Publié le 5 août 2014 à 1h19 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 18h06
«Les corps de Desdemone et Otello ont été découverts sans vie dans l’appartement de la jeune femme. D’après les premiers éléments de l’enquête, Otello, rendu jaloux par une rumeur, aurait poignardé son épouse avant de se donner la mort. Un peu plus tard, la dépouille de Iago était retrouvée dans une poubelle. L’enquête a permis de déterminer que ce dernier, à l’origine de la rumeur ayant provoqué la mort du couple, avait été exécuté par les amis des deux victimes. L’enquête se poursuit.» (Corriere del Veneto)
Qu’elle est d’actualité, l’intrigue shakespearienne mise en musique par Verdi ! Un fait-divers comme tant d’autres aujourd’hui avec une ambition démesurée qui mène à la déraison, de la jalousie et la violence fait aux femmes. Que de chemins nouveaux à suivre pour un(e) metteur en scène !
Mais pour les Chorégies d’Orange, la mise en scène de Nadine Duffaut est d’un strict classicisme, jouant, plutôt avec bonheur, du modernisme d’images projetées sur les restes d’un miroir vénitien brisé et gisant sur scène. Un travail accessible au plus grand nombre, d’une lisibilité aisée, peut-être légèrement simpliste. Sur scène, dans le rôle titre,le « chouchou » maison, Roberto Alagna. Superbe scéniquement, décevant vocalement. Une fois de plus il épouse en rôle qui n’est pas à sa mesure. Si le principe de Peter veut qu’un humain atteigne un jour son seuil d’incompétence professionnelle, il en va de même pour la voix. Et notre Roberto national peine grandement lorsque ça monte et a du mal à assurer ses attaques, notamment au dernier acte. Reste sa belle gueule, son torse poilu, son sex appeal, moulé dans son tee shirt rouge et son pantalon simili-cuir de la même couleur. Mais, cette fois-ci, il n’y aura pas assez de groupies pour assurer un triomphe dans un théâtre plutôt bondé pour une représentation transférée du samedi au dimanche pour cause d’orage. D’ailleurs, la malédiction de l’opéra débutant par une tempête existe bien puisque, même dimanche, l’eau est tombée quelques minutes avant que ne débute la représentation. A bannir, Otello, chez Auguste !
Mais le premier rôle de cette œuvre n’est-il pas Iago, le félon, le jaloux ? Une fois de plus, c’est Seng-Hyoun Ko qui s’y colle. Le baryton Coréen a perdu un peu de sa superbe assurance au fil des ans mais demeure odieux à souhait et d’une puissance vocale adaptée au lieu. Chez les hommes c’est lui qui recueillera l’ovation majeure. Le Cassio de Florian Laconi est intéressant, mais manque ici de volume. Apprécié Enrico Iori, excellent Lodovico. Dran, Delpas et Toussaint étant assez discrets dans leurs prestations.
Vocalement, c’est assurément Inva Mula la grande triomphatrice incarnant une sensible Desdemona, avec précision et puissance. Idéale dans ce rôle de femme perdue dans un contexte qu’elle ne comprend pas, elle est éblouissante. A ses côtés, Sophie Pondjiclis est une Emilia intéressante.
Mentions très bien aux chœurs d’Avignon, Marseille et Nice et aux enfants de la Maîtrise des Bouches-du-Rhône dont l’intervention, certes assez courte, mais très difficile, fût remarquable, bien préparés qu’ils étaient par leur directeur musical Samuel Coquard. Enfin, couronne de laurier à Myung Whun Chung, éblouissant dans sa direction sans partition, n’omettant aucune nuance, aucun trait d’enrichissement. Grand moment à la tête d’un excellent « Philar » de Radio-France.
Michel EGEA
Autre représentation, ce mardi 5 août à 21 h 30. Spectacle diffusé en direct sur France 2 et sur France Musique. 04 90 34 24 24.
Choregies