Opéra de Marseille. Madama Butterfly : des larmes et des bravi !

Presque cinq minutes, montre en main, d’applaudissements de la part d’une salle archicomble de spectateurs qui ne voulaient pas quitter les lieux. C’est ainsi que fut saluée, jeudi soir, la première représentation de « Madama Butterfly » programmée à l’Opéra jusqu’au 24 novembre.

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Toute la douleur de Butterfly, ici avec son fils qui lui sera enlevé, incarnée par Alexandra Marcellier sur la scène de l’Opéra de Marseille. © Christian Dresse

On le sait, l’histoire de Cio-Cio San, gamine de quinze ans épousaillée en fausses noces par un militaire américain de passage à Nagasaki a toujours fait pleurer dans les chaumières. Histoire sordide se terminant par le suicide de la jeune femme se faisant hara-kiri avec le poignard de son père qui, lui même, s’était donné la mort quelques années auparavant. Pendant ce temps, le lieutenant ¨Pinkerton, revenu sur les lieux en compagnie de son épouse, « une bonne américaine », repartira avec l’enfant né de sa nuit d’amour avec la Butterfly trois ans plus tôt. Sortez les mouchoirs.

Si cette Butterfly a fait un triomphe, c’est à Alexandra Marcellier qu’elle le doit avant tout. La jeune soprano, révélation lyrique de l’année en 2023 aux Victoires, fait chavirer son auditoire dans la douleur du drame, avec un jeu précis et émouvant ainsi qu’une voix totalement en osmose avec son personnage : limpide, précise et emplie de toute l’émotion possible. Nul doute que si les saluts avaient eu lieu rôle après rôle, elle aurait fait exploser l’applaudimètre sans coup férir.

A ses côtés, c’est Eugénie Joneau qui incarne Suzuki. La fidèle servante n’ignore rien du sort promis à sa jeune maitresse et elle fait tout pour l’accompagner avec amour et compassion. La voix est chaude et souple avec une ligne de chant précise et beaucoup de sensibilité. Le Pinkerton de Thomas Bettinger est justement odieux et lâche, voix sans éclat à l’image du personnage. L’entremetteur Goro est idéalement interprété par Philippe Do, Jean-Marie Delpas et Marc Larcher assurant efficacement leurs parties, le premier en bonze, le deuxième en Prince Yamadori. Le Sharpless de Marc Scoffoni fait l’unanimité. Du côté masculin de l’œuvre, il est le seul a faire preuve d’humanité et à essayer de modifier le cours du drame ; en vain. La voix est ronde et chaleureuse, toute en nuances.

C’est la production de l’Opéra national de Lorraine qui est reprise à cette occasion avec une mise en scène efficace et limpide d’Emmanuelle Bastet. Une grande vague de bois figure la colline surplombant Nagasaki et des panneaux coulissants, eux aussi composés de lattes de bois ajourées, figurent la demeure de Butterfly. Un dispositif scénique intelligent qui permet à Emmanuelle Bastet de concentrer son travail sur les caractères des personnages et de procurer au drame toute sa densité. Enfin, il convient de souligner l’excellence du chœur et de l’orchestre de l’opéra qui, sous la direction idéale de Paolo Arrivabeni, donne à cette Madama Butterfly la dimension musicale qui lui permet de faire l’unanimité. Encore un rendez-vous à ne pas manquer à l’Opéra de Marseille. Mais il vous faudra beaucoup de chance pour obtenir un billet, les quatre représentations qui sont programmées affichant complet.
Michel EGEA

« Madama Butterfly » de Puccini, à l’Opéra de Marseille. Autres représentations les 17 et 24 novembre à 14 h 30 et les 19 et 21 novembre à 20 heures. Tél. 04 91 55 11 10 – 04 91 55 20 43 plus d’info et réservations:  opera.marseille.fr

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