Publié le 14 février 2015 à 21h29 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 18h38
La soprano Patrizia Ciofi et la mezzo-soprano Clémentine Margaine étaient réunies, vendredi soir, sur le plateau de l’Opéra de Marseille devant l’orchestre «maison» placé, pour la circonstance, sous la baguette du maestro Acocella. Un concert lyrique exceptionnel donné devant une salle qui n’avait, hélas, pas fait le plein. Pourtant le programme, à 90 % italien, Mozart étant venu s’intercaler en deuxième partie entre Donizetti et Bellini, avait de quoi séduire les Marseillais plutôt enclins à apprécier ce répertoire. Et la présence de Patrizia Ciofi, dont les murs de la vénérable maison se souviennent encore de ses incarnations de Lucia ou d’Ophélie, aurait dû s’avérer définitivement convaincante. Il n’en fut rien… Dommage. Car ce concert lyrique fut marqué par une révélation, une démonstration et une confirmation…
La révélation, sans aucun doute, c’est la prestation de Clémentine Margaine. Bien sûr, on pourra toujours nous dire qu’elle fut déjà révélation lyrique aux Victoires de la musique classique en 2011 et que pour appartenir à la troupe du Deutsche Oper Berlin, il faut avoir les cordes vocales solides. D’accord ! Mais, si vendredi soir, la jeune mezzo-soprano a confirmé tout le bien que son entourage pense d’elle, elle n’en a pas moins conquis ceux et celles qui l’écoutaient pour la première fois en «live». Sa voix est puissante, rectiligne, avec une aisance considérable dans les aigus; elle semble être d’une facilité étonnante et d’une précision assurée sur tout le registre. Que lui manque-t-il ? Peut-être un soupçon de maîtrise en bas, dans les graves… Mais rien de rédhibitoire… « Les graves et leur maîtrise, ça vient, hélas, avec l’âge» nous confiait un jour une mezzo de renom… Nul doute que les qualités de Clémentine Margaine n’ont pas échappé à l’oreille très affûtée de Maurice Xiberras qui n’aura désormais de cesse de l’inviter au cours des saisons à venir.
La démonstration, c’est celle de Patrizia Ciofi. Toujours autant de fragilité dans son physique et encore plus, vendredi, alors qu’elle souffrait d’un vilain rhume. Souffrance au sens propre dès les premières notes de «O nube! che lieve per l’aria ti aggiri… Nella pace del mesto riposo» l’aria et la cabaletta de Marie Stuard de Donizetti. On ne peut pas dire qu’elle a débuté dans la facilité mais elle a su jouer de toute sa technique et de son expérience pour passer cette première épreuve. La suite fut plus convaincante avec l’émouvant «Teneste la promessa… Addio del passato» d’une Traviata moribonde, ou encore la virtuosité du « O smanie, o furie… D’Oreste d’Alace» de l’Idomeneo de Mozart. Il fallait y arriver au bout de ce génial «tue la voix», elle y est arrivée. Dans un contexte délicat, elle a réussi la performance de triompher de la quasi-totalité des chausse-trappes pour, finalement, «craquer» à l’issue du deuxième bis, «Le duo des fleurs» de Lakmé, terrassée par une quinte de toux. Mais qu’importe, le bonheur était déjà tellement grand, le travail tellement bien fait que personne ne lui en a tenu rigueur et c’est une ovation bienvenue qui a salué sa prestation.
La confirmation, enfin, c’est celle de la qualité de l’orchestre philharmonique de l’Opéra de Marseille dans un répertoire qui, certes, lui sied à merveille, mais dont il faut aussi maîtriser à la perfection des couleurs. Sous la baguette de Luciano Acocella, qui a déjà dirigé la formation à de nombreuses reprises, à tous les pupitres, les instrumentistes ont donné le meilleur offrant les ouvertures de Rossini («Le Barbier de Séville» et «Semiramide») avec passion et engouement et celle de «Roberto Devereux», de Donizetti, sorte de variation sur le thème de l’hymne national anglais, avec finesse et précision.
Rappelons que ce sont ces mêmes musiciens, toujours sous la baguette du maestro Acocella, qui fêteront les cinq ans de Musiques en fêtes, en juin prochain, en direct des Chorégies d’Orange. On a hâte d’y être.
Michel EGEA