Publié le 5 août 2019 à 8h38 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 12h06
Un «yellow cab» made in France qui déboule sur scène avec un crissement de pneus. Au volant Leporello et à l’arrière Don Giovanni qui, par l’entremise d’une projection sur le mur, prend un ascenseur virtuel pour aller lutiner Donna Anna. Les choses se passent mal et le séducteur s’enfuit avant d’être «flingué», comme une petite frappe de quartier, par un commandeur-parrain arrivé en gros 4×4 avec deux sbires comme gardes du corps avant de s’effondrer lui aussi. Mais ce sont les doubles des deux protagonistes qui restent sur scène… L’opéra peut se poursuivre. Pour se terminer, quelque trois heures plus tard, par la même scène qui verra le seul Don Giovanni trépasser. Difficile, en vérité, de saisir le message de Davide Livermore, le metteur en scène, qui déclarait, avant la représentation : «Don Giovanni a besoin de règles pour les détruire alors que le Commandeur veut le chaos pour le formaliser». Avouant illustrer une lecture politique et sociale du dramma giocoso. On veut bien, mais le message n’est pas si limpide que cela entre une Renault Mégane sortie d’un remake de «Taxi Driver » et un Don Ottavio benêt à souhait en costume d’époque, entre un fiacre tiré par un cheval et des photos de scènes de meurtres de femmes projetées sur le mur au moment de l’air du catalogue. Difficile, donc, de cerner le personnage central qui, s’il semble totalement tourné vers la débauche, comme le montre la scène de partouze du dîner final, ne fait que se mouvoir entre une Anna nymphomane, une Elvira qui semble être la seule à avoir un peu d’amour pour lui, mais ce n’est pas réciproque, et une Zerlina, pas si paysanne que ça, qui se dit qu’avec une cuisse légère, il y a peut être autre chose à vivre qu’une morne et sinistre existence auprès d’un Masetto épais et bourru… Il y avait là du grain à moudre mais Davide Livermore semble s’être perdu, nous entraînant avec lui dans ces errements, pour livrer un travail esthétiquement correct, seulement. Puis force est de reconnaître que sur la planète «actualisation des opéras», le metteur en scène n’apporte pas grand-chose de nouveau, les automobiles, révolvers et nuisettes écarlates ayant déjà servi à nombre de ses prédécesseurs metteurs en scène, entre autres, des œuvres de Mozart ! Avec Erwin Schrott, vocalement rompu au rôle, c’est un Don Giovanni assez vulgaire qui nous est proposé par le metteur en scène ; quant à la Donna Anna de Mariangela Sicilia, elle est totalement en adéquation avec les volontés de Davide Livermore, embrassant à pleine bouche le séducteur en menant par le bout du nez son falot de fiancé, Don Ottavio, incarné par Stanislas de Barbeyrac. Vocalement, ces deux sont superbes et n’ont aucune difficulté à porter leur voix jusqu’aux derniers rangs du théâtre antique. Le Leporello d’Adrian Sâmpetrean est fort honnête vocalement et scéniquement, l’artiste découvrant le lieu et ses contraintes. Karine Deshayes, fort à l’aise dans les aigus et Annalisa Stroppa sont de bonnes Elvira et Zerlina quant à Igor Bakan et Alexeï Tikhomirov, ils impressionnent physiquement. Les chœurs des opéras de Monte-Carlo et du Grand Avignon sont dans le bon ton et il convient ici de saluer l’excellence de l’orchestre de l’Opéra de Lyon qui, après avoir servi idéalement « Tosca» au Festival d’Aix-en-Provence, a fait briller la musique de Mozart sous la baguette de Frédéric Chaslin.
Michel EGEA
«Don Giovanni» autre représentation le mardi 6 août à 21 h 30 au Théâtre Antique d’Orange. Plus d’info choregies.fr