Publié le 26 septembre 2016 à 21h19 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h45
La première édition du Forum de l’Industrie de demain en Provence-Alpes-Côte d’Azur, organisé par EDF avec ses partenaires, consacré à «la filière énergies bas carbone et, à son rôle dans le développement industriel de la région» a été couronné de succès tant par la qualité des débats que par le public présent.
Cet événement a, en effet, réuni plus de 400 entreprises et institutions politiques et économiques du territoire et mis en lumière le potentiel d’une filière industrielle porteuse dans le domaine de l’énergie. Il a également permis de mettre en lien tous les partenaires dans une dynamique de développement économique en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Les interventions de Bruno Grandjean, président de la Fédération des Industries de la métallurgie, membre fondateur de l’Alliance pour l’industrie du futur, a invité à prendre conscience des potentialités de la région; et celle du sociologue Jean Viard qui fait l’éloge de la bourgeoisie industrielle en opposition à une bourgeoisie marseillaise de négoce, n’ont pas manqué de faire réagir l’assistance. Il a été successivement question, lors de trois tables rondes, de «Quel avenir industriel durable en Paca ?»; «Les énergies bas carbone: un réel effet de levier ?» et «Numériques et énergies: le duo gagnant?» C’est Jean-Bernard Lévy, le président-directeur général du Groupe EDF qui ouvre la rencontre en insistant sur l’importance que son groupe accorde au développement de l’économie régionale; sur la place que doit occuper l’industrie de demain dans cette dynamique ainsi que les énergies bas carbone.
La première table-ronde a pour objet «Quel avenir industriel durable en Paca ?»
Stéphane Bouillon, Préfet de région Provence-Alpes-Côte d’Azur, note que: «pendant longtemps on a considéré que l’industrie c’était fini avant de revenir sur cette idée et de prendre conscience qu’il importait de recréer un tissu industriel pour permettre à la France de tenir sa place dans l’Europe et dans le Monde». Une prise de conscience qui s’est traduite par la création des pôles de compétitivité, du soutien au numérique, du Plan pour une nouvelle France industrielle.
«On peut se demander où est la cohérence du gouvernement»
Renaud Muselier, président délégué de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur insiste sur l’importance du politique: «Les structures européennes, nationales, régionales… ne donneront pas les mêmes résultats selon qui est à leur tête». Rappelle que Christian Estrosi est le père des pôles de compétitivité. Revient sur l’actualité «Actuellement, il y a des problèmes à Alstom Belfort qui font que l’on peut se demander où est la cohérence du gouvernement. Je ne sais pas si l’État doit être actionnaire à 20% de cette entreprise mais, à partir du moment où il l’est, il ne peut être un actionnaire dormant. Et, si l’on regarde au niveau européen, force est de constater que la France n’est pas là où elle devrait être dans le Plan Juncker pour la recherche. En ce qui concerne la Région, nous avons récupéré 250M€, mais la France ne sait pas suffisamment se servir de Bruxelles. En ce qui nous concerne, avec des moyens importants mais ciblés nous sommes dans une logique de développement de l’économie régionale».
« Nous devons changer l’image de Marseille»
Martine Vassal, présidente du conseil départemental des Bouches-du-Rhône, indique à son tour: «L’emploi est une priorité du Département et nous sommes dans une logique de collaboration avec la Région et la métropole Aix-Marseille Provence et nous devons avoir une ambition internationale, notre positionnement géographique nous y invite. Nous avons des atouts, mais nous avons aussi 3 points de chômage de plus que la moyenne nationale. Nous devons, face à cela, notamment développer les formations en adéquation avec les demandes du monde économique. Et puis il ne faut pas ignorer que le Marseille bashing nous a fait le plus grand mal. Nous devons changer l’image de Marseille. Nos enfants se posent aujourd’hui la question de partir pour réussir leur vie professionnelle, nous devons leur donner la possibilité de rester».
Béatrice Aliphat conseillère métropolitaine, déléguée à l’industrie et aux énergies affirme: «Il est au moins un sujet qui met tout le monde d’accord dans la métropole c’est la question des transports, nous sommes tous d’accord pour considérer que le retard a rattrapé est immense».
«Nous ne redresserons pas l’industrie française en concurrençant les Chinois»
Alexandre Saubot, président de l’Union des Industries et des Métiers de la Métallurgie, indique: «Nous travaillons pour modifier l’image de l’industrie qui n’est plus en adéquation avec la réalité. En effet, lorsque l’on va sur le terrain on rencontre, dans tous le pays, des entreprises magnifiques et il importe de rappeler à la jeunesse qu’il existe des emplois extraordinaires dans l’industrie et en plus, ce secteur paie plus que la moyenne nationale. La sidérurgie, par exemple, a de grande demande en termes d’emplois qualifiés mais force est de constater que nous n’obtenons pas toujours des réponses positives en ce domaine». Il met en exergue l’importance de la formation: «Nous ne redresserons pas l’industrie française en concurrençant les Chinois. Nous nous redresserons par la recherche, l’innovation, les hautes technologies et donc par une formation performante. Alors, je dois avouer qu’il m’arrive d’être désespéré de voir autant de chômeurs quand, dans le même temps, certains industriels doivent refuser des contrats faute de personnels suffisamment formés».
«EDF ne cherche pas à faire consommer plus mais mieux et moins»
Jean-Bernard Levy met en lumière le fait qu’ EDF est confronté au choc de la compétitivité ainsi qu’à celui de la dérégulation. «Cela nous amène à revoir notre façon de travailler qui, jusqu’à présent, était une construction pyramidale, un système qui a magnifiquement réussi, mais n’est plus adapté à la situation actuelle. Pour cela, nous devons innover, nous développer à l’international tout en étant au plus près du terrain, en offrant des solutions construites avec l’usager. Et, il y a là une spécificité de notre entreprise, nous sommes sans doute la seule qui ne cherche pas à faire consommer plus mais mieux et moins». Renaud Muselier reprend:«Nous devons développer notre production d’énergie puisque nous sommes la 3e région consommatrice de France mais nous ne produisons que 13% de nos besoins, nous devons pour cela innover, ce que nous faisons avec le projet FlexGrid de la région, lauréat de l’appel à projet national. Nous avons besoin aussi de l’hydraulique, du nucléaire, demain d’Iter et de toutes les sources d’énergie renouvelable». Alexandre Saubot, interrogé sur la situation de l’industrie en Allemagne invite «à ne pas avoir de complexe». Les Allemands sont très rigoureux, parfois trop. Des entreprises avouent avoir deux fournisseurs, un, allemand, pour la durée et un autre lorsqu’il importe d’être réactif. Tandis que Jean-Bernard Levy met l’accent sur le fait que la France, bien que n’ayant pas de ressources naturelles, propose une énergie aux ménages bien moins chère que ses voisins«de 30 à 40 % en moyenne et cela va jusqu’à 85% par rapport aux ménages allemands», précise-t-il.
Iter: production du premier plasma fin 2025
La deuxième table ronde porte sur «Les énergies bas carbone: un réel effet de levier?». Jean-Luc Monteil, président du Medef Provence-Alpes‐Côte d’Azur, tient à évoquer l’importance de l’industrie dans l’économie régionale: «C’est une de nos deux locomotives avec le tourisme et nous bénéficions d’un écosystème qui se met en place dans l’énergie avec un hydraulique ultra-performant, le CEA, Iter… Qui le sait? A Marseille nous avons 1 700 ingénieurs qui travaillent sur le nucléaire. Maintenant, nous aimerions que Christian Estrosi soutienne l’éolien off-shore»
Bernard Bigot, directeur d’Iter Organization, rappelle qu’Iter regroupe 37 pays représentant la moitié de la population mondiale et 85% du Produit Mondial Brut. Une fois ceci dit, il ne conteste pas qu’il ait pu y avoir des problèmes: «Mon premier travail a été de présenter un calendrier crédible, adapté à la complexité de ce dossier sachant que 1 200 entreprises travaillent dans le monde pour Iter, ce qui n’est pas simple et, d’autre part, il faut savoir que nous avons des pièces de 1 500 tonnes qui doivent s’emboîter au millimètre. Donc l’engagement pris est la production du premier plasma fin 2025». Et de lancer, en direction des entreprises locales: «Nous entrons dans une phase d’assemblage qui va être un moteur pour le tissu industriel local».
Antoine Cahuzac, directeur exécutif du groupe EDF, en charge du Pôle énergies renouvelables tient, à son tour à mettre en avant des atouts nationaux. EDF émet en moyenne 83 kilos de CO2 par MWh (et seulement 30 kilos par MWh en France grâce à la part du parc nucléaire ainsi qu’à celle importante de l’hydraulique) alors que les électriciens les plus polluants d’Europe, le Tchèque CEZ et l’Allemand RWE émettent respectivement 1.107 kilos de CO2 par MWh et 772 kilos de CO2 par MWh. Et d’évoquer à son tour l’importance de l’éolien flottant: «installées à 15 km des côtes on ne voit de la berge, que des objets moins grands que des allumettes». Un atout à exploiter pour la région, Flexgrid en étant un autre. Il appuie enfin sur l’importance de l’agence Une Rivière Un Territoire qui a pour ambition d’encourager les projets nouveaux et l’emploi durable en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Elle propose aux entreprises locales des solutions concrètes pour leur permettre d’innover (prêts participatifs…) et de se développer (information sur les marchés d’EDF…).
«L’avenir de l’industrie réside dans l’automatisation et valorisation des compétences dans les métiers traditionnels plus le numérique»
Philippe Darmayan, président de l’Alliance pour l’industrie du futur, président d’Arcelor France explique que l’alliance pour le futur a vu le jour pour aider les industriels à appréhender le changement que représente le numérique car,«cette connaissance ne doit pas rester l’apanage des grandes entreprises». Pour lui, l’avenir de l’industrie française réside dans «l’automatisation et la valorisation des compétences dans les métiers traditionnels plus le numérique». Et, pour recréer l’industrie en France, «il faut que le monde politique fasse preuve de volonté et de constance».
«Ce territoire a tous les ingrédients pour réussir quelque chose de fabuleux»
La troisième Table ronde a abordé : «Numériques et énergies: le duo gagnant?»
Bernard Mahiou, directeur de Capenergies, revient sur Flexgrid, «Cette région et la Bretagne sont lauréates, le fait qu’il s’agisse de deux péninsules énergétiques n’est sans doute pas étranger à ce résultat, les contraintes imposent d’innover».
Philippe Torrion, directeur exécutif du groupe EDF, en charge de la direction innovation, stratégie et Programmation; souligne, qu’à l’horizon 2020, le numérique représentera 5% de la consommation mondiale d’énergie. «Si nous pouvons l’alimenter avec de l’énergie décarbonée ce sera encore mieux» Pour Bruno Grandjean, président de la Fédération des Industries de la métallurgie, membre fondateur de l’Alliance pour l’industrie du futur: «Nos industries nationales ont une opportunité unique de revenir dans la course. Et il faut bien mesurer que l’industrie mécanique est partout et elle change. Les technologies, les métiers se mélangent. Et vous devez mesurer que cette culture existe sur ce territoire qui a tous les ingrédients pour réussir quelque chose de fabuleux. Vous avez une qualité de vie, un socle culturel ancré. Marseille est une ville monde, ouverte sur l’extérieur». Et d’avancer: «L’innovation naît souvent autour d’un verre, lors d’une balade en vélo, c’est dire l’importance du cadre de vie».
«Le monde ne s’effondre pas, il se transforme»
Le sociologue Jean Viard insiste sur l’importance de la métropole: «C’est là que se crée l’emploi», avant de mettre l’accent sur une notion à laquelle il croit: «la société collaborative», dans un monde où «l’international densifie le proche». Il en vient à l’entreprise «où le numérique change les rapports». Il invite à son tour à mesurer que «C’est le hors-travail qui structure le travail, qui fait innovation. Si nous sommes créatifs au travail c’est parce que nous avons une vie en dehors du travail, des engagements sociaux». Il déplore le faible pourcentage de bourgeoisie industrialisante à Marseille: «C’est cela qui fait que Lyon est plus puissant que Marseille où la bourgeoisie est commerciale». En ce qui concerne la métropole, il juge que «l’Étang de Berre sépare alors qu’il devrait rassembler». Insiste sur l’importance du port «à un moment où 90% des objets se déplacent par l’eau». Il considère enfin: «Nous sommes dans la mondialisation, c’est un fait, après il faut réguler, expliquer. Le monde ne s’effondre pas, il se transforme, nous sommes dans des bouleversements tellement rapide que nous n’arrivons pas à les mesurer. De même, nous sommes dans une société qu’il nous faut comprendre. Voir comment nous accompagnons les gens qui n’ont plus de travail. Nous sommes dans une société libérale, très bien, le problème c’est qu’il y en a qui choisissent et d’autres qui subissent. Il faut apporter de la stabilité dans la discontinuité».
Michel CAIRE