Publié le 18 mars 2022 à 18h30 - Dernière mise à jour le 4 novembre 2022 à 18h38
Werther fait-il peur ? L’ouvrage de Massenet, bien sûr, et non le jeune héros suicidaire… On ne se bousculait hélas pas au portillon de l’Opéra au soir de la première, mardi, pour assister à cet opéra qui n’avait pas été donné ici depuis 1998 ! Une fois de plus les absents ont eu tort ; et ce pour plusieurs raisons.
S’il fallait être là pour célébrer enfin le retour du spectacle vivant sans contraintes, la production nancéienne qui était proposée ainsi que le casting qui lui donnait vie avaient de quoi satisfaire le plus grand nombre. Dans des décors où la rigueur protestante va de pair avec la passion de Werther pour la nature, où les éléments pouvant perturber la vision et l’audition sont posés avec intelligence et parcimonie afin de donner au drame toute sa dimension intime et sa puissance romantique, le metteur en scène Bruno Ravella livre une vision tout en finesse exacerbant les sentiments des uns pour les autres, et réciproquement.
Un riche travail sur la passion, le désamour et le respect de la parole donnée. Une mise en scène tendue, prenante et haletante où les respirations sont enfantines avec cette fratrie qui répète les chants de Noël ou sous forme de chanson à boire livrée par les deux bambochards que sont Johann et Schmidt. Eux semblent vivent dans un autre univers, loin du drame qui se noue…
Une couple idéal
Pour incarner le couple Werther-Charlotte, le directeur général de l’Opéra, Maurice Xiberras, a eu la bonne idée de faire appel à deux jeunes artistes, Thomas Bettinger et Antoinette Dennefeld. Ils sont beaux, ce qui facilite grandement le travail du metteur en scène, investis et crédibles ; parfait pour le jeu, donc. Vocalement, Thomas Bettinger se cherche un peu en début de représentation pour atteindre des sommets pour les 3e et 4e actes où il livre, avec puissance, précision et tension des airs à faire frissonner de bonheur les plus anti-romantiques. Quant à Antoinette Dennefeld, au delà de son charme, son chant est tout d’élégance et de nuances, avec une réelle qualité de diction et un pouvoir émotionnel hors du commun. Son duo final avec Werther est de toute beauté.
Distribution de qualité
La distribution réunie autour du couple est à l’unisson de la qualité. Avec Ludivine Gombert, belle ligne de chant pour incarner idéalement la jeune Sophie qui connaît ses premiers émois lorsqu’elle côtoie l’amoureux frustré de sa sœur. Marc Scoffoni, baryton puissant et direct, est un Albert torturé entre amour et amitié déçue, Marc Barrard retrouve avec aisance ce rôle du Bailli qu’il maîtrise parfaitement, Jean Marie Delpas et Marc Larcher excellents, eux, dans l’incarnation des deux bambochards évoqués plus haut. Idéalement préparés par Samuel Coquard, les huit jeunes garçons et filles de la Maîtrise des Bouches-du-Rhône rappellent que leur manécanterie compte parmi les ensembles d’excellence en la matière. Quant à Émilie Bernou, Maïté Estorez et Cédric Brignone, ils sont efficaces dans les courts rôles de Kätchen, la gouvernante et Brühlman.
Victorien Vanoosten, le retour
Un mot, enfin, sur l’excellence de la direction de Victorien Vanoosten retrouvant pour la circonstance l’orchestre de l’Opéra de Marseille qu’il fit travailler en tant qu’assistant du directeur musical avant de partir rejoindre Daniel Barenboïm… Sa lecture de la partition de Massenet est aiguisée, le jeune maestro n’ayant aucun mal à obtenir le meilleur des musiciens heureux de retrouver leur fosse pour donner à cette musique toutes les finesses de sa couleur romantique ainsi que sa puissance et son intensité.
Michel EGEA
Prochaines représentations le 20 mars à 14h30 et le 22 mars à 20 heures.
Réservations au 04 91 55 11 10 / 04 91 55 20 43 – Plus d’info et réservations: opera.marseille.fr