Publié le 24 juillet 2015 à 14h27 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 19h30
«Vous êtes le vent glacé de l’Histoire, celui qui souffle sur la Russie depuis toujours». Celle qui s’adresse à Vladimir Poutine en personne, le défiant dans son bureau se prénomme Svetlana et exerce la fonction de procureur. Le chef de l’État russe qui l’a fait venir pour lui proposer un étrange marché, l’a beaucoup aimée autrefois, et semble enclin donc à beaucoup d’indulgence. Cynique, déclarant avec une certaine morgue de forme tsariste: «La Russie au centre de l’Histoire, voilà ce que sera mon héritage». Poutine veut que la Russie l’aime et, laisser une trace de son passage au pouvoir. Jusque là rien d’original et de nouveau dans la pièce de Hugues Leforestier donnée dans le Off et qui constitue une création. Très au fait des événements russes, ayant donné des livres sur le sujet et auteur de la très remarquée pièce «Brigade financière» le dramaturge-écrivain signe pourtant avec «Le projet Poutine» un huis clos à deux personnages passionnant de bout en bout, auquel on peut ne pas adhérer sur la fin, et qui demeure une vision classique de la situation politique de celui qui apparait ici comme un monarque. Mais avec, et c’est là l’originalité du regard, un être aux blessures intimes jamais guéries. L’utilisation de la vidéo montrant les manifestations d’opposants russes contribue à la crédibilité politique de la pièce. La mise en scène peu innovante mais solide de Jacques Descombes rend lisible la pièce. Si Hugues Leforestier lui-même campe un Poutine pas assez inquiétant à mon goût, avec un jeu plutôt rentré (on sent qu’il n’est pas véritablement comédien en dépit du fait qu’il s’en sort honorablement) à ses côtés Nathalie Mann est criante de vérité. Sa composition de la femme intègre défiant Poutine et qui sait qu’elle est en danger montre une présence physique remarquable et une force d’actrice quasi magnétique. Elle contribue à rendre «Le projet Poutine» plus attrayant encore, et au final on passe un excellent moment de théâtre.
Jean-Rémi BARLAND
Artéphile Théâtre au 7, rue Bourgneuf, 84000 Avignon à 15h15. Réservations au 04 90 03 01 90.
