Publié le 6 novembre 2017 à 22h31 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h46
C’est fait, comme prévu ce lundi 6 novembre à 12h45 et comme l’exige la tradition c’est depuis le restaurant Drouant, non loin de l’Opéra de Paris, que Didier Decoin, secrétaire général de l’Académie Goncourt a annoncé que le lauréat2017 était Eric Vuillard, 49 ans, auteur de «L’ordre du Jour» publié par Actes Sud. Il a laissé ensuite la parole à Frédéric Beigbeder, qui préside cette année le jury du Renaudot, qui a dévoilé le nom d’Olivier Guez pour son livre «La disparition de Joseph Mengele édité par Grasset. Deux livres primés totalement différents mais qui font référence aux périodes les plus noires de notre Histoire.
Deux personnalités très différentes aussi. Il y a chez Olivier Guez une capacité à serrer son sujet, de la première à la dernière page, qui est tout à fait remarquable. Il le dit lui-même : «Je ne voulais pas tomber dans le piège d’être la énième marionnette que Mengele allait balader mais au contraire le marionnettiste de Mengele, celui qui lui passe la corde autour du coup et qui raconte son agonie. Après avoir connu le mal, je voulais savoir ce que la vie lui avait réservé». Un auteur dont on n’a pas attendu qu’il soit récompensé par un prix pour que Destimed en fasse la chronique et le recommande.
Un livre qui a déjà fait un bon chemin
Comme d’habitude, cette remise des prix s’est faite dans un brouhaha bon enfant, beaucoup de monde, des auteurs qui doivent répondre à 12 micros en même temps, bousculade, journalistes ou simple curieux, la «cérémonie» comme s’en amuse Bernard Pivot, président de l’Académie Concours, c’est finalement dans « un joyeux bordel» que les annonces sont faites.
Rappelons que pour cette dernière ligne droite du Goncourt ils étaient encore quatre en lice, deux hommes, deux femmes, Alice Zeniter pour L’art de Perdre (Flammarion), Véronique Olmi pour Bakhita (Albin Michel), Eric Vuillard pour L’Ordre du jour (Actes Sud), et Yannik Haenel pour Tiens ferme ta couronne (Gallimard)
Un Prix Goncourt qui cette année ne s’est pas contenté de faire sa sélection parmi les livres de la rentrée. Pourquoi ? La production manquait-elle de «grand crus»? Disons plutôt que parmi les dix membres du jury certains n’ont pas voulu priver des auteurs, édités avant la rentrée, de concourir. C’est comme cela que l’écrivain Eric Vuillard, pour son livre l’Ordre du jour (Actes Sud) faisait un peu figure d’exception dans le carré des derniers écrivains toujours en lice.
Didier Decoin a d’ailleurs précisé que c’était l’ensemble de l’œuvre de Vuillard, et notamment ce très beau livre consacré à Buffalo Bill qui est reconnu au travers de ce prix. Rappelant qu’il y a une constante dans le parcours de cet auteur qui, au travers de ses livres explore l’histoire et l’oppression d’un peuple sur l’autre. Eric Vuillard, écrivain et cinéaste vit à Rennes, son livre « L’ordre du Jour » est sorti au printemps.
Interviewé il y a quelques jours, il disait à propos du Goncourt que c’est un peu comme le bac : «Je préférerais l’avoir, c’est sûr! ». Un écrivain bien dans ses baskets qui avec son livre vous pilote dans les coulisses de l’Anschluss disséquant au scalpel comment, avec ce mafieux d’Hitler, les Nazis ont réussi à annexer l’Autriche en 1938.
La machine de guerre nazie
A l’image de ses deux précédents livres «Congo » et «La bataille d’Occident», Eric Vuillard passe au tamis son sujet, creuse toutes les pistes parce que l’Anschluss ne s’est pas fait en un jour, ce fameux 12 mars ! Il y a eu avant ces 1 700 suicides au pays de Mozart, les réactions des Autrichiens durant toute la semaine qui a précédé, et que dire de la nullité de l’armée allemande avec 70% de ses chars participant à l’annexion de l’Autriche qui tombent en panne, embourbés et créant un historique embouteillage de Panzers. La plume d’Eric Vuillard est très littéraire, très affûtée aussi notamment quand elle dissèque les relations glauques qu’entretenaient les industriels allemands avec la machine de guerre nazie.
Christine LETELLIER
«La disparition» de Josef Mengele d’Olivier Guez – 240 pages – 18,50 chez Grasset
«L’Ordre du jour», d’Eric Vuillard, 160 pages – Actes Sud – 16 €.