Publié le 16 juillet 2015 à 14h03 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 19h29
Ils en ont eu plein les yeux et plein les oreilles, les musiciens de l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée, invités, mercredi soir, au Grand Théâtre de Provence. Car le concert donné par le Freiburger Barockorchester sous la direction de Pablo Heras-Casado valait bien quelques heures de répétition par sa qualité, mais aussi, et surtout, par la leçon de direction musicale livrée par le jeune maestro. Du très grand art. Tout a commencé avec l’ouverture délicieuse de «Los Esclavos Felices» de Juan Crisostomo de Arriaga, compositeur ibérique à qui l’on promettait une carrière «à la Mozart» avant qu’il ne soit fauché, en 1826, à l’âge de 20 ans, par la tuberculose. Cette ouverture témoigne de la précocité du talent de ce compositeur. Elle est élégante et enjouée, servie avec chaleur et belles couleurs par les musiciens du Freiburger. Un prélude des plus agréables avant le premier grand moment de la soirée, le concerto pour piano et orchestre n° 3 de Beethoven. Devant l’orchestre, au pianoforte, Kristian Bezuidenhout. Il est un grand spécialiste de l’instrument et va le prouver par une interprétation magistrale de la première à la dernière note. Il joue au sens propre et au sens figuré avec les sonorités assez exceptionnelles de son pianoforte donnant une dimension lumineuse à chacun de ses solos, ciselant la partition avec un toucher redoutablement efficace. Et l’union du pianoforte avec la couleur si particulière des instruments d’époque du Freiburger est idéale. Pablo Heras-Casado le sait bien qui va donner à l’ensemble de la rondeur, mais aussi de la puissance tout en conservant une élégance bienvenue. Un triomphe attendait les protagonistes… Il était mérité. Et après quelques minutes de rappel, Kristian Bezuidenhout ressortait son talent pour la sonate n°10 de Beethoven, donnée avec maîtrise et sensualité, sur un pianoforte décidément bien en son(s). Un bis auquel assistait Pablo Heras-Casado assis au milieu des musiciens de l’harmonie. Après la pause, place au romantisme de Felix Mendelssohn. Au programme la symphonie n°3 «Écossaise». Une nouvelle occasion, pour Pablo Heras-Casado de livrer un bijou de musique avec une direction, sans partition, de cette œuvre qu’affectionnait particulièrement son auteur. Le chef sait pouvoir compter sur un orchestre hors pair à tous les pupitres et n’a de cesse de valoriser les musiciens par une direction qui, pour être sans baguette n’en demeure pas moins d’une précision extrême, et très dynamiques. On est loin, ici, de la guimauve ou du sirop servis, parfois, sur des scènes. Heras-Casado imprime un tempo soutenu, arrondit les sons, fait éclater les nuances; c’est de l’or (musical) en barre et un bonheur énorme au sortir de l’œuvre. Le chef d’orchestre le sait certainement et revient, après quelques rappels et avec le sourire, pour annoncer: «Nous allons rester avec Mendelssohn et allons vous donner le troisième mouvement de la symphonie Italienne en bis…». Extase, total bonheur par la grâce d’un directeur musical éclairé et d’un orchestre lumineux…
Michel EGEA