Publié le 25 novembre 2016 à 9h43 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 15h43
Une chose est certaine : on ne sort pas indemne de la représentation de « Marie Galante ou l’Exil sans retour», pièce de théâtre musical conçue par Michel Pastore pour le Festival Musiques Interdites d’après la pièce de Jacques Deval et sur la musique de Kurt Weill. Mercredi soir, la première était donnée à guichets fermés dans le petit théâtre de La Criée. De l’autre côté du mur, c’était «Karamazov» qui était joué ; étrange coïncidence car en un même lieu, deux drames étaient représentés, pas si éloignés l’un de l’autre, drames de sociétés d’un autre temps dont une lecture contemporaine peut être faite. Car dans le flot des réfugiés qui errent aujourd’hui dans le monde combien de Marie Galante sont partie pour un exil sans retour ? La douleur de l’exil : Kurt Weill la vivait ; Marie Galante va la chanter et la dire. Petite fille devenue prostituée pour ne pas mourir, c’est surtout pour se payer un billet de retour vers sa terre de France qu’elle tapine dans un obscur bordel panaméen. «Prends moi, paye moi, casse toi !» Vie sordide qui défile devant nos yeux ici, sur une scène, alors que dehors elle est peut-être réalité à nos portes. «Le train du ciel » et «Le grand Lustucru», deux des chants du spectacle, n’en prennent que plus de charge émotionnelle et «Youkali», le tango habanera entré dans l’histoire, n’en est que plus électrisant. Des chants qui, s’ils ont été mis en musique par Kurt Weill, ont été composés pour les paroles par Roger Fernay en collaboration avec Jacques Deval.
Pour servir ce spectacle, et la musique toujours très habitée, violente, lancinante, émouvante de Kurt Weill c’est un bon ensemble «chambriste» de 14 instrumentistes puisant, notamment, dans les forces vives de l’orchestre philharmonique de Marseille qui était dirigé, depuis le piano, par Vladik Poloniov. L’actrice Irène Jacob avait accepté d’être récitante et de redonner vie à Marie Galante en racontant son histoire.
Le rôle-titre, quant à lui, était tenu par la soprano Emilie Pictet, si fragile et si puissante à la fois, qui nous a tiré des frissons. A ses côtés le baryton Jean-Christophe Maurice et la basse Yves Bergé ont complété la distribution de fort belle façon. Un spectacle bouleversant parfois, sensible et poignant, dont, effectivement on ne sort pas indemne.
Michel EGEA