Publié le 5 janvier 2022 à 20h38 - Dernière mise à jour le 4 novembre 2022 à 11h35
Créée l’an dernier à huis-clos à Montpellier, pour cause de pandémie, cette nouvelle production du «Voyage dans la lune» de Jacques Offenbach mise en place sous l’égide du Centre Français de Production Lyrique et coproduite par une quinzaine de maisons lyriques en France a véritablement décollé en public à Marseille. Elle était en effet programmée à cinq reprises entre le 26 décembre et le 4 janvier pour les fêtes.
«Le Voyage dans la lune», est un opéra-féérie d’Offenbach dont le livret signé Vanloo, Leterrier et Mortier, s’inspire assez librement de l’œuvre de Jules Verne. Il faut l’avouer, on est assez loin, ici, de la verve saillante développée dans d’autres œuvres par les librettistes favoris du compositeur, Meilhac et Halévy et, musicalement, si elle vaut d’être découverte, la partition d’Offenbach pétille moins que nombre d’autres signées de sa main. Ce qui se ressent rapidement, au soir de la dernière représentation à laquelle nous assistions, avec un peu moins de flamboyance qu’à l’habitude dans les accents d’un orchestre dont on se demande, connaissant ses qualités, s’il n’aurait pas mieux sonné sous une direction que l’on eut aimée, parfois, un peu plus tonique et personnelle de la part de Pierre Dumoussaud.
L’amour salvateur
Mais si ça pétille moins, si les piques sont moins acerbes, il n’en demeure pas moins que la satire de la société est toujours sous-jacente et ce voyage dans la lune dénonce pêle-mêle la mégalomanie des puissants, la condition féminine, l’égoïsme, la bêtise universelle qui devient, ici, interplanétaire ! Seule la découverte de l’amour en croquant la pomme permettra aux protagonistes de se rapprocher, aux femmes de se libérer et à l’harmonie de régner.
Le metteur en scène Olivier Fredj s’empare de la féérie pour nous la livrer comme un film qui est tourné devant nous. Méliès n’est pas loin… L’utilisation du noir et blanc est judicieuse et le dispositif scénique intelligent avec, pour les changements de scène, le portrait d’Offenbach installé dans une pleine lune, mais sans obus dans l’œil ! Olivier Fredj se sort plutôt bien des déplacements des uns et des autres même si, parfois, on s’y perd un peu ! Ça bouge effectivement beaucoup sur le plateau et le metteur en scène se sert alors fréquemment du dôme central et rotatif (soucoupe volante ?) pour recentrer l’action en y amenant les protagonistes pour des temps forts. Un travail intelligent qui sera reconnu, aux saluts, par le public.
Jeunes voix
L’un des buts avoués de ces productions du CFPL est de promouvoir les jeunes voix. Pour servir l’œuvre, à Marseille, il y en avait quelques unes. A commencer par la Fantasia de Sheva Tehoval, projection idéale, aigus tendus, vocalises maîtrisées. A ses côtés Violette Polchi, Caprice, est puissante, fait valoir une ligne de chant intéressante mais a quelques problèmes de maîtrise de la diction qui nous obligent à regarder les défilants lumineux pour découvrir le texte. Ludivine Gombert est une Flamma bien présente et Cécile Galois, bien connue ici pour ses engagements sur la scène de l’antre de l’opérette qu’est l’Odéon, déploie son art avec maîtrise dans le (trop court) rôle de Popotte. Du côté masculin de la distribution, Kaëlig Boché est un Prince Quipasseparla percutant ; remplaçant Matthieu Lécroart au pied levé à deux jours de la première, fin décembre, Christophe Lacassagne excelle en Roi V’lan tout comme Erick Freulon, Cosmos, son homologue lunaire.
Comédiens hors pair, Christophe Poncet de Solages et Eric Vignau donnent chair avec bonheur à Cactus et Microscope. Si les solistes ont tombé le masque pour se produire, ce ne fut pas le cas des choristes pour les raisons que l’on sait. On ne peut que le regretter… Un mot, enfin, sur la performance des danseurs acrobates parfaitement intégrés au sein de cette production appelée désormais à tourner un peu partout en France et ravir le public qui n’en demande pas moins. C’est tout le mal que nous souhaitons aux uns et aux autres !
Michel EGEA