Publié le 13 novembre 2014 à 22h00 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 18h24
On attendait beaucoup du retour de Natalie Dessay dans le royaume de la voix lyrique, celui qui l’a consacrée reine au-delà de la nuit, et même prima donna de cette affiche à en croire le programme signé Etienne Kippelen. En 2011, à la veille de sa prestation dans «Traviata » au Festival International de Musique et d’Art Lyrique, Natalie Dessay, qui fut en son temps «cigale» de ce Festival à l’occasion de l’une de ses participations en tant que Reine de la Nuit à l’Archevêché, nous avait confié : «après cette Traviata, je vais faire ce qui me fait plaisir. Et si ce qui me fait plaisir c’est du théâtre, je ferai du théâtre…» Alors, avant de basculer dans la tribu des quinquagénaires, la soprano a effectivement fait ce qui lui apportait du plaisir. Elle avait évoqué, au cours de notre interview, l’amitié avec Michel Legrand… Cette amitié a débouché sur une collaboration avec tournées, CD et tout le bazar.
Elle nous avait dit qu’elle était ouverte à des projets surprenants : d’où le «Rio-Paris» aux côtés d’Agnès Jaoui et de deux autres charmantes comparses. Et il y a quelques jours encore, elle chantait dans «Les Parapluies de Cherbourg» au théâtre du Châtelet à Paris sous la direction de… Michel Legrand.
La retrouver au Grand Théâtre de Provence aux côtés de sa complice de
(presque) toujours Emmanuelle Haïm pour donner des airs de «Jules Cesar» de Haendel devenait un petit événement dont la soprano avait envie. Et mercredi soir, personne ne s’y était trompé puisque la grande salle du GTP affichait «complet». La reine est apparue en majesté, dans une somptueuse robe fourreau dorée, signée Devauze & Dugat comme nous l’apprenait, hier, le facebook du Concert d’Astrée. Après un premier air en forme de «tour de chauffe», Natalie Dessay allait ensuite prouver a ses fidèles et aux autres qu’elle avait résisté à l’ouverture des parapluies et au voyage brésilien. Certes la voix a évolué, s’est légèrement assombrie, un peu voilée, surtout dans les graves; certes les aigus sont parfois moins francs, moins faciles, moins virtuoses, mais quelle ligne de chant, quelle justesse, quelle technique. Son «Se pietà di me non senti » fut un modèle du genre. Elle prends une note, mezzo, voire piano et ne la lâche plus pendant des secondes, la tenant sans faille, sans l’ombre d’un vibrato malvenu. La musicalité est extrême, la ligne de chant royale. Puis elle a conservé entière son aura, cette capacité de fascination qui dépose le public à ses pieds. Cette prestation aixoise était la première d’une tournée qui devrait, à chacune de ses étapes, consacrer la reine Dessay car, avant tout, tel est son bon plaisir. Heureusement qu’elle nous le fait partager.
Ce concert nous a aussi permis d’entendre un jeune contre-ténor plein de talent, Christophe Dumaux. Grande technique, voix bien en place, de la virtuosité à revendre, le garçon est visiblement très heureux d’être de cette fête. Quant à l’ensemble Le Concert d’Astrée, il est égal à lui-même, c’est-à-dire superbe. Un beau son baroque, de la subtilité et des couleurs chatoyantes. Il faut dire qu’à sa tête, Emmanuelle Haïm fait preuve de sensibilité et de justesse, impulsant la dynamique tout en restant très discrète. Un travail de dentellière. Trois ans après «Traviata», Natalie Dessay a bien fait de revenir chanter à Aix-en-Provence. Ce fut un moment fort apprécié.
Michel EGEA