« Big mother » une pièce coup de poing en forme de dénonciation de la manipulation de masse à l’heure du big data.
Intelligente cette « Big mother » l’est assurément. L’écriture y est virtuose, le propos incisif, la dénonciation de la manipulation de masse à l’heure du big data, sans complaisance ni démagogie. On a d’autant plus froid dans le dos que cette nouvelle création de Mélody Mourey, qui obtint cinq nominations aux Molières 2023, appuie sa narration sur une analyse réaliste d’événements tout à fait plausibles. On peut résumer ainsi l’intrigue : « Alors qu’un scandale éclabousse le président des États-Unis et agite la rédaction du « New York Investigation », la journaliste Julia Robinson voit sa vie vaciller dans la salle d’audience d’un tribunal quand elle croit reconnaître sur le banc des accusés son compagnon mort quatre ans auparavant. Son enquête pour élucider ce mystère croise celle de son équipe, et la petite cellule du « New York Investigation » se retrouve confrontée à un programme de manipulation de masse d’une ampleur inédite. Ensemble, malgré leurs différends, ils vont devoir mettre à jour le plus gros scandale depuis l’affaire du Watergate. La démocratie est en péril. Leur vie aussi. »
Création visuelle et sonore intense
Création visuelle et sonore intense, fluidité des mouvements des six interprètes (trois hommes, trois femmes alternant entre Patrick Blandin, David Marchal, Ariane Brousse, Laetitia Vercken, Benoît Cauden, Axel Huet, et d’autres installés dans des équipes différentes) incarnant plus d’une vingtaine de personnages, bondissant, ne laissant pas le spectateur respirer, qui se retrouve scotché sur son fauteuil comme s’il assistait à la projection d’une haletante série américaine, «Big mother» secoue les lignes, et le cocotier du conformisme. « On ne peut pas se battre à la loyale dans un monde où tout le monde triche. Papa, si on respecte les régles on est foutus», déclare Rose avec des accents très Octave de « La règle du jeu » le film de Jean Renoir. La plongée dans « Démocratie totale» parti pieuvre qui s’apprête à révéler le nom de son candidat à l’élection présidentielle américaine, annoncera-t-il des changements radicaux sur le fonctionnement de la démocratie des États-Unis ? C’est un des enjeux de « Big mother », qui est aussi une pièce sur la transmission, sur les rapports amants-amantes, parents-enfants, et qui s’impose comme un tour de force théâtrale qui pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses. Mais que c’est beau une pièce aussi pertinente, salutaire, efficace ! Mélody Mourey atteint sa cible : alerter, susciter à la fin de la représentation des réactions, des débats entre les spectateurs sonnés et heureux de l’être. Gageons que Lluis Llach en personne applaudirait des deux mains.
Jean-Rémi BARLAND
«Big mother» par Mélody Mourey. Texte disponible aux éditions de la librairie Théâtrale. 153 pages, 10 €. Pièce à voir au Théâtre des Béliers parisiens. 14 bis, rue Sainte-Isaure. 75 018 Paris. Métro Jules Joffrin. Durée : 1h40. Du mardi au samedi à 21h00. Dimanche à 15h00. Réservation au 01 42 62 35 00. ou sur theatredesbeliersparisiens.com