Publié le 9 mars 2013 à 2h00 - Dernière mise à jour le 10 août 2023 à 10h21
Eugène Caselli veut demander des comptes à l’Etat
Le président de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole (MPM) a mandaté deux élus de sensibilités différentes, Vincent Coulomb (PS) et Robert Assante (UDI), pour réaliser une mission prospective sur le Plan de déplacements urbains (PDU) adopté en décembre. Ils lui remettront un rapport public dans six mois qu’Eugène Caselli (PS) compte mettre à profit pour accentuer la pression sur l’Etat. Car le candidat déclaré à la mairie de Marseille digère mal le feu vert délivré mercredi par le Premier ministre au « Nouveau Grand Paris », moyennant 30 Mds€ d’aides d’Etat.
« J’ai confié à deux conseillers communautaires, un de gauche Vincent Coulomb, un de droite Robert Assante, une mission d’exploration et d’introspection pour livrer une vision hiérarchisée du Plan de déplacements urbains (PDU) de 2013 à 2018 et une hiérarchisation prospective pour la période 2018-2030 » : c’est en termes qu’Eugène Caselli (PS), président de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole (MPM), a décrit, ce vendredi 8 mars, la feuille de route qu’il a fixée aux deux conseillers communautaires. Ils seront ainsi chargés de plancher sur les déplacements inter-quartiers, intercommunautaires, mais aussi de travailler « sur un territoire plus large : le territoire métropolitain ». Et particulièrement « de réfléchir sur les quatre axes de communication les plus fréquentés des Bouches-du-Rhône : Marseille-Aix, Marseille-Aubagne, Marseille-Marignane et Marseille-Fos ». « Il faut faire quelque chose qui ressemble à quatre lignes de RER. Ça veut dire des trains, mais cadencés toutes les 10 minutes, pour ne plus passer une heure dans les transports entre Marseille et Aubagne, ce qui vaut aussi pour Aix, Marignane et Fos. Ces problèmes constituent de vrais freins à l’emploi », insiste le président de MPM.
Mais cet « audit prospectif », qui fera l’objet d’un rapport public dans six mois, n’aura pas qu’une portée locale, métropolitaine ou départementale : Eugène Caselli voit plus loin. Car 48 heures après que le Premier ministre Jean-Marc Ayrault ait donné son feu vert au « Nouveau Grand Paris », un plan ambitieux qui prévoit notamment la construction de 200 km de lignes de métro autour de Paris moyennant un investissement de 30 Mds€ de l’Etat, le président de MPM n’a pu qu’exprimer sa « colère ». « Le développement des transports en région parisienne est important mais il ne peut pas se faire au détriment de Marseille », dénonce-t-il. Et s’adressant nommément à Marilyse Lebranchu, ministre de la Décentralisation, il enfonce le clou : « Il faut de l’équilibre dans tout ça. Nous ici, avec 7% de la somme allouée à Paris (2 Mds€), on pourrait faire les deux lignes de métro qui manquent à cette ville, du Capitaine Gèze à Saint-Antoine voire Septèmes, et de Dromel à Saint-Loup. Je trouve ce parisianisme injuste. Paris, 10 millions d’habitants, c’est 30 Mds€, Marseille c’est 2 millions d’habitants : qu’il y ait une juste répartition. »
« Maintenant, ce n’est pas seulement la métropole, le temps est venu de parler du financement »
Alors ce rapport public sera un atout majeur dans la manche du président de la communauté urbaine pour demander des comptes à l’Etat. « C’est une mission qui tombe à point. Les résultats qui seront donnés dans six mois serviront pour réclamer avec plus de force l’argent de l’Etat. » Et de préciser, toujours à l’attention de Marylise Lebranchu : « Maintenant, ce n’est pas seulement la métropole, le temps est venu de parler du financement. »
Eugène Caselli ne manque pas non plus de distiller ses messages à l’attention des opposants à la métropole, plus audibles que ses partisans ces dernières semaines au plan local. « Il est temps que la métropole soit votée car elle est la seule qui sera configurée pour recevoir des fonds de l’Etat pour les transports des quatre grands axes du département. » Et d’en profiter pour souligner ce qui constitue à ses yeux une ambiguïté. « Je suis étonné que les anti-métropole réclament de l’argent de l’Etat car ce financement doit être donné sur un projet structuré, plus large que la communauté urbaine. »
Il réfute en outre que sa démarche du jour s’inscrive dans la perspective des municipales de 2014 à Marseille, pour lesquelles il a fait acte de candidature lors de ses vœux à la presse en début d’année. « Le PDU est une projection dans le temps et là, il s’agit d’une mission prospective. Ça ne m’appartient pas, pas plus à moi qu’à un autre : c’est l’œuvre d’une collectivité publique. » Et de rappeler que confier des missions à des élus de sensibilités différentes sur des sujets sensibles, comme autrefois sur la propreté, « est une méthode que j’ai toujours employée depuis que je suis président de la communauté urbaine. Les élus m’ont rendu des rapports, dont j’ai tenu compte, qui servent l’intérêt général. » Une manière de se positionner au-dessus des bords politiques que n’aurait pas reniée… Jean-Claude Gaudin (UMP), le sénateur-maire de Marseille, ancien président de MPM, qui avait l’habitude d’entonner le refrain : « A la communauté urbaine, on ne fait pas de politique ».
Les transports sont un « élément fédérateur, même chez les opposants à la métropole »
Concrètement, les deux conseillers communautaires travailleront en relation étroite avec les services de MPM (propreté, voirie, espaces publics, pôle mobilité et déplacements, environnement) et devront se rendre sur le terrain, et « pourquoi pas à Lyon, Lille et Nantes, des villes en avance sur nous en matière de transports », précise Eugène Caselli. « Ce PDU a fait l’objet de plusieurs réunions de travail toutes tendances confondues et d’un large consensus. Il fut donc largement voté en décembre, rappelle Vincent Coulomb (PS). Il s’agit de passer à l’étape suivante, d’établir un calendrier plus précis et une priorisation des actions à entreprendre qui puisse être la ligne de conduite de la collectivité. » Et Robert Assante (Union des démocrates indépendants) de souligner qu’à ses yeux, « c’est tout l’avenir de notre métropole que nous devons concevoir et prioriser d’ici le mois de juin ». « Il faut élaborer un projet réel que l’on propose au président et à l’ensemble des élus de la communauté urbaine, avec une priorisation afin que nos demandes trouvent de l’écho et que l’on ait enfin une vraie planification d’ambition pour ce périmètre qui est appelé à devenir la première métropole de France, si on met Paris hors du territoire. C’est un travail ambitieux mais nécessaire et obligatoire », estime le maire des 11e et 12e arrondissements.
Une mission dans le cadre de laquelle les élus souhaitent rencontrer l’ensemble des acteurs, les comités d’intérêts de quartier (CIQ), les associations, mais aussi les partis politiques, des entreprises telles qu’Eurocopter, ou encore le président de la CCI Marseille-Provence, Jacques Pfister, « qui a des idées sur la question ». Ce qui les amènera à renouer avec les présidents des autres intercommunalités du département, farouches adversaires déclarés de la métropole. Une perspective qui n’émeut guère les émissaires du président Caselli. « Nous sommes de gentils garçons. On essayera de rencontrer tout le monde. On ne s’imposera à personne mais on discutera avec tous ceux qui le voudront », explique Robert Assante. Avant de souligner que les transports sont un « élément fédérateur, même chez les opposants à la métropole ».
« Ce ne sont pas des gens fermés au dialogue. J’ai récemment déjeuné avec Maryse Joissains »
Eugène Caselli précise d’ailleurs qu’il a toujours des rapports avec les autres présidents d’intercommunalité. « On peut toujours discuter, ce ne sont pas des gens fermés au dialogue. Je vais vous donner un scoop : j’ai récemment déjeuné avec Maryse Joissains, il s’agissait d’une réunion de travail. Au-delà des divergences, on se parle. Et il y a une hiérarchisation, une priorisation à faire sur Marseille », embraye le président de la communauté urbaine.
Sur les pistes de réflexion qu’ils sont susceptibles de défricher, les deux chargés de mission ne s’interdisent rien non plus. « Il va falloir nous ouvrir sur les autres, résume Robert Assante. Si on se penche sur la grande Provence, la L2 il faut la finir, et il faut la penser à l’Est et au Nord de Marseille. Nous ne sommes pas indépendants de l’aéroport : comment est-il desservi ? Comment y allons-nous ? Comment s’organiser avec le conseil général qui a des compétences sur les transports, la voirie, l’aménagement durable ? Avec la Région qui réfléchit aussi de son côté ? » Sans oublier l’interconnexion entre les intercommunalités. « Aubagne fait son tramway qui va se terminer en cul de sac à La Penne-sur-Huveaune. Nous avons un tramway avec un terminus aux Caillols. Est-ce que la métropole ne va pas imposer que ce dossier devienne prioritaire ? », poursuit le maire des 11e et 12e arrondissements. Et Eugène Caselli de renchérir : « Il n’est pas interdit de réfléchir sur le projet revu et corrigé de la LGV (Ligne à grande vitesse). Si on raisonne à l’échelle de la métropole, on a un urgent besoin du Boulevard urbain sud qui donnerait un vrai périphérique à Marseille. Mais là, on sait ce qu’il faut faire : ce n’est qu’un problème de financement. »
« La méthode d’Eugène Caselli me convient »
Vincent Coulomb insiste quant à lui sur la continuité dans laquelle s’inscrit la mission. « Lors de l’élaboration du PLU, on ne s’est pas contenté de se limiter au territoire de notre collectivité. Aujourd’hui, il y a deux volets. Sur le périmètre de MPM, il faut notamment améliorer les transports en commun en site propre (TCSP) de Marseille et développer les transports avec les territoires. Et nous avons travaillé sur les quatre grands axes de communication du département sachant que les collectivités ne sont pas forcément aussi avancées sur leur PDU », souligne-t-il.
Quant à savoir si la concertation avec tous les acteurs concernés n’arrivent pas trop tard, Robert Assante ne le croit pas. « On aurait peut-être pu le faire plus loin, plus tôt, plus vite. Mais finalement les réflexions des uns et des autres arrivent aujourd’hui à maturité, ce qui n’était pas le cas il y a quelques années. Après, il n’est jamais trop tard pour bien faire. » Et l’élu socialiste allaudien Vincent Coulomb de préciser que l’élaboration du PDU portait déjà le sceau de la concertation. « Il a fait l’objet de nombreuses réunions auxquelles ont été conviées les CIQ, les associations et la société civile. Des idées ont été en partie reprises dans le PDU qui n’est pas sorti du chapeau de quelques-uns. »
Récent transfuge du Nouveau Centre à l’UDI, le parti créé par Jean-Louis Borloo, Robert Assante, ancien adjoint à l’Environnement de Jean-Claude Gaudin, a également tenu à préciser le sens de sa démarche politique. « Je ne regrette rien du travail au sein de l’équipe municipale qui est la mienne et de ce qui a été réalisé dans cette ville depuis 17 ans. La méthode d’Eugène Caselli me convient. J’ai accepté de participer à cette mission car je connais son état d’esprit positif. Comme je le ferais si Jean-Claude Gaudin me le demandait. »
Et Vincent Coulomb de conclure : « L’ensemble du PDU qui a été chiffré (4 Mds€) est en cohérence avec ce que sont les moyens financier de la communauté urbaine aujourd’hui. Nous souhaitons formuler une demande de moyens supplémentaires auprès de l’Etat afin d’aller beaucoup plus vite et faire mieux que ce qui est inscrit dans ce PDU, car il faut rattraper le retard qui a été pris. »
Serge PAYRAU