Publié le 18 janvier 2015 à 21h10 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 18h36
Il ne fallait pas manquer la reprise, ce week-end et pour deux représentations, de la production de «Barbe Bleue» créée à l’Odéon il y a deux ans déjà. Un petit bijou de musique, de chant et de théâtre que cet opéra bouffe de Jacques Offenbach mis en scène par Jean-Jacques Chazalet. Ce fut l’occasion, pour certains, de découvrir ce théâtre de l’Odéon qui est, à Marseille, en haut de la Canebière, le «temple» de l’opérette.
Beaucoup d’idées préconçues circulent sur ce genre musical que l’on dit, entre autres, et à tort, réservé aux anciens. Pour ma part, samedi après-midi, j’ai été heureux de constater la diversité du public rassemblé dans la salle. Certes il y avait des personnes âgées, et tant mieux, mais aussi des enfants, des ados, des quadras… Un melting pot réjouissant autour de ce creuset culturel patrimonial qu’est l’opérette en France. Rien que pour cela, c’était déjà intéressant d’être là.
Découverte, aussi, du véritable esprit de troupe qui anime celles et ceux qui font vivre le spectacle. Car le dynamisme, la cohésion, la complicité entre les artistes sont perceptibles du début jusqu’à la fin des représentations. Et j’ai retrouvé là des illustrations aux propos que me tenait, il y a quelques années, Gabriel Bacquier sur l’importance de la troupe dans l’art lyrique. Une troupe qui, à l’Odéon et pour ce «Barbe Bleue», bénéficie de décors et de costumes délicieusement surannés signés respectivement Nicolas Delas et Maison Grout, mais surtout d’une véritable direction d’acteurs de Jean-Jacques Chazalet. Un travail précis, un jeu physique mais aussi d’œillades tout en finesse, une représentation truffée (c’est de saison !) de jeux de mots (« j’ai peur que ce cor ne m’use, je m’aigris (…)« ) et de références plus ou moins perceptibles en fonction de l’âge et de la culture du public, à l’instar de Popolani ressemblant à s’y méprendre à «Igor» dans Frankenstein junior; on ne s’ennuie pas une minute. Comme presque toujours, chez Offenbach, les niveaux de lecture de l’œuvre sont multiples et les rires ne font pas oublier, ici, la tyrannie meurtrière des uns, les désobéissances salvatrices plus ou moins désintéressées des autres, la place de la femme dans la société pour terminer par cette réplique du Comte Oscar : «C’est en ne sachant jamais où il va qu’un homme d’État arrive à conduire les autres». C’est écrit noir sur blanc dans le livret qui date de 1866… Puis il y a les solistes et les artistes du Chœur Phocéen. Rompus à la comédie, ils procurent son homogénéité à cette production. La troupe étant, par essence, solidaire, impossible de mettre en avant l’un(e) ou l’autre de ses membres. Tous jouent, chantent, dansent pour notre plus grand bonheur et, visiblement, prennent beaucoup de plaisir à la faire. C’est là l’essentiel. Le tout accompagné par la vingtaine de musiciens de l’Orchestre du Théâtre de l’Odéon sous la direction de Jean-Pierre Burtin ; petite formation efficace pour ce répertoire. Un excellent moment que cette représentation de «Barbe Bleue» et un beau succès pour la transmission de la maison Odéon à Maurice Xiberras et Sophie Duffaut en présence de l’ancien maître des lieux et metteur en scène en la circonstance, Jean-Jacques Chazalet.
Michel EGEA