuple de ces outils pour avoir une vision réconfortante de l’avenir », insiste le président de la Région PACA.
Lui emboitant le pas, Aurélie Filippetti a rappelé que, malgré la crise, « la diffusion de l’art contemporain sur tout le territoire » demeurait « parmi les priorités » du gouvernement. La ministre de la Culture a ensuite à son tour salué la démarche artistique de l’architecte japonais. « Un musée sans mur, ce devrait être la réalité de tous les musées de France », soulignant au passage que « la France pourrait se féliciter de la politique des musées qu’elle a eue ».
Pompidou rencontrera Picasso à Aubagne
Alors que le patrimoine du FRAC abrite déjà 920 œuvres d’artistes des régions méditerranéennes, elle a appelé à en faire « l’unique témoin de toutes les expressions artistiques, qu’elles soient locales, nationales ou méditerranéennes », insistant sur « cette dimension de sortir de ses murs, de ses frontières pour pouvoir développer des projets ambitieux avec d’autres artistes ».
Précisant que l’exposition « Ulysses, un itinéraire d’art contemporain » est « le projet le plus ambitieux que le FRAC ait jamais entrepris », la ministre de la Culture a aussi profité de son passage au cœur de l’année Capitale pour indiquer que « l’engagement de l’Etat en faveur de la région PACA durant l’année continuera après 2013 ». « Nous veillerons à pérenniser les investissements qui ont été consentis à cette occasion », souligne-t-elle.
Aurélie Filippetti a également confirmé la venue du Centre Pompidou Mobile à Aubagne durant cette année 2013. « Cela permettra de présenter des œuvres majeures dans un cadre mobile unique qui s’installera à Aubagne en juin pour 3 ou 4 mois », a-t-elle dévoilé. Une nouvelle qui ne pouvait que ravir Daniel Fontaine, le maire de la cité de Pagnol. « C’est une immense satisfaction. Nous l’espérions et nous avions déjà préparé notre jeunesse à le recevoir. Ce musée Pompidou va rencontrer le céramiste Picasso, qui est à Aubagne pour six mois, et Argilla (NDLR : la biennale qui constitue l’un des plus importants marchés potiers d’Europe) durant deux jours à la fin août, un événement estampillé cette année Marseille-Provence 2013. Au même moment, on va allier le soleil et la culture », se réjouit-il. Des événements qui vont faire changer de dimension culturelle l’agglomération du Pays d’Aubagne et de l’Etoile. « Avec Picasso, on avait déjà une jauge importante. Picasso + Pompidou, c’est l’extase », sourit Daniel Fontaine.
Et Aurélie Filippetti de conclure en pariant que « le FRAC aura un bel avenir ». « Dans cette année Marseille-Provence 2013, Marseille a la chance d’avoir de nouveaux équipements. C’est de bon augure pour que Marseille présente une image qui est la sienne, celle d’une ville créative, dynamique, ouverte et riche de sa jeunesse et de sa diversité. »
Serge PAYRAU
(*) Etaient également présents l’ancienne ministre de la Culture, Christine Albanel, le préfet de Région Hugues Parant, le premier adjoint au maire de Marseille Roland Blum, le député des Bouches-du-Rhône et président d’Euroméditerranée Guy Tessier, le président de l’association Marseille-Provence 2013 et de la CCI Marseille-Provence Jacques Pfister, le député des Bouches-du-Rhône Patrick Mennucci, les conseillers régionaux Alain Hayot et Robert Alfonsi, la maire du 2e secteur de Marseille Lisette Narducci et la présidente de l’Agglomération du Pays d’Aubagne et de l’Etoile, Magali Giovannangeli.