Pavillon M : l’économie sociale et solidaire lance son opération séduction

Publié le 31 octobre 2013 à  7h10 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  16h25

Le mois de l’économie sociale et solidaire, rythmé par une cinquantaine de manifestations sur toute la région Paca en novembre, est l’occasion de mieux faire connaître au grand public un pan de l’économie encore trop souvent méconnu. Le secteur, dynamique, crée pourtant plus d’emplois que l’économie traditionnelle. Et un projet de loi concocté par Benoît Hamon, ministre délégué à l’Economie sociale et solidaire, qui doit être discuté au Sénat dans les jours qui viennent, doit encore booster son développement.

C'est au Pavillon M à Marseille qu'a été officiellement dévoilé le mois de de l'économie sociale et solidaire. (Photos S.P.)
C’est au Pavillon M à Marseille qu’a été officiellement dévoilé le mois de de l’économie sociale et solidaire. (Photos S.P.)

Tout en restant vigilant, Michel Faure estime que la loi va apporter
Tout en restant vigilant, Michel Faure estime que la loi va apporter

Alain Maissa a mis l'Union régionale en ordre de bataille pour booster la création de Scop en Paca.
Alain Maissa a mis l’Union régionale en ordre de bataille pour booster la création de Scop en Paca.

Sandrino Graceffa estime que
Sandrino Graceffa estime que

C’est au pavillon M, haut-lieu de Marseille-Provence 2013, qu’a été officiellement dévoilé, le jeudi 24 octobre, le mois de l’économie sociale et solidaire (ESS) qui se déroulera tout au long du mois de novembre. « On ne pouvait pas faire autrement en 2013 que de faire la part belle à la culture puisque dans le secteur culturel, un emploi sur trois relève de l’ESS », souligne Michel Faure, président de la Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire (Cress) Paca.
Ce mois de l’ESS, qui vit sa 6e édition au plan national, en est déjà à sa 11e édition dans la région car, comme aime à la rappeler Michel Faure, il s’agit à l’origine d’« une initiative de la Cress Paca ». L’événement vise en tout premier lieu « à apporter une meilleure connaissance de l’ESS au grand public ». « On table sur une participation de 10 000 personnes aux 50 manifestations (*) en région Paca, et 150 000 participants au plan national », explique le président de la Cress Paca. Des manifestations qui s’ancreront sur les différents territoires de la région. « On vit et on est présent sur l’ensemble des territoires. Il n’y a qu’une seule économie, même si la nôtre a une forme un peu différente, et nous sommes très attachés au développement des territoires », précise-t-il. Le deuxième objectif de ce mois de l’ESS est d’« inciter les acteurs de l’ESS à davantage travailler ensemble » car « sur un territoire donné, il est possible de se regrouper afin, par exemple, de pourvoir répondre de façon commune à des appels d’offres ».
Rappelons que l’ESS a pour vocation d’allier la performance économique et l’utilité sociale. Le concept désigne ainsi un ensemble d’entreprises organisées sous formes de coopératives, mutuelles, associations ou fondations, dont le fonctionnement interne et les activités sont fondés sur un principe de solidarité et d’utilité sociale. Ces entreprises adoptent des modes de gestion démocratiques et participatifs. Et elles encadrent strictement l’utilisation des bénéfices qu’elles réalisent : le profit individuel est proscrit et les résultats sont réinvestis.
Cette année, le mois de novembre sera notamment l’occasion de faire la part belle à des domaines auxquels on n’associe pas forcément l’ESS, comme le logement ou la distribution, et où elle est pourtant bel et bien présente. « On pense souvent que l’ESS est une affaire de vieux et de pauvres, mais c’est absolument faux. C’est une économie faite avec les jeunes et pour les jeunes », insiste Michel Faure. Et de souligner qu’il y a « 25 000 postes à remplacer dans l’ESS en Paca d’ici 2020 ». « Ce sont vraiment des places pour les jeunes. Or si les gens connaissent l’ESS, les associations, les associations vinicoles ou les coopératives, ils n’imaginent que c’est un secteur où on peut travailler », déplore le président de la Cress Paca.

13,4% de l’emploi privé en Paca

L’ESS regroupe pourtant 159 000 salariés, soit 13,4% de l’emploi privé dans la région, qui travaillent dans 17 100 établissements employeurs « qui ont une vocation commerciale et font du business ». Le secteur représente ainsi 10% du PIB régional. Et Michel Faure d’observer que certains secteurs de l’économie jouissant d’une certaine notoriété « représentent bien moins ». L’ESS jouit en outre en Paca d’« une plus forte représentation d’entreprises de plus de 50 salariés que de moins de 5 salariés » : elle concentre 17% des grandes entreprises régionales.
Au plan national, 2,3 millions de personnes sont employées dans l’ESS qui pèse 14% de l’emploi privé. Si Paca n’émarge pas dans le peloton de tête, elle figure cependant dans le « Top 6 » des régions en la matière. Le président de la Cress Paca tient aussi à préciser que dans ce panel, « le nombre d’emplois aidés, c’est peanuts, même si on s’est positionné sur le dispositif des emplois d’avenir, car ce sont des emplois pour les jeunes, des emplois durables ».
C’est pour encourager cette ouverture vers la jeunesse et définir quels types de postes seront à pouvoir dans les années qui viennent, que la CRESS Paca a lancé « une vraie réflexion sur l’évolution des métiers » de l’ESS. La chambre s’est ainsi dotée d’un observatoire régional. « L’Insee est très efficace mais ses données ont deux ans de retard. Or, il nous paraissait absolument nécessaire d’avoir des chiffres plus récents. On a donc signé une convention avec l’Urssaf afin de connaître chaque mois le nombre de créations et de disparitions d’emplois dans l’ESS, des données qu’on diffuse trimestriellement », précise Michel Faure.
Il rappelle que « jusqu’à fin 2009, l’ESS a été plus créatrice d’emplois que l’économie traditionnelle ». « En 2011, on a ensuite connu une forte diminution dans la famille des associations, mais pas dans les branches des coopératives et des mutuelles », se souvient-il. Depuis 2012, le développement de l’emploi est à nouveau « plus rapide » que dans l’économie traditionnelle, un phénomène « plus flagrant au niveau des associations et des coopératives que dans le secteur des mutuelles » qui a perdu du terrain avec son secteur santé.
On observe également une diminution du nombre d’entreprises dans l’ESS. « Il ne s’agit pas de dépôts de bilan mais de regroupements dans une économie de plus en plus concentrée », explique le président de la Cress Paca. Une évolution que la chambre régionale ne voit pas d’un mauvais œil puisqu’elle souhaite par ailleurs encourager l’émergence de Pôles territoriaux de coopération économique (PTCE), bâtis sur le modèle des Prides et des pôles de compétitivité. « Il y a un an, on a décidé de travailler sur les territoires. L’idée est d’encourager les entreprises à créer un pôle de coopération qui permettrait une mutualisation des services, des économies d’échelle et de répondre ensemble à des appels d’offres. De plus en plus les entreprises de l’ESS se regroupent comme les autres entreprises, mais peut-être que l’on concentre différemment pas par absorption fusion », explique Michel Faure.

Une loi qui va redéfinir le périmètre de l’ESS

L’ESS est également cette année en plein cœur de l’actualité en raison du projet de loi « Economie sociale et solidaire » de Benoît Hamon, ministre délégué au secteur. Présenté en conseil des ministres le 24 juillet, il sera discuté en séance publique au Sénat les 6 et 7 novembre pour une adoption définitive par l’Assemblée nationale d’ici la fin de l’année. « Ce texte va apporter à l’ESS une meilleure façon de fonctionner et une meilleure reconnaissance », estime le président de la Cress Paca. La loi prévoit notamment de redéfinir quel est le périmètre de l’ESS qui, de l’aveu même de Michel Faure, est « aujourd’hui un peu flou », avec d’une part, des entreprises qui ont « un statut », et d’autre part, celles dont « l’objet relève de l’économie sociale et solidaire ». Benoît Hamon projette ainsi de permettre à des SA ou des SARL, via un agrément, de bénéficier des mêmes droits que celles de l’ESS, si leur activité relève de l’économie sociale et solidaire. Une mesure à laquelle n’est pas opposé le président de la Cress Paca. « On ne se dit pas : « on risque donc on se referme ». Nous sommes dans une posture d’ouverture, mais avec une extrême vigilance », précise-t-il.
Un avis partagé par Sandrino Graceffa, PDG de la société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) Samrtfr, une coopérative de projets artistiques culturels. « C’est une ouverture nécessaire. Il ne faut pas enfermer l’ESS dans un secteur : toute l’économie doit devenir plus sociale et plus solidaire. Et le statut ne fait pas la vertu. Il existe des associations qui ne sont pas toujours vertueuses sur d’un point de vue social et économique. La loi doit permettre de requalifier nos pratiques et d’améliorer nos modes d’organisation. Le statut est une condition nécessaire mais pas suffisante », analyse-t-il.
Mais Michel Faure de souligner qu’« une simple déclaration » ne suffira pas. « Ce n’est pas : « Je fais de l’économie sociale et solidaire donc… ». Il faut trouver une bonne formule », insiste-t-il. Une vigilance qui ne porte « pas sur les critères mais sur la réalisation des critères ». « Comme pour les sociétés coopératives et participatives (Scop), il faudrait prévoir un examen tous les 3 ans », plaide-t-il.
Par ailleurs, le président de la Cress ne manque pas de relever qu’entre le début de la rédaction de la loi et la présentation du projet de loi, « les critères n’ont pas toujours été bien établis ». « Quand on parle de partage raisonnable des résultats, qu’est-ce qu’on entend par « raisonnable » ? », s’interroge-t-il. Et d’estimer ainsi qu’« à un moment donné », c’est « le préfet par décret » qui devra trancher. « Il est normal que ce genre d’agrément soit donné à un représentant de l’Etat », estime Michel Faure qui considère en revanche qu’il semble difficile que l’agrément soit donné par une collectivité territoriale comme la Région pour « une question de légitimité ».

Benoît Hamon veut doubler le nombre de Scop en 5 ans

Le projet de loi vise également à créer 40 000 emplois dans les Scop en 5 ans, des structures dont Benoît veut doubler le nombre sur la même période. Alors qu’on dénombre aujourd’hui 1 910 Scop en France pour 40 734 salariés, Alain Maissa, président de l’Union régionale des Scop Paca – qui regroupe plus de 220 entreprises rassemblant près de 3 000 salariés – se dit prêt à relever le défi du ministre. Dans cette optique, l’Union régionale ambitionne 1 000 créations d’emplois en 3 ans à travers 3 pans d’action. « Il s’agit tout d’abord d’encourager l’émergence de nouvelles structures sachant que celles de petite taille sont souvent les plus innovantes socialement et les plus militantes. Nous souhaitons aussi développer les Scop existantes et pour cela mettre en place une ingénierie efficace pour favoriser leur évolution. Enfin, nous voulons agir sur les reprises d’entreprises. 50 000 emplois disparaissent chaque année car il n’y a pas de repreneur : c’est une priorité », détaille Alain Maissa.
Et de souligner que sur ce dernier point, les freins sont à la fois le fait des cédants qui « n’imaginent pas vendre aux salariés », et de ces derniers « qui n’imaginent pas qu’ils peuvent reprendre ». Pour lever ces barrières, la Confédération général des Scop, qui fédère les 13 unions régionales, vient de lancer une campagne sur BFM TV sur le thème « et si le meilleur repreneur était déjà dans l’entreprise ».
Alain Maissa attend aussi beaucoup de l’obligation d’information préalable des salariés en cas de transmission d’une entreprise saine que devrait instaurer la loi voulue par Benoît Hamon. « On est parti d’un droit préférentiel des salariés, qui était quelque chose de fort mais très contesté. Et on est arrivé à un droit d’information, contesté aussi, mais la détermination, qui est assez forte, devrait nous permettre d’aller au bout de cette mesure », estime le président de l’Union régionale des Scop. Une mesure à laquelle sont vivement opposés le Medef et la CGPME qui soulèvent que des fuites pourraient alors venir compromettre des opérations de cession. « Si on érige en priorité ces 50 000 emplois qui meurent chaque année, on est plutôt sur une mesure d’intérêt général sur laquelle on pourrait se mettre d’accord », assure-t-il.
Les salariés pourraient ainsi être informés deux mois au préalable de tout projet de cession de leur entreprise « pour qu’un projet puisse être réfléchi ». « Ce n’est pas un droit prioritaire, il n’y a pas de phénomène de spoliation », insiste Alain Maissa.
Selon lui, l’évolution du texte de loi depuis ses prémices ne traduit pas un recul du gouvernement. « Dans tout projet de loi, il y a des lobbys et après, on arrive à un point d’équilibre. Le droit d’information, qui existait déjà, pour les entreprises de plus de 50 salariés, est déjà une vraie avancée par rapport à aujourd’hui où les salariés se retrouvent du jour au lendemain avec un nouveau patron, voire plus de patron du tout », considère-t-il.

La « Scop d’amorçage », un statut transitoire

Le président de l’Union régionale des Scop tient aussi à rappeler que les associés d’une Scop « ne sont pas uniquement les salariés », même si derniers détiennent a minima 51% du capital. « Il peut y avoir un large panel : clients, collectivités, usagers, bénévoles… », précise-t-il. Alain Maissa veut également tordre le cou à l’idée selon laquelle le statut de Scop serait dévolu aux entreprises en difficulté. « 70% des créations de Scop sont des créations ex-nilo, 15% sont des transformations d’associations, 10% des reprises d’entreprises saines et seulement 5% des reprises d’entreprises en redressement judiciaire. Pourtant, c’est encore l’image qu’on a trop souvent », observe-t-il. Et de souligner que la baisse de ce dernier pourcentage ne correspond n’est pas le fruit d’« une stratégie politique ». « Chaque fois qu’on a la possibilité de sauver une entreprise, on le fait. Mais de moins en moins d’entreprises en redressement judiciaire ont la capacité de rebondir », indique le président de l’Union régionale des Scop.
Alain Maissa assène en outre que « le terme de lucrativité ne nous fait pas peur ». « Les Scop sont des sociétés commerciales, sauf que derrière les valeurs sont plus grandes », martèle-t-il. Et de mettre en avant « un ancrage territorial » et une répartition du résultat très encadrée. En moyenne, 45% du résultat est dévolue aux participations des salariés, 45% aux réserves obligatoires et 10% aux dividendes. « Quand la société va mieux, la part des dividendes augmente. Mais dans un premier temps, cette répartition donne une plus grande solidité à l’entreprise », souligne le président de l’Union régionale. Le taux de pérennité d’une Scop à 3 ans est ainsi, selon l’Insee, de 82,5% contre 66% pour l’ensemble des entreprises françaises, et de 66% à 5 ans contre 50% en France.
Le projet de loi de Benoît Hamon propose enfin la création de « Scop d’amorçage », un statut transitoire qui, durant sept ans, permettra à des investisseurs extérieurs de détenir la majorité du capital en ne supprimant pas les droits de vote des salariés. Cette mesure vise à aider les acteurs de l’économie sociale et solidaire à trouver des financements. Elle vient en complément de la création de la Banque publique d’investissement (BPI) qui disposera de 100 M€ pour renforcer les fonds propres des sociétés. Un dispositif qui a, a priori, les faveurs par les acteurs de l’ESS. « Avec la BPI, le gouvernement a essayé de trouver une solution pour des structures d’innovation technologique ou d’innovation sociale qui sont les plus fragiles et pour lesquelles le fonds d’amorçage peut être intéressant. Le mode coopératif avait lui créer ses propres outils mais aujourd’hui, ils ne sont plus suffisants : le reprise d’une entreprise demande des fonds de plus en plus importants », souligne Michel Faure, qui estime cependant qu’il est encore « trop tôt » pour juger du bien-fondé de la mesure, faute de retour sur l’utilisation de ces fonds.
Et Alain Maissa d’observer également qu’« il existe un frein réel pour participer à des opérations qui demandent des fonds importants ». « La mise en place par la BPI, courant 2014, d’un fonds de 100 M€ permettrait de changer de braquet et viendrait en complément de la loi instaurant les « Scop d’amorçage » », conclut-il.
Serge PAYRAU

(*) Tout le calendrier des événements date par date sur : www.cresspaca.org.

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