Publié le 16 janvier 2022 à 19h45 - Dernière mise à jour le 4 novembre 2022 à 11h43
Quoi de mieux, pour combattre la morosité ambiante, de proposer une «Vie parisienne» endiablée. C’est ce que vient de faire Maurice Xiberras, le directeur général de l’Odéon de Marseille. Avec succès puisque la salle du haut de la Canebière affichait complet samedi et dimanche après-midi pour les deux représentations. Il est vrai que l’opéra-bouffe d’Offenbach fait partie des œuvres les plus appréciées par les mélomanes et même par ceux qui le sont moins…
Composez une distribution (solistes et choristes) complice, dynamique et qui a envie de s’amuser ; ajoutez-y un minimum de moyens, mais vraiment un minimum, pour agrémenter la scène d’un dispositif quasiment unique mais intelligemment et chaleureusement pensé. Confiez l’ensemble à un jeune metteur en scène décorateur plein d’idées et qui aime jouer, vous avez déjà l’assurance d’avoir réussi une bonne partie du challenge… Et lorsque vous glissez dans la fosse 18 instrumentistes talentueux et motivés et que vous placez à leur tête un directeur musical compétent, amoureux de la musique d’Offenbach dont il donne à entendre le meilleur avec une direction élégante et précise, c’est la totalité du challenge qui est gagnée !
Mise en scène tonique
Créé en 1866 au Théâtre du Palais royal puis, en 1873 dans sa version en quatre actes, au Théâtre des Variétés, c’est le rideau de scène du Palais Garnier qui est projeté entre jardin et cour à l’Odéon de Marseille pour s’ouvrir sur cette nouvelle production de «La Vie parisienne». Velours rouge et cordons dorés vont être de mise pendant ces quatre actes, quelques éléments décoratifs, judicieusement choisis venant rappeler les lieux où se déroule l’action : une horloge pour la gare du Chemin de fer de l’Ouest, mobilier cossu pour le salon de Gardefeu, tables et chaises de banquet pour l’hôtel de Quimper-Karadec et barres de studio de danse pour un retour à l’Opéra de Paris qui n’a jamais vraiment été quitté. Un environnement créé par Olivier Lepelletier qui anime son monde avec précision et vivacité dans un espace où chaque centimètre carré est compté. Et ça marche parfaitement ! Le rythme est endiablé, tonique, la bonne humeur n’ayant aucun mal à s’installer sur scène… Et dans la salle où les multiples gags bienvenus font sourire et rire.
Le chœur au four et au moulin
Vous voulez des petites femmes, vous les avez ; dames et demoiselles du chœur sont mises à contribution, n’hésitant pas à troquer les robes de soirée contre des sous-vêtements d’époque, c’est à dire très sages en nos temps de strings ! Il est vrai que pour être Parisienne et légère, la vie selon Olivier Lepelletier sait être raffinée et suggestive. Au demeurant, c’est le chœur dans son ensemble qui est à l’œuvre avec bonheur par le metteur en scène n’en délaissant pas pour autant un chant de qualité, travaillé sous la direction de Rémy Littolff, en adéquation avec les voix des solistes.
Un casting efficace
Du côté féminin de la distribution, c’est Laurence Janot qui donne vie à Metella ; une demi-mondaine affriolante aux œillades assassines et au caractère bien trempé. La précision de sa ligne de chant et sa puissance renforçant sa prestation dans un rôle taillé pour elle. Des qualités vocales indéniable, aussi, chez Julia Knecht, idéale Gabrielle, gantière coquine et colonelle impayable entrant sur scène perchée sur le cercueil rouge pailleté de son défunt colonel de mari en chantant : «Il est content mon colonel… Ou du moins je l’espère.» Julie Morgane elle est une Pauline délurée à souhait qui fait profiter son rôle de ses talents de comédienne née et Kathia Blas une baronne pas si sotte qu’elle en a l’air. Chez les hommes, Philippe Ermelier campe un baron Gondremark solide scéniquement et vocalement qui ne devrait avoir aucun mal pour s’en «fourrer jusque là !» ; Alfred Bironien, Gondrefeu et Samy Camps, Bobinet, s’entendent comme larrons en foire qu’ils sont et Marc Larcher vaut son pesant de cacahuètes en brésilien perruqué poussant son air de fort belle façon torse vêtu d’un marcel blanc; il est aussi un Frick idéal livrant un duo caliente avec Julia Knecht. Jean-Christophe Born, Antoine Bonelli et Michel Delfaud excellant dans leurs rôles multiples… Une troupe réjouissante qui a bénéficié de l’excellence du travail des musiciens de l’orchestre de l’Odéon placés sous la direction vantée plus haut d’Emmanuel Trenque.
Ainsi, il n’y a pas qu’au théâtre des Champs Élysées que «La Vie parisienne» apporte la joie, il est vrai avec la mise en scène d’un Provençal, l’Arlésien Christian Lacroix, mais à Marseille aussi ! Et c’est tant mieux.
Michel EGEA