Au mois de juin 2023, Renaud Muselier lançait les États régionaux de l’eau qui ont placé l’élément au cœur des priorités des habitants de la région Sud. Un an après, un bilan Plan or bleu régional a été dressé, occasion d’évoquer la situation de la ressource en eau sur le territoire et de revenir sur les réalisations concrètes qui ont d’ores et déjà été mises en œuvre.
Bénédicte Martin, vice-présidente de la région Sud, en charge de l’Agriculture, de la viticulture, de la ruralité et du terroir, présidente de la Société du Canal de Provence, rappelle: «Depuis des siècles, on a appris à gérer l’eau dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Ainsi les Romains ont construit des aqueducs pour canaliser le flux d’eau, le début d’un mouvement qui n’a cessé arrivant, plus proche de notre ère, la construction du Canal de Provence pour approvisionner en eau 2 millions d’habitants de la région et favoriser l’agriculture.» Souligne que la Société du Canal de Provence et d’aménagement de la région provençale (SCP) détient, jusqu’en 2038, un contrat de concession avec la Région Sud concernant la sécurisation de l’approvisionnement en eau de la Provence. La SCP a également pour missions d’«anticiper les effets du changement climatique et préserver la ressource en eau ; poursuivre l’aménagement hydraulique en investissant dans les infrastructures pour préserver le potentiel économique agricole ; protéger et valoriser la qualité des milieux naturels terrestres et aquatiques.» Les investissements pour y répondre sont de 620M€ . «70 % des investissements concernent le développement ou l’extension de réseaux d’irrigation portant ainsi en 2028, la surface irriguée à 101 900 hectares », précise Bénédicte Martin qui précise que face au changement climatique, la Région poursuit son action : «Depuis 2017 on gère, on restaure, on prend des initiatives pour que tout le monde fasse preuve de responsabilité et de modération sans céder aux interdictions contre-productives et on innove pour réutiliser l’eau ». Et, Elle accompagne des projets de lutte contre les fuites sur les réseaux de distribution d’eau potable, une action co-financée avec l’Agence de l’Eau Rhône-Méditerranée Corse.
« En matière d’eau nos mots d’ordre sont gestion raisonnée, économe, solidaire », avance Bénédicte Matin. Elle précise, lors de ce point étape du Plan Or bleu voté par la Région en juin 2023 qu’ «il y a de l’eau en Région Sud. Le remplissage des retenues EDF sur le Verdon est déjà assuré. Les apports à venir de la fonte des neiges seront au minimum dans la moyenne, ce qui garantit la bonne disponibilité des stocks de la Concession régionale du Canal de Provence pour la saison à venir. Il est également à noter que les pluies exceptionnellement abondantes de mars/avril ont réduit significativement le déficit hydrologique qui subsistait encore en mars pour les ressources locales (cours d’eau et nappes)».
Le Plan Or bleu s’articule autour de 6 axes : Améliorer la gouvernance à travers le pilotage de la mission d’animation et de concertation sur l’eau ; poursuivre la modernisation des réseaux d’irrigation et les économies d’eau en agriculture ; se positionner comme collectivité exemplaire sur son patrimoine ; promouvoir la sobriété pour tous les usages de l’eau et dans tous les secteurs professionnels ; développer l’innovation dans le domaine de la réutilisation des eaux usées traitées ; communiquer vers le grand public sur la nécessaire sobriété de tous dans les usages de l’eau. La vice-présidente ne manque pas d’avancer: « Il ne faut pas croire que l’agriculture ou l’industrie soient les plus grands consommateurs d’eau. C’est l’eau potable qui représente la première utilisation de nos ressources ».
« On sait faire plus et mieux avec moins »
De plus l’agriculture se révèle bon élève et les résultats sont là, assure Bénédicte Martin : « Nous réduisons les prélèvements en eau de 50% tout en étendant le parcellaire irrigué. On sait faire plus et mieux avec moins ». Un mouvement accompagné par les progrès accomplis par l’agriculture en matière d’irrigation : « Là où on utilisait 6 000 m3 en 1980 on utilise aujourd’hui 1 500m3 grâce aux progrès qui permettent de donner à la plante ce dont elle a besoin, au moment où elle en a besoin », précise Patrick Lévêque, président de la Chambre départementale d’agriculture 13.
Bénédicte Martin reprend : « En Provence-Alpes-Côte d’Azur, l’agriculture est très largement dépendante de l’eau. Les cultures irriguées représentent 70% du chiffre d’affaires de l’agriculture régionale et utilisent les deux tiers des prélèvements annuels en eau, tous usages confondus. Pour sécuriser la ressource, la Région Sud finance des investissements de modernisation des canaux, la création et l’extension de réseaux d’irrigation et des ouvrages de substitution d’eau. Sur la programmation 2014-2022, 127 projets ont été soutenus. Autre grand acteur de l’eau, la Société du Canal de Provence, concessionnaire de la Région Sud qui permet d’alimenter en eau 50% des exploitations agricoles, s’investit notamment pour développer l’arrosage goutte-à-goutte et la réutilisation des eaux usées traitées pour irriguer les cultures. Une société qui bénéficiera de 620 millions d’euros d’investissement jusqu’en 2038». L’élue ajoute : « Plus de 13 millions d’euros de crédits Feader sont mobilisés pour la modernisation et l’expansion des réseaux d’hydraulique agricole sur la période 2023-2027 ».
La Région entend aussi être pertinente sur son propre patrimoine, notamment les lycées. Elle travaille sur la maîtrise et suivi des consommations d’eau dans les lycées, les bureaux et les bâtiments régionaux : actions de désimperméabilisation des sols et installation de récupérateurs d’eau de pluie dans les bâtiments qui peuvent en être équipés d’ici 2025. C’est d’ores et déjà le cas du lycée agricole de Carmejane qui récupère l’eau de pluie des villas mitoyennes (logements de fonction), la stocke dans une bâche par gravité, puis s’en sert pour l’arrosage du terrain de sport et des cultures. «Les Équipements de 100 % des lycées de la région en matériel d’économies d’eau d’ici 2026 : robinets, toilettes, douches, arrosages d’espaces verts…»
Le lycée Jean d’Ormesson, à Châteaurenard, est particulièrement vertueux en la matière. Son proviseur, Didier Donati, explique qu’: « il est notamment équipé d’un compteur d’eau communiquant avec un détecteur de fuites ainsi que d’équipements hydroéconomes pour les sanitaires et pour le lavage des sols. Nous avons aussi des plantes qui nécessitent peu d’eau, un système de récupération d’eau pour arroser les plantes et, dans chaque classe, nous avons des écodélégués ».
La plus grande expérimentation de France de réutilisation des eaux usées
La France est en retard, notamment pour des raisons réglementaires, sur la réutilisation des eaux usées. La Région Sud a lancé la plus grande expérimentation de France de réutilisation des eaux usées, pour passer à 10 % de réutilisation soit 50 millions de m3, via 3 actions majeures : un partenariat entre la Région Sud, Suez, Véolia et la Société du Canal de Provence et d’aménagement de la région provençale pour développer la filière de réutilisation des eaux usées traitées en région et accompagner l’émergence de projets. L’objectif est d’accroître la valorisation des volumes de ces eaux non conventionnelles à l’horizon 2030.
Une subvention à hauteur de 80% de l’étude portée par la Société du Canal de Provence et d’aménagement de la région provençale et l’Université d’Aix-Marseille. Cette étude a pour objectif la mise en place et l’animation d’un réseau d’acteurs et le financement de projets opérationnels. La création d’un futur Comité des partenaires de la réutilisation des eaux usées traitées. Dans le cadre de la nouvelle programmation Feader 2023-2027, la Région souhaite également étudier la faisabilité de la mise en place de critères de sélection valorisant les projets d’hydraulique agricole utilisant de l’eau usée traitée.
Haliotis 2 sera un pôle européen de technologies de pointe
En matière d’eau usée est présenté la station Haliotis 2. Représentant un marché de 700 millions d’euros, la nouvelle station permettra de répondre aux futures normes environnementales et sanitaires, ainsi qu’aux besoins à venir de la collectivité. Elle traitera les eaux usées de 26 communes, soit l’équivalent de 680 000 habitants. La station sera un pôle européen de technologies de pointe « tout-en-un » au service de la transition écologique pour traiter les eaux usées et les réutiliser, éliminer tous types de polluants y compris les microplastiques, traiter les boues d’épuration, les sables, la qualité de l’air, tout en générant de nouvelles sources énergies renouvelables (biométhane, solaire, chaud et froid pour les bâtiments).
Les performances de traitement des eaux d’Haliotis 2 seront supérieures aux normes sanitaires avec près de 90% des microplastiques qui seront éliminés par la station. Elle possédera une unité industrielle de Réutilisation des Eaux Usées Traitées capable de recycler 5 millions de mètres cubes d’eau par an, c’est-à-dire la totalité des besoins en arrosage des espaces verts et de nettoyage des voiries de la ville de Nice.
Haliotis 2 sera également exemplaire en matière énergétique puisqu’elle participera à la décarbonation du territoire. Elle produira 4 fois plus d’énergie qu’elle n’en consomme aujourd’hui. Elle permettra la valorisation énergétique optimale des boues issues de l’épuration des eaux usées et produira le biométhane nécessaire à la consommation de 11 000 logements ou alors l’équivalent de 290 bus. Le potentiel énergétique complémentaire des boues séchées sera pleinement valorisé à l’UVE de l’Ariane à Nice via son réseau de chaleur. Enfin, le potentiel calorifique de l’eau usée traitée sera mis à profit via le réseau de chaleur irriguant l’aéroport et le Grand Arénas. Vincent Borel, directeur délégué Sud-Est de Suez explique : « Nous sommes très impliqué sur la réutilisation de l’eau. Nous sommes sur Istres, sur Nice, nous avons une autorisation sur Cannes et nous sommes dans l’attente d’une sur Grasse ». Il ajoute : « La région Sud est en avance au niveau national ».
Michel CAIRE
Le 1er générateur d’eau atmosphérique mobile et autonome arrive en région Sud
Dans le cadre de son Plan Or bleu la Région se dote d’un générateur d’eau atmosphérique dès l’été 2024, une première en France. En 2023, Renaud Muselier, accompagné d’une délégation d’entreprises régionales, s’était rendu en Israël afin de prendre exemple sur leurs innovations et s’inspirer de leur savoir-faire, comme la production d’eau à partir de l’air atmosphérique. Face à la nécessité de trouver de nouvelles ressources en eau, le développement de cette pratique, encore très peu exploitée, était une évidence.
La Région Sud se dote aujourd’hui du premier générateur d’eau atmosphérique mobile, d’une capacité nominale de production de 500 à 600 litres par jour, énergétiquement autonome grâce à l’usage de panneaux solaires. Il sera développé par une entreprise locale située à La Bouilladisse, dans les Bouches-du-Rhône. La quantité d’eau produite dépendant de la température et du taux d’humidité du secteur concerné, une phase d’expérimentation de cette solution sera lancée pendant l’été 2024. L’objectif est donc de tester la productivité des générateurs dans les conditions climatiques des différentes zones du territoire.
À l’issue de cette phase d’expérimentation, ce générateur d’eau atmosphérique sera mis à disposition des communes qui manquent d’eau en période de sécheresse dès 2025. « Innover, réutiliser, irriguer, récupérer, réparer : dans la continuité du Plan Or Bleu, nous nous sommes adaptés pour préserver notre ressource en eau. Aujourd’hui, grâce à l’innovation, les territoires bénéficieront d’une solution alternative : le 1er générateur d’eau atmosphérique mobile et autonome arrive en région Sud ! L’eau, c’est la vie et chaque goutte compte, alors pour les particuliers nous avons mis en place une aide à l’acquisition de récupérateurs d’eau de pluie. Faisons de la Région Sud, un modèle en matière de gestion de l’eau », a déclaré Renaud Muselier, président de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur.