Publié le 25 décembre 2014 à 22h24 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 18h32
On entre dans ce «Élixir d’amour» en ouvrant la page de garde d’un album photographique presque familial… Et jusqu’au dénouement heureux on se délecte en découvrant, l’un après l’autre, les clichés noir et blanc, qui ont viré sur le sépia, de cette histoire d’amour tendre, enjouée et campagnarde. Un parti pris scénique pour le moins réussi signé par Arnaud Bernard avec la collaboration efficace de William Orlandi, créateur des décors et des costumes.
D’entrée de jeu, la direction pétillante de Roberto Rizzi Brignoli fait briller la musique de Donizetti. Le maestro est à la tête d’une formation aux couleurs chatoyantes, aux sonorités chaleureuses, qui répond parfaitement à chacune de ses sollicitations. Et à l’issue de la représentation, la première avait lieu mardi soir, le directeur musical avait un grand sourire au moment de remercier les premiers des pupitres dans la fosse avant de monter recueillir les bravi populaires sur la scène.
Cette scène où, en ce début de XXe siècle, le jeune paysan Nemorino se meurt d’amour pour la riche et séductrice fermière Adina qui se délecte de lire, pour la foule des villageois et travailleurs agricoles, l’histoire de Tristan et Iseult, à jamais amants pour toujours sous l’emprise d’un philtre d’amour… Et il en rêve, Nemorino, de cet élixir, alors que les militaires, emmenés par le sergent Belcore, arrivent au village. Ce dernier en profite pour demander la main d’Adina. Et ce n’est que l’apparition du charlatan, le docteur Dulcamara, et de ses potions qui rassérénera l’amoureux transi, un tantinet benêt, faut-il avouer, qui obtiendra une bouteille de vin de Bordeaux pour tout élixir d’amour… Mais la suite nous prouvera que ça marche !
Adina, sur la scène de l’Opéra phocéen, c’est Inva Mulla. La dame donne toute sa personnalité à un personnage mutin et insouciant. La voix est belle, souple, précise et puissante. Il est vrai que la soprano albanaise, qui compte actuellement parmi les plus demandées sur les scènes lyriques, maîtrise un répertoire où figurent des œuvres en forme d’Everest à côté desquelles cet « Elixir » n’est qu’un Mont Ventoux… Mais il faut le dominer, et elle le fait à la perfection. A ses côtés, il convient de saluer la belle prestation de la paysanne Giannetta, incarnée par Jennifer Michel. La jeune soprano nîmoise, pensionnaire il y a peu encore du conservatoire de Marseille, puis du CNIPAL, impose son jeu et sa voix colorée et puissante aisément identifiable, même dans les tutti les plus ardents.
Si Paolo Bordogna, belle voix de baryton basse, campe avec talent un Dulcamara très «bouffon» tout droit sorti de la commedia dell’arte, si le baryton Armando Noguera est un Belcore imbu de sa personne et sur de son sex appeal, si le comédien Alessandro Mor est très présent comme assistant du charlatan, chez les hommes, c’est le ténor Paolo Fanale qui sera le grand triomphateur de la soirée. Il est jeune, il est beau et chante merveilleusement bien. Structure vocale solide, beaucoup de souplesse et de couleur dans le chant, sa prestation sera justement saluée par une salle séduite, en particulier, par son air «Una furtiva lagrima» qui fut très longuement applaudi. Quant au chœur, bien préparé comme à l’accoutumée par Pierre Iodice, il s’est rapidement imposé en incarnant paysans et villageois tout au long de la représentation. Une mention pour les pupitres féminins, très présents dans cette œuvre.
Pour passer d’une année à l’autre, cet Elixir d’amour est donc à consommer sans modération. N’hésitez pas une seconde et réservez vos places. L’histoire est amusante et la musique bellissima… Joyeuses fêtes.
Michel EGEA
Pratique: représentations les 27 et 31 décembre à 20 heures, les 2 et 4 janvier à 14h30. Renseignements et location : 04 91 55 11 10 ou 04 91 55 20 43. Plus d’info opera.marseille.com
Concert du Nouvel An : offrez vous l’Opéra pour 5 euros
Le samedi 3 janvier à 16 heures, le maestro Roberto Rizzi Brignoli dirigera l’orchestre philharmonique de Marseille pour le concert du Nouvel An. Au programme des extraits musicaux de «Carmen» de Bizet, des œuvres de Tchaïkovski, des valses et des marches de Franz Von Suppé, Johann Strauss père et Johann Strauss II. Tarif unique: 5 euros.