Publié le 20 octobre 2019 à 20h57 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h23
En proposant une nouvelle production de l’opérette de Francis Lopez, «Le Prince de Madrid» en confiant sa réalisation à Carole Clin, c’est un souffle nouveau qui a mis en joie l’Odéon. Foin de ringardise, ici, mais une vision de l’œuvre qui, sans tourner le dos à la tradition, était marquée du sceau de la modernité. A commencer par ces «espagnolades», souvent lourdes et indigestes, auxquelles la scénographe, avec le concours du chorégraphe Felipe Calvarro, a apporté du pétillant et de la légèreté. Sur cette mini-scène, avec un minimum, Carole clin fait un maximum avec une touche féminine délicate pour le plus grand plaisir des spectateurs. Le rideau décoré d’une rue espagnole permet les changements de décors sans interrompre l’action, le cyclo prend les couleurs de l’action et cette autre toile de fond d’un ciel au couchant vu à travers des larges fenêtres est d’un réalisme, et d’une beauté, époustouflants. Au cœur de cet espace restreint, la metteuse en scène fait se mouvoir intelligemment les protagonistes, soignant les entrées et évitant le fouillis qui aurait pu résulter de l’abondance d’artistes sur scène. Ces derniers, solistes auxquels il convient d’ajouter les membres du chœur phocéen et les danseurs, ont largement contribué au succès de la représentation de dimanche après-midi à laquelle nous assistions, aux côtés de quelques solistes qui seront sur la scène de l’opéra ce mardi pour chanter «La reine de Saba» de Gounod. Et visiblement, ils ont pris du plaisir aux amours contrariés de Goya. Difficile, une fois encore, de parler plus de l’une et de l’un que de l’autre dans ce compte rendu car c’est un véritable esprit de troupe qui a présidé à cette production et en a fait son succès. Laurence Janot a apporté son port empli de noblesse à la duchesse d’Albe mais aussi sa voix, notamment pour son air «Pour sauver mon amour» au deuxième acte ou l’émotion était au rendez-vous… Frissons d’autant plus garantis qu’à cet instant Francis Lopez rompt avec la légèreté espagnole de sa composition pour livrer une partition dramatique et dense. Amélie Robins, fut une tendre et juvénile Fiorecita, Julie Morgane une espiègle Paquita et Carole Clin une délicieuse Dona Inez. Simone Burles, Émilie Sestier, Pricilla Beyrand et Davina Kint complétant idéalement la distribution féminine. Le Goya de Juan-Carlos Echeverry fut séduisant, Grégory Juppin incarnant un Paquito malicieux à souhait, Fabrice Todaro un solide Horatio et Claude Deschamps un Esteban plein d’humour. Frédéric Cornille, Antoine Bonelli, Philippe Béranger, Jean-luc Epitalon et Michel Delfaud apportant chacun avec talent leur pierre à l’édifice du succès. Une fois de plus le chœur Phocéen, préparé par Rémy Littolff fut à la hauteur avec, notamment, un superbe et délicat moment féminin au début du deuxième acte. Excellence aussi chez les danseurs Sophia Alilat, Laureen Debray, Sabrina Llanos, Valérie Ortiz, Felipe Calvarro et Clément Duvert. Enfin, comment ne pas évoquer le travail de Bruno Conti qui, à la tête de l’orchestre de l’Odéon qui sonnait fort bien, a su donner de la chair à cette partition de Francis Lopez. Un moment des plus réjouissants…
Michel EGEA