Publié le 16 mars 2017 à 18h27 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 15h56
Led : light-emitting diode soit en français dans le texte diode électroluminescente. Une nouvelle technologie d’éclairage qui a brillé depuis longtemps dans les têtes pensantes de la troupe catalane Fura dels Baus pour devenir rapidement l’un des éléments majeurs de leurs féeries musicales, théâtrales ou de rue. Mardi soir, au Grand Théâtre de Provence, pour la création mondiale de l’oratorio Die Schöpfung de Haydn, mis en scène sous la direction de Carlus Padrissa, l’œuvre était donc donnée en led majeur… Avec tablettes électroniques actives qui d’éléments de décors deviennent partitions entre les mains des choristes, débauche d’animations projetées, hélium dans les ballons à tous les étages, aquarium pour mettre les solistes en situation pour le moins peu confortable et grue activée manuellement à vue «à l’ancienne» pour donner une touche «historique» aux artifices omniprésents. Et depuis le chaos initial jusqu’au terme du septième jour, les furieux catalans ont plongé le Grand Théâtre de Provence dans un tourbillon lumineux plus ou moins maîtrisé, plus ou moins agréable, plus ou moins apprécié, alternant quelques moments de grâce pure, quelques jolis tableaux, quelques temps moins forts et quelques instants difficilement supportables. Nul doute que cette première représentation sera suivie de beaucoup d’autres qui bénéficieront, c’est souhaitable, d’ajustements scéniques judicieux procurant à cette production la perfection qu’elle mérite.
Debout, seule face au maelström scénique, Laurence Equilbey est à la barre ; à la baguette plus exactement, pour faire en sorte que la composition de Haydn ne soit pas emportée par les déferlantes visuelles. Une réelle prouesse pour la directrice musicale qui doit rester dans sa partition sans se laisser distraire, maintenir son Insula Orchestra sur le droit chemin de la précision, activer avec assurance les pupitres de ce merveilleux chœur qu’est Accentus, dont les membres sont très sollicités par la mise en scène et, rassurer les solistes confrontés à des situations peu banales depuis l’élévation par le biais de la grue, jusqu’au bain dans l’aquarium dont ils se seraient bien passés. Autant dire que la performance positive est à chercher et trouver, chez les interprètes plutôt que du côté de la mise en scène. La soprano Mari Eriksmoen est lumineuse, avec ou sans led, voix limpide, puissante et directe. A ses côtés le baryton Daniel Schmutzhard se joue de l’altitude et des bains forcés, imposant sa ligne de chant somptueuse et précise dans des conditions périlleuses; du grand art. Quant au ténor Benjamin Burns, légèrement moins sollicité, scéniquement, que ses camarades, il est, lui aussi, à la hauteur d’une belle performance musicale nous rappelant que cette «Création» est souvent considérée comme la composition majeure de Haydn.
Michel EGEA