Opéra de Marseille. L’humanité et la folie de «Don Quichotte»

« Don Quichotte » de Massenet est à l’affiche de l’opéra de Marseille pour trois représentations. La première a eu lieu mardi soir dans un opéra archi comble qui a réservé un triomphe mérité à cette production.

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Nicolas Courjal (Don Quichotte) et Marc Barrard ( Sancho) – (Photo Christian Dresse)

Incarner le chevalier à la longue figure est une gageure relevée pour la première fois de sa carrière par Nicolas Courjal au cœur de cet opéra de Marseille qu’il affectionne et devant un public qui a pour lui les yeux ( et les oreilles…) de Chimène. Mais cette relation privilégiée n’a compté en rien dans le succès remporté par l’artiste au terme de deux heures et demi d’un spectacle électrisant.

Avec sa voix de basse précise et impressionnante de profondeur, Nicolas Courjal est un habitué des grands rôles royaux ou de méchant ; rien de ça pour Don Quichotte auquel, par son jeu hors du commun, il donne toute sa folie et son humanité triste. Sur le plateau, revêtu d’une simple chemise de nuit, il vit dans son monde empli de fantasmes, diaboliquement efficace à l’heure de nous faire plonger dans l’émotion.

Cet opéra, c’est aussi l’histoire d’un autre homme, Sancho, trop souvent affublé d’une bedaine démesurée et d’un appétit tout autant hors du commun. Ici, Sancho c’est avant tout l’ami, serviteur de son état, certes, mais empli de tendresse et d’attentions, voire d’amour paternel pour le chevalier. Sur scène, c’est le baryton nîmois Marc Barrard qui incarne à la perfection ce fidèle accompagnateur des délires de son maître.

Un duo magnifique qui trouve sa démesure dans la mise en scène de Louis Désiré frappée au sceau de l’intelligence. L’homme de l’art et son équipe usent du dépouillement maîtrisé des décors, des lumières précises et des costumes sombres et efficaces pour installer le drame, et le public avec, dans un univers onirique qui peut déranger. Le lit à baldaquin, seul élément de décor omniprésent sur scène, dérange, comme s’il était la couche d’un dément ; des images d’asile viennent à l’esprit. Elles montrent l’hidalgo vieillissant qui, pour les beaux yeux de Dulcinée, va donner des coups d’épée dans le vide, impuissant pourfendeur des maux du monde, mais empli de lumière et de foi.

La Dulcinée d’Héloïse Mas, qui elle aussi prenait le rôle, chemine sans passion dans l’univers de la luxure. Don Quichotte ne voit en elle que l’amour et non la demi-mondaine qui joue parfois avec sa folie. Au fil de l’action, Dulcinée prendra conscience de la pureté du chevalier et lui dira avec tendresse et, vraisemblablement, véritable amour qu’elle n’est pas faite pour lui. Une évolution psychologique parfaitement maîtrisée par Héloïse Mas.

Aux côtés de ce trio essentiel, Laurence Janot, Marie Kalinine, Camille Tresmontant et Frédéric Cornille forment un efficace quatuor de courtisans détestables. Les choristes sont totalement raccord avec l’ambiance sombre et fantasmagorique et l’excellent orchestre de l’Opéra donne une belle dimension à la musique de Massenet, sous la direction ciselée de Gaspard Brécourt. Un immense succès au soir de la première.
Michel EGEA

Prochaines représentations jeudi 21 mars à 20 heures et dimanche 24 mars à 14h30. Réservations: 04 91 55 11 10/04 91 55 20 43. Plus d’info:  opera.marseille.fr

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