Publié le 28 septembre 2016 à 20h08 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 15h37
Être ou ne pas être ? Mourir… Dormir. Enfermé jusqu’à la folie dans ses incertitudes, Hamlet a fait le vœu de venger la mort de son père. Mais «la conscience fait de nous tous des lâches; ainsi les couleurs natives de la résolution blêmissent sous les pâles reflets de la pensée; ainsi les entreprises les plus énergiques et les plus importantes se détournent de leur cours, à cette idée, et perdent le nom d’action…» Seule la mort d’Ophélie, son amour absolu, brisera le cours de son incertitude, le jeune Hamlet accomplissant alors sa promesse, plantant une dague dans le sein de son oncle Claudius, devenu roi, et épargnant, non sans l’avoir violemment outragée, sa mère Gertrude promise au cloître ; respectant en cela une volonté affirmée par le spectre de son père.
Pour ouvrir la saison de l’Opéra de Marseille, c’est le «Hamlet» d’Ambroise Thomas que Maurice Xiberras a choisir de ressortir des coulisses, une élégante production signée Vincent Boussard, assisté par Natascha Ursuliak, créée à Marseille en juin 2010. Six ans plus tard cette mise en scène n’a pas pris une seule ride. Moderne, soignée, elle est un implacable et froid révélateur des sentiments qui animent les protagonistes. Et six ans plus tard, c’est toujours Patrizia Ciofi qui incarne la douce Ophélie et va rejoindre la Willi dans les eaux du lac bleu par le truchement d’une superbe baignoire sur pieds de style art nouveau. Six ans plus tard, «la» Ciofi est toujours aussi lumineuse et émouvante, dans cet acte IV, paroxysme de folie et d’amour, comédienne sublime n’oubliant jamais qu’il faut à chaque seconde, ou presque, se jouer des difficultés de la partition. Le chant de Patrizia Ciofi a, lui aussi, six ans de plus. Et s’il a gagné en maturité et en épaisseur il ne perturbe en rien la soprano dans l’incarnation de son rôle juvénile et les aigus d’un autre monde sont toujours là. Encore un énorme moment de théâtre et de musique en compagnie de la carissima Patrizia. Fort appréciée, aussi, la Gertrude de Sylvie Brunet-Grupposo. Voix puissante, posée, solide, scénique la mezzo est impeccable, acceptant avec beaucoup de cran la violence extrême de l’agression que lui impose son fil Hamlet. Hamlet, justement, qui a les traits d’un Jean-François Lapointe toujours en grande forme. Depuis quelques années, le canadien est exact à tous ses rendez-vous se taillant à tous les coups de larges tranches de succès. En cette fin septembre, il embrasse à nouveau ce rôle d’Hamlet avec détermination. Servi par un physique des plus élégants, entre raison vacillante, passion, inquiétude, haine, il incarne à la perfection le Prince ; être ou ne pas être ? Vocalement, le baryton est impeccable; une ligne de chant précise et volumineuse, de la souplesse, de la couleur, une diction parfaite : rien à redire. Aux côtés de ce trio d’exception, la distribution est homogène et de bonne qualité emmenée par Marc Barrard, émouvant dans son remord. Pour servir la partition, un tantinet longue, d’Ambroise Thomas, le maestro Foster, avait retrouvé sa grande forme à la tête de cet orchestre de Marseille qu’il chérit tant. Et l’orchestre le lui a bien rendu, mettant en œuvre ses qualités que l’on sait maintenant reconnues «urbi et orbi» avec une mention, cette fois-ci, pour les cuivres et les bois. Côté chœur on a le volume, la beauté, la puissance et l’exactitude, fruit du travail des choristes sous la direction d’Emmanuel Trenque. S’il est des reprises dont on se demande parfois pourquoi elles sont… reprises, celle de cette production d’Hamlet le mérite amplement. A découvrir ou à revoir.
Michel EGEA
Pratique – Représentations le jeudi 29 septembre et le mardi 4 octobre à 20 heures, le dimanche 2 octobre à 14h30. Réservations : 04 91 55 11 10 ou 04 91 55 20 43 – opera.marseille.fr