Publié le 20 novembre 2014 à 23h03 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 18h25
«On ne me reproche rien », c’est par ses mots que Pape Diouf, remonté par la garde à vue qu’il vient de vivre, a ouvert la conférence de presse qu’il vient de donner ce jeudi 20 novembre. Occasion pour lui de revenir sur ce qui s’est passé pendant 36 heures, de s’adresser aux Africains, aux jeunes et notamment ceux de la diversité, de s’interroger si ces heures sont le prix à payer pour ses critiques dans l’affaire des quotas ou encore Sagnol. Avant de conclure son intervention : «J’en arrive à me demander s’il ne faut pas toujours taper sur Marseille et l’OM. Pourquoi les autres clubs ne connaissent pas d’investigations aussi poussées, je suis persuadé qu’il y aurait alors beaucoup plus de clubs qui fréquenteraient les cabinets des juges d’instruction ».
Pape Diouf prévient : «Je n’ai rien à reprocher aux policiers dont le comportement a été remarquable. La question n’est donc pas là, elle réside dans le fait que, pendant 36 heures, on ne m’a strictement rien reproché, on ne m’a confronté à aucun document ou propos. Alors j’ai l’impression d’avoir fait de la pédagogie, expliqué les transferts, les prolongations de contrat et même l’histoire de Marseille».
« Lorsque le juge, poursuit-il, est venu me voir pour prolonger la garde à vue je n’ai pas manqué de lui demander qu’elles en étaient les raisons?, il m’a répondu que c’était pour que tous les protagonistes soient entendus dans les mêmes conditions. Puis de m’indiquer, avec la plus parfaite politesse qu’il espérait ne pas me voir dans son bureau pour une mise en examen. Je dois dire qu’à ce moment là je me suis dit, peut-être même l’ai-je formulé : « Je m’en fous ». Qu’il trouve au moins un élément à charge pour justifier ma présence ici».
« Vu les questions qui m’ont été posées une simple convocation aurait suffi »
Il ne cache pas ses états d’âme, ce qui lui est passé par la tête lorsqu’il était à l’Évêché, en garde à vue : «Je ne cessais de me demander : qu’est-ce que je fais là ? Je ne cessais de penser à ma famille, mes proches. De me dire qu’en tant qu’Africain je ne suis pas pleinement entré dans l’Histoire mais j’indispose avec mes critiques. Sur l’affaire des quotas, en 2010, (lors d’une réunion à la Fédération Française de Football il est évoqué la possibilité de mettre en place des quotas de binationaux dès l’âge de 12-13 ans, affaire révélée par Mediapart ndlr), puis mon indignation suite aux propos de Sagnol sur « le joueur typique africain ». Sans oublier que j’ai tenu à relativiser les succès de l’équipe de France de foot. Peut-être que tout cela gène. A moins qu’il ne s’agisse de justice spectacle. Or, lorsque la justice devient spectacle dans un pays, c’est un peu de liberté que perd ce dernier». Et de rappeler l’adage populaire : «Il n’y a pas de fumée sans feu. C’est bien cela qui me pose problème, m’irrite, des gens ne vont retenir que la garde à vue. Alors qu’avec les questions qui m’ont été posées une simple convocation aurait suffi ».
Il s’adresse aux Africains : «En Afrique, on suit avec attention ce que je fais. Certains ne comprennent pas ce qui m’est arrivé. Pour beaucoup il s’agit d’un complot. Je tiens à les rassurer. De même, je m’adresse aux jeunes de la diversité. Certains ont pu se dire me voyant : on peut y arriver avec volonté, application, sans tomber dans les expédients. Ils doivent comprendre que ce n’est pas ce type d’épiphénomène qui doit les décourager».
«En venant à l’OM j’ai accepté de perdre les ¾ de mes revenus »
Il note: « Dans ce dossier j’ai pu voir que Christophe Bouchet a reconnu mon honnêteté, j’ai d’autant plus apprécié que voilà des années que je ne lui parle plus». Et de lancer immédiatement : «D’ailleurs vu l’estime que me portent ceux qui m’ont succédé à la tête de l’OM, vous croyez vraiment que s’il y avait eu une seule virgule mal placée ils se seraient privés de le faire savoir depuis cinq ans?».
Il revient alors sur son arrivée à l’OM : «J’ai rencontré Robert Louis-Dreyfus, je lui ai dit que j’étais prêt à prendre tous les risques pour faire avancer le club, sauf sur le plan pénal où là, je n’en prendrai aucun. Je lui ai d’autre part dit qu’il pouvait me demander d’où provenait jusqu’au dernier euro de ma poche, j’aurais toujours la réponse. Et puis enfin, en venant à l’OM j’ai accepté de perdre les ¾ de mes revenus (il était agent de joueurs ndlr), alors si vous croyez que ma présence à la tête de l’OM est liée à l’argent… ».
Il en vient au transfert de Samir Nasri : « C’est très simple. Nous étions devant un joueur qui allait entrer dans sa dernière année de contrat. C’est à dire à un moment où, en payant tout son salaire, il pouvait partir libre, ce qui nous aurait rapporté, de mémoire, 1,5 million d’euros. Nous avons donc négocié avec sa famille, ses agents, le joueur, ce fut âpre, long. Et nous sommes parvenus à un accord. Nous cédions le joueur au prix que nous souhaitions et nous reversions 1/3 au joueur. Résultat, nous avons obtenu 11 millions au lieu de 1,5 et le joueur 5 millions. Tout ceci est légal et se trouve dans les comptes du Club».
Michel CAIRE