Off d’Avignon 2024. « La France, Empire », essai transformé pour Nicolas Lambert au 11. Avignon

Il est seul sur scène pendant deux heures. Nicolas Lambert feuillette l’histoire de la colonisation et le démembrement de l’Empire.  Il nous faire vivre cette période que les livres d’histoire ont biffé et que les musées ont ignoré. Tantôt ironique, grave, moqueur ou dénonciateur, il narre ce « secret de famille » qui génère les tensions d’aujourd’hui.

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Dans « La France, Empire » Nicolas Lambert feuillette l’histoire de la colonisation et le démembrement de l’Empire (Photo Pauline Legoff)

Un essai théâtral

Il a voyagé, lu tout ce qui existait sur la République et son Empire. Nicolas Lambert revendique le terme d’essai pour l’écriture de sa pièce. « C’est à la fois une œuvre documentée, je suis allé dans ce qui reste de l’Empire pour trouver des informations, une expérience personnelle et elle vise à faire comprendre cette période entourée de silences dans le roman national ». Pas un temps mort durant ces deux heures. Nicolas Lambert, nous fait vivre cette période à travers une trentaine de personnages et dévoile ce « secret de famille », cette maladie que l’on porte et en cherche les causes. « Je mets des mots sur des maux ».

Des pages blanches

L’ambition de Nicolas Lambert est d’aider à comprendre cette période. « On n’a pas de musée sur l’Empire français, sur l’Empire des Républiques. Les musées se comptent pourtant par milliers dans le pays ». S’ajoute à cela un programme scolaire déficient sur cette période. « Ce qui me contrarie c’est que l’histoire que l’on raconte de façon Education nationale à ma fille ne lui permet absolument pas de comprendre le cadre français dans lequel elle évolue. Dans toute sa scolarité comme dans la mienne on ne lui a jamais dit que la République était un Empire. L’Empire d’après-guerre notamment que l’on a essayé bec et ongles de conserver en bombardant les populations, en violant en série les femmes. Et bien cela elle ne l’a jamais appris ».

Des héros démystifiés

Nicolas Lambert interroge aussi sur les héros de la période coloniale qui ont donné leurs noms, à des rues, dont les statues ornent les places. « Faidherbe, Gallieni, Bugeaud, Lyautey, voire De Gaulle.  Pour moi il a toujours été l’homme de la paix, jusqu’à ce que je découvre que l’homme qui a fabriqué la paix avec l’Allemagne après-guerre lançait en parallèle des guerres meurtrières contre des Français qui n’étaient pas encore Français. Ce qu’il a impulsé en Indochine, en Syrie, au Cameroun… qui réclamaient juste le triptyque liberté, égalité, fraternité que De Gaulle avait promis et bien ces pays ont été bombardés. Si on ne fait pas un droit d’inventaire avec De Gaulle qui a des acquis exceptionnels mais aussi des zones d’ombre. Eh bien c’est embêtant ».

Des individus désintégrés

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Dans « La France, Empire » Nicolas Lambert (Photo Pauline Legoff)

Aujourd’hui, la France est le seul pays à avoir gardé 1/5 de ses anciennes possessions. « Et les choses continuent de se répéter à Mayotte, en Nouvelle Calédonie voire en Guyane »,  cingle Nicolas Lambert. « C’est logique puisque qu’on n’a pas réussi, des décennies après, à nommer les choses ou simplement à en parler dans les livres d’histoire. Moi, je vis dans un quartier populaire où 1/3 de la population appartient à la bonne souche comme l’appelle l’extrême droite et les 2/3 viennent d’un tas de régions différentes du globe qui faisaient partie de cet Empire. Ils ne sont pas arrivés hier pour nous « remplacer », ce sont des gens avec qui on a tissé énormément de liens pendant des décennies, des siècles. Et, depuis que ces pays ont demandé leur indépendance, on dit ce sont des étrangers et leurs enfants seront toujours étrangers parce qu’ils ne sont pas assez intégrés. Ça veut dire quoi ?  Qu’on ne peut pas être de Paris et de Yaoundé ? C’est très étrange ».

En incarnant une trentaine de personnages, Nicolas Lambert noircit en direct les pages blanches de notre Empire, son démantèlement. Il réintègre toutes les pages manquantes dans notre récit national. A Avignon, son spectacle affiche complet mais les programmateurs ne se bousculent pas pour autant. Son œuvre, avant tout pédagogique, semble encore trop politique dans un contexte national éruptif.

Reportage Joël BARCY

Représentations tous les jours jusqu’au 21 juillet, au 11. Avignon. Plus d’info et réservations : 11.Avignon

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