Publié le 19 avril 2018 à 10h05 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 18h41
Les intentions d’embauches des patrons de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur sont en augmentation cette année : près de 248 270 projets de recrutements sont annoncés par les entrepreneurs du territoire, soit 33 100 de plus que l’année dernière. C’est le résultat de l’enquête annuelle réalisée par le Pôle Emploi avec le concours du Credoc (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie) et nommée BMO ou Besoins en main d’œuvre. Le détail.
C’est du jamais vu depuis 2001, année de lancement de la première analyse des besoins en main d’œuvre (BMO) par le Pôle Emploi (à l’époque ANPE) : réalisée auprès de quelque 150 000 établissements publics et privés de la région et 436 000 répondants, l’enquête recense en effet une croissance de 15% des intentions d’embauche en Paca, soit 248 270 projets de recrutements pour 2018. La région se place ainsi au troisième rang à l’échelle nationale, avec une part de 11% derrière l’Ile de France (18%) et Auvergne-Rhône-Alpes (13%). «Il s’agit d’une hausse vertigineuse, même si elle ne se traduit pas de suite par une diminution du taux de chômage, en tout cas pas autant qu’au niveau national», analyse Thierry Lemerle, directeur du Pôle Emploi Paca. Il y a tout de même des raisons d’être optimistes : en ce début d’année, les retours obtenus via les Déclarations préalables à l’embauche (DPAE) ont permis de s’assurer dans quelle mesure les recrutements programmés avaient été effectifs en 2017. Et 75% des entreprises qui avaient formulé cette intention l’ont concrétisée. «Si elles le font en 2018 dans les mêmes proportions, cela devrait avoir un impact positif sur le taux de chômage». Cerise sur le gâteau, «41% des établissements ayant déclaré ne pas avoir l’intention de recruter ont finalement émis une ou plusieurs DPAE en 2017». Dernier fait encourageant, les entrepreneurs interrogés souhaitent majoritairement «embaucher en CDI et en CDD de plus de 6 mois, on anticipe donc des recrutements plus pérennes», observe de son côté le chef du service Études et statistiques, Nicolas Bianco.
Les services en pôle position
Dans le détail, sur le plan géographique, les trois départements du littoral (13, 83 et 06) concentrent 76% de ces projets de recrutement. Ce sont les Alpes Maritimes qui, cette année, affichent la croissance la plus significative, de l’ordre de 24%, et 55 219 projets d’embauche. La palme du nombre de projets (84 391) revient aux Bouches-du-Rhône. Dont la hausse n’est «que» de 9%… Il faut dire que ce territoire connaît aujourd’hui un effet de seuil, après avoir déjà anticipé la reprise et affiché en 2017 une hausse des intentions d’embauche de l’ordre de 18%. Le Var clôt la marche de ce top 3, avec 48 420 projets, soit une progression de 18%. Il est à savoir Il est à savoir que le nombre d’intentions d’embauches progresse sur tous les départements de Paca en 2018.
Si l’on considère maintenant les choses sous le prisme sectoriel, ce sont les services qui représentent à eux seuls près de 7 projets sur 10, soit une part de 45% pour les services aux particuliers et 24% pour ceux aux entreprises. A eux deux, ils totalisent 170 700 projets, un nombre en progression de 16% par rapport à 2017. Le commerce lui emboîte le pas (13% des intentions), puis l’agriculture et l’industrie agro-alimentaire (10%). Fait notable, le secteur de la construction, en souffrance depuis quelques années, démontre ici qu’il retrouve de la vigueur, avec certes, une part moindre de projets (5%) mais aussi la progression la plus forte (+35%). L’industrie ferme cette marche avec 6 500 intentions, soit une part de 3% seulement. Quid des métiers les plus recherchés ? Eh bien… sans surprise, les professionnels les plus prisés sont les serveurs de cafés et de restaurants (16 129 projets de recrutements), suivis par les agents d’entretien de locaux (12 043 projets) et les aides, apprentis et employés polyvalents de cuisine (11 577 projets). Suivent viticulteurs, professionnels de l’animation socioculturelle, cuisiniers, aides à domicile, artistes, aides-soignants et autres agents de sécurité… Il est à noter que, même si de façon générale l’emploi saisonnier est en recul (moins quatre points par rapport à l’année dernière), six des dix premiers métiers les plus demandés font majoritairement l’objet de volontés de recrutements sous ce type de contrat (de 68% des intentions pour les cuisiniers à 95% des intentions pour les viticulteurs et arboriculteurs).
De la difficulté des recrutements
Mais ces projets d’embauche en hausse s’accompagnent forcément d’un revers de médaille : des tensions accrues sur le marché du travail. Ainsi la part des projets jugés difficiles par les employeurs progresse encore cette année, pour atteindre les 45%, soit 111 800 projets de recrutement. Si les petites structures sont les plus dynamiques en termes de volonté de recrutement (47% des projets émanent d’établissements de moins de 10 salariés), ce sont aussi ces dernières qui formulent le plus leurs difficultés à recruter (55% dans les entreprises de 5 à 9 salariés)… Plusieurs explications à cela : manque d’attractivité des TPE, absence de service RH faisant parfois de l’acte de recruter un grand moment de doute, voire de solitude… «C’est pour cela qu’au sein du Pôle Emploi, nous avons dédiés des conseillers entreprise à cela. Ils se substituent à un véritable service RH interne lorsqu’il s’agit de TPE ou d’entreprises en but aux difficultés de recrutement : analyse de poste, rédaction de l’annonce, mise en place de formation préalable à l’embauche», explique Thierry Lemerle. Mais, outre ces difficultés propres aux petites structures, il y a aussi d’autres facteurs, plus fréquemment mis en avant par l’ensemble des entrepreneurs interrogés. Parmi ceux-ci, «85% d’entre eux évoquent l’inadéquation des profils, 83% la pénurie de candidats et 52% des conditions de travail difficiles», rebutant ces derniers, décrit Nicolas Bianco. Face à cette montée des intentions d’embauche, s’accompagnant forcément d’une multiplication de projets jugés complexes, «le Pôle Emploi a un rôle à jouer afin d’accompagner au mieux les entreprises», avance le directeur régional.
La formation, un levier
L’un des leviers, c’est incontestablement la formation, comme le met en avant Emmanuel Estéban, responsable des affaires sociales, de l’emploi et de la formation au sein de la FRIAA (Fédération régionale des industries agroalimentaires). «Nous développons des procédés nouveaux et connaissons déjà depuis deux ans les prémices de ces besoins en main d’œuvre. Face à cela, l’emploi intérimaire se développe, mais nous recherchons aussi des professionnels de la production, sachant que celle-ci est de plus en plus automatisée, des techniciens de maintenance de ces installations, des commerciaux terrains et des logisticiens. Mais notre appareil de formation a du mal à suivre… Nous nous appuyons donc sur le Pôle Emploi pour développer des actions sur des compétences montantes, en travaillant selon un maillage territorial, en fonction du besoin des bassins d’emploi». Et, en termes de formation, il semblerait justement que 2018 bénéficie d’un alignement de planètes favorable au territoire : «C’est une bonne année pour l’opérateur public que nous sommes. Au titre du Plan d’investissement compétences, nous allons bénéficier de davantage de fonds en Paca. Soit 4500 euros pour une entrée en formation en moyenne, sachant que l’on en aura presque 13000». Ce qui augure d’un budget significatif de plus de 50 M€… «Cela en plus de ce que le Pôle Emploi finance déjà par ailleurs, de ce que mettent la Région et les Opca (Organismes paritaires collecteurs agréés) sur la table». C’est heureux : toujours selon l’enquête BMO, face à ces projets de recrutement difficiles, 30% des personnes interrogées pourraient envisager d’embaucher moins ou de différer une partie de ces embauches. Un sacré manque à gagner, si c’était le cas.
Carole PAYRAU