Voilà sept ans le couple de pasteurs, Nicole et Frédéric Keller, arrivaient à Marseille, elle, prenait ses fonctions dans les hôpitaux, lui au temple Grignan. Une expérience de vie marquante qui prend fin. Ils quittent Marseille pour rejoindre leur pays d’origine, la Suisse et plus spécialement les Diablerets, dans le canton de Vaud. Ils prendront leurs fonctions à la mi-juillet. Une sympathique manifestation a été organisé ce 14 juin, au Parvis du Protestantisme.
« les ancêtres des Marseillais ne sont pas les Gaulois »
« Je voudrais dire combien Marseille m’a transformé », explique Frédéric Keller. « Il en est pour dire que Marseille n’est pas la France. Et bien je crois que c’est vrai. Marseille est la ville des communautés. On peut même les chiffrer alors qu’en France il n’existe qu’une seule : la communauté nationale. Et, au fond, cette particularité est logique puisque les ancêtres des Marseillais ne sont pas les gaulois mais les grecs, les arméniens, les juifs, les italiens, les maghrébins, et de suisses puisqu’une grande partie des protestants qui se sont implantés ici venaient de Suisse… Et la cité phocéenne a une manière d’intégrer originale. En France, on dit aux nouveaux arrivants : devenez comme nous. A Marseille on ne demande pas d’oublier ses racines, sa culture. Et cela a été une première leçon pour moi car je me suis rendu compte que dans notre église nous agissons de la même façon qu’en France : nous acceptons tout le monde à condition qu’il se comporte comme nous. Et nous avons retenu la leçon, les différences s’expriment aujourd’hui dans nos organes de décisions ». Il mesure « attention, ces communautés peuvent faire courir le risque de tomber du côté du communautarisme. Mais je ne pense pas que ce soit le risque dans cette cité ».
L’importance de Marseille-Espérance
Puis d’insister sur l’importance de Marseille-Espérance, ce groupe informel réunissant, autour du maire de Marseille, les responsables religieux des principales familles spirituelles présentes sur le territoire communal. Ses membres entendent ainsi favoriser l’entente et la compréhension entre tous les Marseillais, quelles que soient leur origine, leur culture et/ou leur religion. « Nous travaillons sur le champ de la pensée, mais aussi festif avec le gala de Marseille-Espérance, ou encore l’éducation et la culture. Et tout cela permet de voir des liens se créer, offre une qualité de relation rare. Et puis il y a le collectif « Tous enfants d’Abraham » dont Martine Yana (directrice du centre Fleg ndlr) est la cheville ouvrière ». Ce collectif a vu le jour en 2012, il comprend « Chemins de dialogue » (chrétiens), « Centre Fleg » (juifs), « Parvis du protestantisme », « Union des familles musulmanes », « Centre Sahak Mesrop » (chrétiens), « et ensemble, dans notre diversité, nous avons été capables de proposer notamment une exposition sur « Jérusalem trois fois Saintes » .
« J’espère que la question de la pauvreté sera au cœur des élections ».
On peut être Pasteur sans pour cela tomber dans l’angélisme, Frédéric Keller le prouve : « Marseille la ville des 1 00 villages se caractérise par la xénophobie. Il y a eu des vagues d’immigration qui, chaque fois, ont produit des mouvements de rejet, de replis, des réflexes de peur. Cela rappelle que l’accueil n’est jamais facile, qu’il m’oblige à changer, à me décaler. N’oublions pas que Siméon Flaissières, protestant, qui fut maire de Marseille et voulait jeter les Arméniens à la mer. Oui, la xénophobie est réelle ici, mais elle est toujours surmontée et c’est cela qui est beau ».
Il n’omet pas d’aborder les événements qui secouent la ville « une lecture rapide pourrait faire dire que les communautés ne veulent plus vivre ensemble alors que la cause de ces événements résident dans la misère, l’injustice, la fracture ». Il lance : « J’espère que la question de la pauvreté sera au cœur des élections ». Ajoute : « Je rends hommage à tous ceux qui luttent contre la pauvreté car Marseille est extrêmement riche dans l’action humanitaire ». Et de saluer la Cimade, l’Armée du Salut, ainsi que Radio Dialogue. Puis, c’est au tour du Président de Parvis « Merci Frédéric et Nicole pour vos 7 ans de ministère. Le Parvis n’existerait pas sans Frédéric ». Nicole Keller rend hommage aux personnels des hôpitaux avec lesquels elle a travaillé ainsi que les aumôniers de toutes les religions, à ceux qui travaillent en soins palliatifs, auprès des détenus, en psychiatrie. Des remerciements qui prouvent la rigueur du travail qu’elle a accompli pendant 7 ans, partout où s’exprime le plus crûment la souffrance humaine.
Michel CAIRE