Publié le 16 juillet 2013 à 3h00 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 15h48
Inquiet suite aux propos tenus la veille par le président de la République, Pierre Gattaz, le tout nouveau président du Medef, a détaillé ce lundi à Marseille quelles seront ses priorités à la tête de l’organisation patronale. Il a aussi brièvement évoqué l’actualité locale lors de ce premier déplacement en province qu’il avait réservé à la cité phocéenne et à l’entreprise Onet.
C’était le jour des premières ce lundi 15 juillet en fin de matinée au 36, boulevard de l’Océan, dans le 9e arrondissement de Marseille, au siège de la société Onet : premier déplacement en province pour le tout nouveau président du Medef Pierre Gattaz, qui a pris la succession de Laurence Parisot le 3 juillet, et « baptême de feu » pour Jean-Luc Monteil, qui a succédé le 11 juillet à Stephan Brousse à la tête de l’Union patronale régionale et du Medef Paca. Ainsi, dans une tribune où était également présent Patrick Bernasconi, qui étrennait en province ses galons de vice-président du Medef délégué aux territoires, Jean-Luc Chauvin, président de l’Union pour les entreprises des Bouches-du-Rhône (UPE 13) depuis 2010, faisait bel et bien figure d’ancien à l’heure de prendre part au premier point presse « décentralisé » du patron des patrons français. Et c’est finalement dans l’assemblée que l’on trouvait le plus de visages connus avec l’hôte du jour Elisabeth Coquet-Reinier, présidente de la Holding Reinier qui détient 75% des parts d’Onet, également vice-présidente de l’UPE 13, et Johan Bencivenga, président de la fédération du BTP 13.
Pour sa première visite en province, Pierre Gattaz a donc choisi la cité phocéenne, comme il en avait pris l’engagement durant sa campagne. Et pour incarner ce vœu, il a opté pour Onet, une entreprise emblématique du département des Bouches-du-Rhône « à forte intensité de personnes comme on dit dans notre jargon », rappelle Jean-Luc Chauvin. Créée en 1860 et à l’époque dédiée à la manutention de marchandises à Marseille, l’entreprise familiale de services, spécialisée notamment dans les prestations de nettoyage et de propreté – mais qui possède également des activités dans l’assistance aéroportuaire, l’assainissement nucléaire ou la sécurité -, emploie aujourd’hui 58 000 salariés pour un chiffre d’affaires de 1,4 Md€. « Si on avait des dizaines, des milliers d’Onet en France, elle se porterait beaucoup mieux », s’enthousiasme le nouveau président du Medef qui salue l’apport des entreprises familiales à l’économie française. « Une entreprise familiale se développe de manière très territoriale en faisant attention à ses équipes, elle s’inscrit dans une stratégie de développement à long terme, elle s’attache à construire dans la durée : cela demande du courage et une association de performance et de qualité humaine », souligne celui qui dirige lui aussi une entreprise familiale, Radiall, spécialisée dans la conception et la fabrication d’équipements électroniques.
La grève perlée des dockers de Marseille « irresponsable parce que corporatiste »
Une visite qui a été l’occasion pour le nouveau président du Medef de commenter brièvement l’actualité sociale locale dominée actuellement par la grève perlée des dockers qui perturbent, le dimanche, les croisières dans le port de Marseille. « Il faut savoir ce qu’on veut. Marseille a fait des efforts d’attractivité considérables ces dernières années. Elle est capitale européenne de la culture en cette année 2013, les croisières amènent de plus en plus de touristes. On a un port fantastique qui ne gère qu’un million de conteneurs contre 12 à Rotterdam et 2 au Havre. Cette grève perlée me paraît irresponsable parce que corporatiste. Elle peut briser cette dynamique. Et on va encore mettre des mois et des années à rétablir une image. C’est une grève à contresens », juge Pierre Gattaz.
Des propos auxquels souscrit Jean-Luc Chauvin. « Il faut se mobiliser pour faire venir des trafics. On est très en retard sur ce port. Il faut qu’ensemble on travaille à développer des activités plutôt que se déchirer pour prendre le petit peu qu’il nous reste. Si on donne ces trafics aux dockers, ce sera au détriment de ceux qui les ont aujourd’hui : on ne fait rien gagner à l’économie locale. Ce n’est pas comme ça qu’on développera le territoire », estime-t-il. Le président de l’UPE 13 considère d’ailleurs qu’il s’agit d’un « chantage » car « en plein Marseille-Provence 2013, on bloque le dimanche, le jour le plus important pour les croisiéristes ». Il dénonce enfin le « coup porté à l’industrie des bassins Est ». « La réparation navale renaît grâce aux croisiéristes. Et on est en train de porter un coup aux croisiéristes, donc indirectement à la réparation navale : les bateaux iront ailleurs », avance-t-il. Et de clore le chapitre : « On ne développera pas des activités si on montre au monde entier qu’on n’est pas fiable. On avait développé la productivité en 2012, il n’y avait pas eu de grève à Marseille, on en était plutôt fier : il ne faut pas gâcher tout ça. »
Le président national et le président départemental du Medef sont en revanche un peu moins raccord sur la métropole Aix Marseille Provence, adoptée début juin au Sénat, l’autre grand dossier qui anime l’actualité phocéenne. « Je suis très favorable à la métropole si elle a un contenu économique. Mais je crains qu’on rajoute un nouvel étage de dépenses publiques. Or, la métropole n’a de sens que si elle est économique, si elle aide à construire un terreau fertile pour que les entreprises se développent encore mieux. Si on rajoute des millions d’euros de dépenses publiques, non », analyse Pierre Gattaz. Malgré ces bémols, l’ardent défenseur de la métropole qu’est Jean-Luc Chauvin ne voit pas de divergences entre sa position et celle de son président national. « Tout est dit. L’entreprise est le moyen de créer des emplois. Il a fallu 12 ans pour développer une zone où l’on avait la maîtrise d’ouvrage car deux collectivités n’ont pas pu s’entendre pour des questions de personnalités. La métropole, c’est une taille différente, une seule institution qui décide », insiste-t-il.
« Beaucoup de PME sont à rentabilité faible et à visibilité médiocre »
Mais en dehors de ces deux arpentés phocéens, l’essentiel du propos de Pierre Gattaz a porté sur les dossiers nationaux. Il a notamment confié que les propos tenus par le président de la République, François Hollande, lors de son interview du 14 juillet lui avait « fait un peu peur », notamment « en annonçant une sortie de crise » que le président du Medef dit ne « pas voir personnellement ». « La situation, c’est que beaucoup de PME sont à rentabilité faible et à visibilité médiocre. Nous voyons toujours des entrepreneurs très angoissés avec des carnets de commandes très faibles », rétorque-t-il.
Et le patron des patrons de poursuivre : « J’ai aussi compris qu’il risquait d’y avoir des augmentations d’impôts, ce qui nous fait extrêmement peur. Nous avons déjà des taxes et des charges extrêmement élevées, ce qui fait que nos entreprises n’ont plus les moyens d’investir, d’innover, d’embaucher. Selon une étude que nous avons menée, 0,1% de cotisations en plus, cela risquerait de détruire 10 000 emplois à horizon 5 ans. Les entreprises respirent déjà avec un tuba sous le niveau de la mer. Si on nous rajoute quelques kilos en plus, on va couler », assène Pierre Gattaz.
Au contraire à l’heure où « 1 000 emplois sont détruits chaque jour » et où « 15 000 faillites ont été enregistrées depuis le début de l’année », le patron des patrons appelle à une prise de conscience. « On ne règlera le problème du chômage que par l’entreprise : c’est le seul endroit où on peut créer des emplois qui ne coûtent rien à la collectivité. Car les emplois publics et les associations, au final, ce sont nos impôts qui les financent. Donc l’entreprise est l’endroit où on fait gagner la France. Il faut que l’entreprise soit sanctuarisée », plaide-t-il.
Or, à ses yeux, « l’entreprise France a actuellement trois problèmes ». Elle est tout d’abord « asphyxiée par des marges extrêmement faibles ». « Les excédents brut d’exploitation s’élèvent à 28% contre 40% en moyenne en Europe. Avec de telles marges, les résultats sont à 1, 2 ou 3%. On ne peut plus prendre de stagiaire, d’apprenti, on ne peut plus recruter. Il faut que l’entreprise France retrouve des marges de manœuvres », souligne Pierre Gattaz.
« Réduire le coût du travail et les prélèvements obligatoires »
Il estime également que l’entreprise est aujourd’hui « ligotée par des normes complexes » tels que le Code des Impôts ou le Code de l’Urbanisme. Il a ainsi proposé une « simplification » au chef de l’Etat. « Nous ferons tout pour contribuer aux idées afin de retrouver un cercle vertueux de baisse du nombre de lois. Que l’on ait, comme au Royaume-Uni, deux lois supprimées pour une loi créée », plaide-t-il.
Enfin, il appelle à une simplification du Code du Travail aujourd’hui « très complexe ». « Les entreprises ont peur d’embaucher et les salariés ont peur d’être licenciés. Il faut nous libérer de ces peurs afin que la France puisse revenir à un chômage inférieur à 7% », résume-t-il. Pour atteindre cet objectif inscrit au cœur du chantier « France 2020 », dont le Medef commencera à écrire le scénario lors de sa prochaine université d’été, Pierre Gattaz estime qu’il faut « réduire le coût du travail et les prélèvements obligatoires qui pèsent sur nos résultats ». Ce qui passe par « une optimisation de la protection sociale et des dépenses publiques ». Et de prôner ainsi une réduction des dépenses publiques de 100 Mds€ en cinq ans, soit 20 Mds/an, ce qui permettrait de diminuer leur part de 57 à 52% du PIB. « Cela nous rapprocherait de la moyenne européenne alors qu’elles s’élèvent à 43% du PIB en Allemagne », observe-t-il.
Le président du Medef appelle ainsi le président de la République à « un pacte de confiance ». « Il faut comprendre que le marché est ouvert aujourd’hui et que la France fait peur dans un monde mondialisé avec un Code du Travail complexe, pas stabilisé, et le risque fiscal, avec la taxe à 75% qui ne concernera que 1 000 personnes en France mais qui a déjà fait trois fois le tour du monde. La France est un petit pays dans un monde ouvert. On ne va pas mettre des lignes Maginot autour d’elle », image-t-il, en souhaitant qu’elle devienne en revanche « un paradis fiscal et social », « un terreau propice au développement ». Et d’assurer : « Mes propos sont hors de toute politique. Si on y arrive avec ce gouvernement, j’applaudirai des deux mains et j’accompagnerai à mort les mesures prises. »
Serge PAYRAU