Publié le 30 novembre 2015 à 23h17 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 20h54
Le Centre de Recherche et d’Enseignement de Géosciences de l’Environnement (Cerege), est l’une des cinq unités de recherche de l’Institut Pythéas, lequel regroupe au sein de l’Observatoire des Sciences de l’Univers (OSU) plus de 1 000 chercheurs à Marseille, sur les sites de Château-Gombert et Aix-en-Provence. Par ses approches théoriques, méthodologiques et technologiques le Cerege est un lieu de forte disciplinarité installé sur le Technopôle Environnement Arbois Méditerranée et le Centre Saint- Charles à Marseille. Le Cerege, c’est environ 140 permanents, 90 Chercheurs dont 35 enseignants-chercheurs. A l’occasion de la COP21 avec laquelle cet organisme est en lien, ne serait-ce que par la diversité et le nombre des travaux qu’il pilote est en phase directe avec l’actualité. Chercheur au Cerege, spécialisé dans la dynamique et les cycles climatiques mais aussi dans la variabilité environnementale et ses impacts sur les écosystèmes, deux thèmes très présents à la COP21, Thibaut de Garidel répond à nos questions.
Destimed: Les changements climatiques, le réchauffement de la planète sont au cœur des échanges de la COP 21. En tant que Chercheur au Cerege travaillant sur la dynamique et les cycles climatiques, quels enseignements tirez-vous des dernières recherches faites en ce domaine?
Thibault de Garidel: Les dernières recherches sont unanimes sur la réalité du changement climatique, sur sa vitesse inégalée, mais également sur l’origine du changement climatique, principalement due à l’action de l’homme. Au cours du mois d’octobre, deux seuils viennent d’être franchis : la concentration en CO2 atmosphérique, a atteint un seuil de 400 ppm, une valeur sans analogue depuis au moins 2,5 millions d’années; le deuxième seuil, c’est la valeur du réchauffement global, avec 1°C depuis le début des mesures de températures instrumentales. Si cette valeur peut sembler faible, elle correspond à presque la moitié du réchauffement que la terre a connu depuis la dernière période glaciaire. C’est donc un changement sans précédent et qui est voué à s’amplifier au cours des prochaines décennies en raison de l’inertie du système climatique.
Autre spécialité de ce laboratoire: l’impact sur les écosystèmes de tout ce qui découle de ces changements climatiques. Pouvez-vous en citer quelques exemples?
Au Cerege, nous travaillons sur les écosystèmes continentaux marins et océaniques car, tous les écosystèmes sont affectés par les changements globaux liés à l’action humaine. Dans l’océan, nous nous intéressons notamment à l’acidification de l’océan. L’océan absorbe un tiers des émissions de CO2 (ce que l’on appelle un puits de carbone) et même si cette absorption limite le réchauffement de la surface de la terre, elle se traduit néanmoins par une baisse du pH de l’océan. Mais, cette absorption qui limite le réchauffement de la surface de la terre, se traduit par une baisse du pH de l’océan. Nous travaillons sur l’évolution du plancton au cours des dernières centaines d’années en collaboration avec des généticiens. Nous essayons d’identifier d’éventuelles espèces plus résistantes qui pourront être favorisées dans le futur proche que ce soit en réponse au réchauffement et à l’acidification. Nous partons ainsi la semaine prochaine pour une campagne océanographique dans la mer des Caraïbes qui achèvera notre tour du monde des zones sensibles à l’acidification. Sur les continents, de nombreux chercheurs du Cerege travaillent sur les processus d’aridification, notamment en Afrique subsahélienne. Le lac Tchad, dont dépend un grand nombre de personnes, est un chantier prioritaire du Cerege, avec la reconstruction de ses niveaux passés. La complexité des interactions dans le système climatique est explorée par l’utilisation de modèles climatiques qui permettent de mieux comprendre le rôle respectif de chaque compartiment du système climatique.
Vous demander de ne citer que trois priorités à l’échelle de la planète semble dérisoire, alors disons plutôt quelles sont les trois Urgences qui s’imposent dans un futur opérationnel, sachant toutes les étapes intermédiaires à franchir pour y parvenir…
La première des priorités est évidemment de limiter au maximum les émissions de gaz à effet de serre au cours des prochaines années. Cet objectif n’est techniquement pas irréalisable : pour les CFCs, le protocole de Montréal en 1985 a réussi à limiter les émissions de CFCs, ce gaz destructeur de la couche d’ozone stratosphérique, d’une manière extrêmement efficace. C’est tout l’objectif de le la COP21 d’arriver à construire un nouveau schéma. La seconde priorité, à mon sens, est d’essayer de sortir du climat anxiogène lié au changement climatique, et ce volet passe par un effort continu des scientifiques pour la communication, et en particulier la vulgarisation auprès des plus jeunes. Les enfants sont sensibilisés à ces questions environnementales, et il faut poursuivre ces efforts !
La troisième priorité, c’est de mieux identifier les conséquences locales et régionales du changement climatique pour que les sociétés puissent s’y adapter. Paradoxalement, cette identification passe par des approches globales, car les meilleurs analogues du futur ne sont pas nécessairement les régions les plus voisines. Et ça passe donc par un socle de connaissance fondamentale, pas forcément focalisé sur la ville dans laquelle chacun de nous habite, sur les climats, sur les écosystèmes et sur tous les organismes vivants.
Propos recueillis par Christine LETELLIER