Publié le 26 mars 2015 à 16h57 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 18h47
Musicalement, et au niveau de la continuité de l’intrigue, «Simon Boccanegra» est l’un des ouvrages les plus aboutis de Verdi. Mais, hélas, pas l’un des plus appréciés du grand public qui préfère, et de loin, les tubes du «Trouvère», d’ «Aïda» ou encore de «Nabucco» à l’histoire tragique du Doge de Gênes. Dommage… Et il restait encore des places à la vente à l’occasion de la deuxième représentation de cette œuvre à l’Opéra Grand Avignon.
C’est la production de l’Opéra de Tours, avec une mise en scène de Gilles Bouillon, qui était proposée. Production sombre, dense, privilégiant le drame et focalisant sur les caractères des personnages avec l’aide d’une scénographie de Nathalie Holt qui ne fait aucune concession à la légèreté. Personnellement, j’ai trouvé ce travail des plus intéressants, entre la cruauté froidement et dramatiquement réaliste de la politique et les répits offerts par l’expression de l’amour qu’il soit filial ou conjugal.
Dans la fosse, le maestro Alain Guingal essaye de faire briller la musique de Verdi. Tâche ardue car, il faut bien le dire, l’orchestre était parfois dans l’approximation. Cette formation nous avait habitués à mieux. Sur le plateau, la distribution était prometteuse. Débutons par ma seule réserve d’envergure qui concerne le ténor Giuseppe Gipali (Gabriele Adorno) un peu en dedans, avec une voix légèrement voilée; il a des problèmes de projection, c’est indéniable. Dans le rôle d’Amelia, Barbara Haveman s’en sort plutôt bien; une faiblesse dans son premier grand air avec un aigu escamoté puis du bon travail tout au long de l’œuvre, tant scéniquement que vocalement. Son soprano est puissant, aisé, avec une projection parfaite. Elle donne une belle personnalité à la fille du corsaire.
J’ai grandement apprécié, aussi, Lionel Lhote qui prêtait traits et voix à Paolo Albiani. Le baryton est à l’aise, voix bien placée, ligne de chant limpide et sans faiblesse. Un peu moins en vue, Wojtek Smilek dans le rôle de Jacopo Fiesco. Son registre de basse est habituellement d’une belle amplitude mais ici, il manque de puissance et de relief, surtout dans les graves. Son jeu d’acteur lui permet toutefois d’imposer son personnage. Mais le grand artisan du succès, c’est le baryton roumain George Petean qui domine cette production de façon écrasante. Massif, physique, il confère toute sa dimension au rôle-titre qu’il incarne avec aisance. Vocalement, il ne présente aucune faille avec une amplitude remarquable, une parfaite ligne de chant et une puissance indéniable mais toujours maîtrisée. Une grande performance, en ce dimanche après-midi, de cet artiste actuellement en pleine forme. Une mention, enfin, pour Violette Polchi, Patrick Bolleire et Patrice Laulan les «seconds rôles» qui ont fait avec talent ce qu’ils avaient à faire.
Michel EGEA