Publié le 27 juillet 2018 à 22h31 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h46
Parmi tous les supporters de l’équipe de France qui se sont réjouis de la victoire des Bleus en finale de la Coupe du monde de foot face à la Croatie, l’acteur Léo Dussollier n’était pas l’un des moins concernés. Pour preuve, il a quitté Avignon où sa pièce «L’adieu à la scène» était programmée le matin à 10h à l’Espace Roseau-Teinturiers pour rejoindre Paris le temps d’un aller-retour afin d’assister au match, avec ses amis dans une fan zone de la capitale, ivre de bonheur. Il faut dire que ce jeune et talentueux comédien né le 27 septembre 1988 connaît non seulement bien le football mais en commenta certains de ses aspects lorsqu’il travaillait à L’Equipe 21 auprès de la «team» d’Olivier Ménard. Il n’apparaissait pas à l’antenne mais rédigeait des billets, lui qui a toujours été passionné par l’écriture et qui entendait bien au départ mener une carrière de journaliste sportif. Titulaire d’un bac scientifique, parlant aisément plusieurs langues, Léo Dussollier a longtemps cherché à se démarquer de son père André Dussollier, -qui est venu l’applaudir au cœur du Festival off d’Avignon, et qui est reparti enthousiasmé par sa performance- mais l’appel des planches fut le plus fort. «Nul ne guérit de son enfance», chantait Jean Ferrat. Et Léo Dussollier, plus qu’un autre peut-être, n’a pu s’en défaire, lui qui voulait surtout qu’on ne le voit pas ! Cours de théâtre pris auprès de la très exigeante Tiffany Stearn, professeure à Paris, enseignant sur le modèle de l’Actors Studio, plongée dans le monde de la Pop, il s’est enfin lancé après des téléfilms et quelques présences sur grand écran.
Embarqué dans l’aventure de la pièce et du Off par Baptiste Caillaud
Les débuts sur les planches de ce fou de théâtre et de littérature les doit à Baptiste Caillaud, un de ses amis comédiens, qui lui a proposé de venir rejoindre la distribution de la pièce «L’adieu à la scène», le chef d’œuvre de Jacques Forgeas que l’on a déjà pu voir dans le Off d’Avignon l’an dernier présenté sous un autre angle. Ayant resserré le début de cette comédie absolument bouleversante la metteure en scène Sophie Gubri privilégie ici de façon plus rapide la rencontre entre Jean Racine -Baptiste Caillaud – et Jean de La Fontaine à un moment particulièrement important de la vie du dramaturge. Nous sommes à Paris en 1677 et Racine vient d’annoncer au monde artistique stupéfait qu’il n’écrira plus pour le théâtre pour devenir avec Boileau (le mercenaire sans foi ni loi du monde des lettres) l’historien du Roi (son hagiographe en fait). Entreprenant de le faire revenir sur sa décision, Jean de La Fontaine, aidé en cela par Clarisse et Sylvia deux jeunes filles qui se rêvent comédiennes (Emmanuelle Bouaziz, déjà présente en 2017 et la lumineuse Chloé Stefani), va tenter d’apporter à Racine des arguments décisifs et probants. En pure perte mais le dialogue qui s’instaurera ici devant nous est l’une des choses les plus fortes que l’on puisse entendre au théâtre.
Reprenant le rôle de la Fontaine joué en 2017 par Baptiste Dezerces
Costumes magnifiques, diction parfaite des quatre comédiens, Léo Dussollier propose au final une vision de son personnage sensiblement différente de celle incarnée en 2017 par l’acteur Baptiste Dezerces. Ce dernier, à la présence magnétique puissante qui s’est imposé cet hiver aux côtés de Philippe Torreton dans la pièce « Bluebird » de Simon Stephens mise en scène par Claire Devers que l’on a pu voir au Jeu de paume d’Aix et qui a participé à la formidable aventure du « Richard II » de Shakespeare monté par Guillaume Séverac-Schmitz donné au Gymnase de Marseille en février 2016, insistait sur la relation duelle avec Racine. C’était très émouvant, et très intelligemment donné, mais cela colorait autrement qu’en 2018 le propos de l’auteur Jacques Forgeas. Léo Dussollier qui, pour ne pas être influencé, n’a pas voulu voir la pièce jouée par Baptiste Dezerces et par Clovis Fouin qui créa le rôle en septembre 2016 au théâtre du Ranelagh à Paris, élargit le rayonnement de son personnage. Loin d’être un simple dialogue avec Racine, et bien qu’on y parle toujours également de Dieu, des hommes et de l’amour, son intervention semble incarner aussi le point de vue du public tout entier, et de ceux qui admiraient le travail de Racine. «Mon cher Jean, nous sommes des milliers à venir te dire de ne pas t’en aller», parait crier haut et fort le La Fontaine de Léo Dussollier. Son message prend du coup plus d’ampleur, tend à l’universalité et d’ailleurs la metteure en scène fait jouer l’acteur sur un registre plus large, et intègre également à l’aventure, de manière plus physique, les deux comédiennes tout simplement solaires. Les yeux pétillants de cet humour british dont il ne se départit jamais, Léo Dussollier donne de son personnage des indications d’intentions multiples. Il fait de ce moment de théâtre une souvent drôle leçon de passation de culture, de lumière (comme le chanterait Yves Duteil). La Fontaine et les deux jeunes, peut-être futures actrices, recevant des textes de Racine autrefois, lus l’envie de monter sur les planches, et pas mal de raisons de ne pas désespérer de la nature humaine. Cet excellent travail de comédien, qui se trouve magnifié par la complicité de jeu permanente entretenue avec Baptiste Caillaud (acteur assez incroyable) a séduit tout le mois durant le public avignonnais. Famille Dussollier, on avait déjà le père. Voilà le fils ! Bonne pioche ! Et la fille me direz-vous ? Elle se prénomme Giulia et on la verra en septembre au GTP aux côtés du comédien aixois jean Hostache, dans un spectacle de danse. Mais ça c’est une autre histoire que nous ne manquerons pas de vous raconter ici même en son temps.
Jean-Rémi BARLAND
L’adieu à la scène de Jacques Forgeas au Théâtre Roseau-Teinturiers jusqu’au 29 juillet à 10h. Réservations au 04 90 03 28 75.