Parc national des Calanques. Épisode de mortalité de gorgones en Méditerranée

Publié le 30 août 2022 à  18h43 - Dernière mise à  jour le 11 juin 2023 à  18h51

Plusieurs observations récentes font état d’une mortalité inquiétante de gorgones (Paramuricea clavata) dans les eaux du Parc national des Calanques et d’autres aires marines protégées du littoral «méditerranéen» français. L’ampleur et les raisons précises du phénomène restent à déterminer mais les premiers indices pointent vers un lien avec les effets du changement climatique.

Alerte en cours sur la mortalité des gorgones

Dans certaines colonies (Riou et Morgiou) la quasi-totalité des individus est nécrosée. © Patrick Bonhomme, Parc national des Calanques et Fabienne Henry, Narval Plongée
Dans certaines colonies (Riou et Morgiou) la quasi-totalité des individus est nécrosée. © Patrick Bonhomme, Parc national des Calanques et Fabienne Henry, Narval Plongée

Les premières alertes ont été signalées entre le 18 et le 19 août 2022, à la suite des violents épisodes orageux qui ont traversé le Sud-Est de la France. Depuis, les observations réalisées dans différentes aires marines protégées du littoral méditerranéen (Parc national des Calanques, Parc national de Port-Cros, Parc marin
de la Côte Bleue…) convergent pour mettre en évidence un épisode massif de mortalités des gorgones.

Le phénomène marque les plongeurs par son ampleur et son intensité. A des profondeurs de 12 à 30 mètres, les nécroses touchent de nombreuses colonies avec, pour certaines, la disparition totale des tissus vivants. Quelques jours avant l’orage, certaines colonies, aujourd’hui mortes, avaient pourtant été observées en bon état de conservation. «Nous savons que les épisodes de canicules marines affectent les gorgones. Et nous savons qu’il a fait très chaud en Méditerranée cet été, avec des températures avoisinant les 26-28°C sur de longues périodes jusqu’à 20 mètres, voire 30 mètres de fond. L’observation des mortalités juste après l’orage interroge sur le potentiel rôle joué par ce dernier. L’apport en mer d’une pollution d’origine terrestre est par exemple possible mais l’étendue géographique du phénomène n’invite pas à attribuer l’origine des mortalités à une pollution isolée. Tous les indices pointent vers le réchauffement climatique, avec l’augmentation prolongée de la température de l’eau au-delà du seuil de tolérance des espèces, qui provoque la nécrose de leurs tissus», explique Patrick Bonhomme, Chargé de mission Pêche et Gestion de la biodiversité marine au Parc national des Calanques.

Des forêts sous-marines qui ploient sous l’effet du réchauffement climatique

La quasi-totalité des individus est nécrosée. © Patrick Bonhomme, Parc national des Calanques et Fabienne Henry, Narval Plongée
La quasi-totalité des individus est nécrosée. © Patrick Bonhomme, Parc national des Calanques et Fabienne Henry, Narval Plongée

Les gorgones Paramuricea clavata forment de larges colonies qui se fixent sur les substrats rocheux des fonds marins situés entre 7 et 110 mètres de profondeur. Le plus souvent pourpre, parfois jaune, les gorgones sont longévives (elles vivent plus de 50 ans) et sont caractéristiques du coralligène, habitat naturel clé de Méditerranée, véritables «forêts animales» qui abritent 15 à 20% des espèces connues en Méditerranée.

Les gorgones sont sensibles au réchauffement climatique. Au sein du parc national des Calanques, celles-ci font l’objet d’un suivi scientifique dans le cadre du projet européen MPA Engage, piloté par Joaquim Garrabou de l’institut scientifique espagnol CSIC à Barcelone. Ce projet appuie les aires marines protégées de Méditerranée dans leur adaptation au changement climatique.

D’autres épisodes de mortalité massive de gorgones ont été observés dans le passé, en 1999, 2003, 2006 et 2009. Leur étude pointe l’augmentation prolongée de la température de l’eau combinée à plusieurs mécanismes : processus biologiques, modification du microbiote associé, survenue d’agents pathogènes, facteurs génétiques de résistance plus ou moins grande au stress thermique.

Zoom sur un un individu nécrosé © Patrick Bonhomme, Parc national des Calanques
Zoom sur un un individu nécrosé © Patrick Bonhomme, Parc national des Calanques

«Les gorgones poussent très lentement et leur vulnérabilité au changement climatique est très élevée. Ces épisodes de mortalité interviennent de manière plus régulière et sont appelés à se renouveler à l’avenir. Les projections prévoient une augmentation des vagues de chaleur marines, qui seront multipliées par 4 d’ici 2100 dans le scénario de fortes émissions de gaz à effet de serre (RCP 8.5), soit jusqu’à 120 jours de canicule marine par an. Des modifications majeures de l’écosystème marin sont en cours, avec notamment une modification de la répartition géographique et bathymétrique des espèces, notamment dans les 30 premiers mètres de profondeur, au-dessus de la thermocline», indique Pauline Vouriot, Chargée de mission biodiversité marine au Parc national des Calanques

Travail en cours pour qualifier et étudier le phénomène

Des échanges sont en cours entre les différents acteurs des aires marines protégées touchées (gestionnaires d’espaces naturels, scientifiques, plongeurs, pêcheurs…) pour qualifier et étudier ce phénomène de mortalité récent. Dans les eaux du Parc national des Calanques, des plongées dédiées sont réalisées cette semaine par plusieurs organismes scientifiques CNRS, MIO (Institut Méditerranéen d’Océanologie), Septentrion Environnement, CSIC (Conseil supérieur de la recherche scientifique espagnol), en lien avec les équipes du Parc national, afin de dresser un état des lieux plus précis des zones touchées et effectuer les prélèvements qui pourront permettre de donner des éléments d’explication plus précis à ce phénomène.

«Lors des plongées des prochains jours, nous porterons également une attention particulière à l’état de conservation d’autres espèces. Des indices récents pointent aussi vers une mortalité notable d’une autre espèce emblématique, le corail rouge, et d’espèces plus discrètes comme les éponges et les oursins notamment», souligne Olivier Bianchimani, directeur de Septentrion Environnement

Pour en savoir plus sur le Parc national : calanques-parcnational.fr

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