Publié le 24 février 2023 à 12h30 - Dernière mise à jour le 7 juin 2023 à 21h52
Raphaël Rubio, Secrétaire général d’ Égali-terre, présente la programmation culturelle de l’association avec un zoom sur « L’étoile féminiscente » de Tariah Rézaiguia : un spectacle engagé, féministe et total à découvrir le samedi 4 mars
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Destimed: Raphaël Rubio, on sent chez vous, parfois de façon pressante, un désir de rompre avec l’Art pour l’Art. L’engagement est-il de retour ?
Raphaël Rubio : L’isolement de l’artiste semble appartenir à un autre siècle. La figure de l’esthète craintif, celle du metteur en scène refusant de sortir de son théâtre, ou encore celle du poète prisonnier de ses angoisses, sont, je le crois, définitivement périmés. Nous vivons, en effet, une époque charnière. Pour reprendre les mots de Simone Weil, nous devons affronter une réalité qui nous heurte. C’est ainsi que nous construirons une sorte de Liberté dite « héroïque ». Je pense sincèrement que notre situation historique appelle à tous les dépassements. Je sens, sur le terrain, en particulier auprès des artistes, cette volonté d’explorer de nouveaux horizons. L’engagement donne du sens. C’est aussi simple que cela.
Cela a-t-il influencé la programmation culturelle d’Égali-terre?
Notre association lutte au quotidien contre toutes formes de violences. Nous sommes partie prenante dans le combat contre les violences conjugales. À terme, notre but est de créer une Maison des femmes. Vous connaissez aussi notre implication contre le harcèlement scolaire mais aussi contre l’homophobie et la sérophobie. Nous considérons que ces thématiques sociétales sont cruciales. Elles conditionnent une façon de vivre et d’espérer. Elles conjurent la peur de l’Autre, elles font société, elles font Nation et elles fonderont à court terme le socle d’une Europe démocratique.
Vous avez donc fait le choix d’associer l’Art à la défense de vos valeurs?
Précisément et cela débute dès le 4 Mars avec le spectacle féministe de Tariah Rézaiguia «L’étoile féminiscente». La représentation sera suivie d’une discussion-sensibilisation autour des violences faites aux femmes. Elle lancera une semaine consacrée aux droits des femmes. Le 8 Mars nous avons prévu d’inaugurer un banc rouge à Simiane-Collongue et à Miramas. Vous en connaissez la signification. Il s’agit d’un symbole en hommage aux victimes de féminicides.
Pouvez-vous nous parler de l’œuvre de Tariah Rézaiguia?
Située quelque part entre le théâtre et le stand-up, cette pièce possède une dimension hybride. Nous y suivons l’itinéraire d’une Mère quadragénaire, vivant seule avec ses jumeaux, et affrontant les aspérités de la vie quotidienne. J’ai évoqué plus haut cette volonté, héroïque, de faire face à la réalité. Ici point de fuite. Le monde réel est sans bienveillance. Il faut se battre, aiguiser sa volonté, mettre ses rêves à l’épreuve. La pièce, portée de bout en bout par le magnétisme de son interprète, touche aux problématiques les plus vives. Elle dénonce, certes, les violences faites aux femmes, tout en défendant, loin des provocations, un féminisme réellement social.
Sur scène Tariah évoque alors l’égalité salariale, le poids de la charge mentale, l’oppression qui structure et écrase la vie quotidienne des femmes. Un aspect très important de la pièce réside dans la peinture, fidèle, de la vie populaire. Pour la première fois, peut-être, le théâtre contemporain ne donne pas à voir les préoccupations nombrilistes d’artistes plus ou moins frileux. Les mots, en ce sens, disent l’exil, les inégalités, les banlieues pleines de couleurs, la si proche Algérie, les enfants que l’on mène à l’école, les courses au supermarché.
La proximité de notre expérience vécue avec celle de Tariah Rézaiguia, renforce la valeur de l’œuvre théâtrale. Nous voici impliqués dans une histoire, la nôtre, dont il faut à tout prix accepter les blessures. Tel est le sens profond de «l’étoile féminiscente». La reconstruction de soi est un combat.
Vous avez, de plus, prévu dans l’année d’autres représentations?.
Oui, le 1e avril nous serons, avec Christophe Lancia, sur scène, toujours à Simiane-Collongue, pour interpréter la version théâtralisée de mon recueil de poèmes «Bleu mémoire». La représentation sera suivie d’un débat sur le rôle et le positionnement de l’artiste dans la cité.
Le 6 Mai, Christophe Lancia présentera, salle Léon Masson, à Simiane-Collongue, une œuvre intitulée « Mandelstâme matière ». Création plastique, performance dansée réalisée par Catherine Sparta, et diffusion des textes du poète russe assassiné lors des purges staliniennes Ossip Mandelstam. À cette occasion nous remettrons les prix d’un concours de poésie que nous avons lancé en faveur du peuple Ukrainien. En outre j’aurai, j’espère, l’occasion d’évoquer le salon du livre que nous souhaitons organiser, en octobre, toujours à Simiane-Collongue.
Je souhaite enfin remercier vivement la Commune de Simiane-Collongue et son équipe municipale. La société civile a besoin de collectivités territoriales que je qualifierai de « facilitatrices ». Leurs engagements et leurs soutiens sont extrêmement précieux.
Propos recueillis par Caroline GORA
L’étoile féminiscente de Tariah Rézaiguia. Produit par la petite barque des artistes (Lionel Parrini). Le samedi 4 Mars 2023 à 20h – Salle culturelle de Simiane-Collongue. Tarif : 15€ /12€ – Réservation : lpbarque@gmail.com