Off d’Avignon. « Rentrée 42, bienvenue les enfants » , un drame poignant et un devoir de mémoire

Cette pièce évoque la rentrée des classes d’octobre 1942 dans une école élémentaire de jeunes filles dans le quartier juif du Marais. L’horreur du régime nazi fait son œuvre. Les rafles du Vél’ d’hiv’ sont passées par là. Rentrée 42 nous plonge dans cet immense vide des salles de classe.

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« Rentrée 42, bienvenue les enfants » © A Guerrero

 L’attente

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« Rentrée 42, bienvenue les enfants » réunion des institutrices © A Guerrero

Sur le tableau noir l’institutrice (Anne Richard) inscrit à la craie une date. Nous sommes le 1er octobre 42, veille de rentrée. Cette féministe attend avec fébrilité la liste des inscriptions. L’éducation permet aux filles d’acquérir des connaissances et de la liberté. Elle bouscule le concierge manchot qui a perdu un bras durant la guerre 14 (Dominique Thomas) pour qu’il obtienne cette liste de l’inspection académique. Elle arrive enfin. 126 élèves sont inscrites. Ouf de soulagement. L’entrée en scène des trois institutrices offre un panel de ce qu’est la France sous l’occupation. Un trio peut-être un peu cliché. On retrouve la communiste engagée (Émilie Chevrillon) qui joue le rôle de lanceur d’alerte. La jeune femme érudite, fille d’un industriel du chocolat, qui vénère le Maréchal (fanny Lucet Suzy), et la femme qui s’accommode comme elle peut du contexte (Isabelle Andréani). Elles pensent à la future année scolaire dans une certaine insouciance puis ces 5 personnages vont vivre un moment tragique.

Tout bascule

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« Rentrée 42, bienvenue les enfants » l’inspecteur et les institutrices © A Guerrero

La directrice inscrit maintenant la date du 2 octobre 1942. C’est la rentrée dans cette école élémentaire de filles en plein cœur du Marais, quartier juif du 11e arrondissement. Mais dans la cour trône l’absence. Seule une vingtaine de filles sont présentes. Il en manque plus d’une centaine. La directrice questionne, tente d’alerter le rectorat, en vain. Elle envoie le concierge vérifier discrètement dans un établissement voisin la situation.  Elle est identique. Alors demeure une question, lancinante. Où sont passés ces enfants ? Reviendront-ils et quand ? La réalité de l’occupation vient de frapper, le déni devient impossible. La prise de conscience progressive ébranle tout le monde. Chacune, proche du maréchal ou résistante, doit se positionner.

Union sacrée

La nécessité de faire bloc contre une idéologie qui bafoue les droits de l’enfant les plus élémentaires sourde de cet événement. Confrontées à l’indicible, l’union sacrée se forme autour de l’institutrice abolissant les notions de pro ou anti Pétain. Comme dans La Guerre d’Algérie, Xavier Lemaire, le metteur en scène et co-auteur de la pièce fait jaillir l’Histoire derrière la petite histoire à travers une scénographie réaliste. Pour que l’on ne ferme pas son école, le personnel enseignant va structurer un système pédagogique autour des vingt fillettes restantes avec toujours l’espoir que les autres reviendront. Plus rien ne peut les arrêter, pas même l’inspecteur d’académie (Michel Laliberté) qui veut fermer leur école et les envoyer dans d’autres établissements ou dans des bureaux aux quatre coins de Paris. L’inspecteur est la caricature des salauds de la collaboration. Il ne se sortira pas vivant de cet affrontement.

Émotion

Cette pièce réussit à nous émouvoir même si elle tourne parfois à la comédie. La haine de l’autre quand elle frappe à nos portes, quand elle touche des enfants peut amener à réviser ses jugements, à changer d’opinion voire à changer de camp. C’est sans doute la réussite de « Rentrée 42, bienvenue les enfants ». La pièce offre une réflexion sur les valeurs de l’éducation nationale tout en prônant un devoir de mémoire pour ces quelque 4 000 enfants innocents qui périront à Auschwitz après avoir été raflés par la police et la gendarmerie françaises.

Joël BARCY

« Rentrée 42, bienvenue les enfants », au théâtre de la Luna tous les jours à 16h30 jusqu’au 21 juillet.

 

 

 

 

 

 

 

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