Publié le 12 janvier 2019 à 10h24 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 20h44
Pas sûr que les vœux de Renaud Muselier, président de Provence-Alpes-Côte d’Azur à la presse aient été garants de bonheur pour tout le monde. Il annonce, concernant les municipales à Marseille, voir le Préfet ce samedi 12 janvier«afin de connaître les règles du jeu et le calendrier. Quel sera le mode de scrutin? A quelles dates auront lieu les élections régionales et départementales?». Des réponses qui devraient lui permettre de définir sa position. «Je suis très heureux de la fonction que j’occupe, tient-il à préciser, mais j’ai toujours dit que je ne suis pas indifférent à ce qui se passe dans ma ville, j’ai toujours dit ni extrême ni système. Je suis médecin, il faut faire un diagnostic de l’état de cette ville afin de définir le traitement. Après il faudra une équipe qui fasse preuve de volonté, de compétence et de détermination». S’il fait monter la pression au plan local, s’il rappelle la douleur produite par le drame de la rue d’Aubagne. Renaud Muselier ne se focalise pas sur Marseille. Il évoque 2018 comme une année éprouvante. «Éprouvante pour la stabilité du monde, pour celle de l’Europe mais aussi de notre pays». Rappelle que depuis 8 semaines «le mouvement des gilets jaunes a émergé». Il est selon lui «l’expression d’un profond malaise dans notre société. Un malaise à la fois social, fiscal, économique, politique et démocratique». Concernant Thierry Mariani qui quitte Les Républicains (LR) pour le Rassemblement National (RN), son propos se fait cinglant et sa critique du RN, en s’appuyant sur ses votes à Bruxelles, des plus vives. Il en profite pour dire qu’il ne sera pas candidat aux Européennes, soutiendra la liste LR avec un bémol, il veut peser dans le débat «pour faire entendre le discours le plus proche de la réalité». Affirme: «Je ne soutiendrai pas une liste qui ne serait pas pro-européenne. Je suis donc opposé à la nomination de François-Xavier Bellamy comme tête de liste de la droite aux élections européennes». Le président de Région revient sur le mouvement des gilets jaunes: «Notre société est traversée par de multiples crises ! Et il est de la responsabilité de tous les élus de la République d’y répondre». Cette responsabilité, incombe, selon lui, d’abord au Président de la République, au Premier ministre et à leur Gouvernement. «L’élection d’Emmanuel Macron devait être la traduction d’une promesse. Celle de faire de la politique autrement. De redonner la parole aux Français. De faire preuve de davantage d’écoute, de respect et d’empathie». Pour l’élu LR: «Cette promesse n’a pas été honorée. Le pouvoir exécutif et les parlementaires de la majorité n’ont pas réussi à tisser le lien indispensable à la réussite de leur mandat avec les Français. Au contraire, la distance s’est accrue pour se transformer peu à peu en défiance du peuple vis-à-vis de son Gouvernement. L’arrogance des uns, couplée à l’inexpérience des autres, aura balayé la promesse d’un quinquennat ancré dans la réalité».
Lancement de « Sudopolis » en février
Renaud Muselier ne s’inscrit pas uniquement dans la critique car, il importe selon lui de répondre «aux besoins d’écoute des Français». Et cela passe à ses yeux par «une démocratie représentative forte et puissante. Elle pilote les institutions à la suite d’un vote. Mais elle doit s’appuyer sur d’autres outils. Nous devons faire vivre la démocratie participative et la démocratie directe». Raison pour laquelle, dès le mois de février prochain, il annonce le lancement de «Sudopolis». «Il s’agit là de différents outils permettant de donner la parole aux citoyens. Une plateforme participative sur notre site internet permettra dans un premier temps aux cinq millions de Provençaux, Alpins et Azuréens de s’exprimer sur les politiques mises en place, en amont et en aval. Nous les consulterons régulièrement par le biais de mails, de SMS ou via une application dédiée, sur des problématiques bien spécifiques. Nous pourrons le faire à l’échelle régionale ou à un niveau plus local». Et de citer comme exemple: «Nous pourrons ainsi interroger les usagers de la ligne TER Cannes-Grasse sur la qualité de service ou les horaires de trains. L’idée est de rapprocher l’institution du citoyen». C’est aussi le sens qu’il veut donner au rendez-vous «Demain le Sud». «Nous les avons lancés en septembre et nous allons en organiser trois autres en 2019.» Le premier aura pour thème l’énergie. «Ce sera l’occasion pour les habitants de la Région de venir débattre avec nous et échanger avec des professionnels d’un secteur déterminant pour l’avenir de la région Sud». Et de présenter un autre projet: «Si 10% des électeurs de la Région, à savoir environ 350 000 électeurs, nous soumettent un projet de délibération conforme aux compétences de la collectivité, je m’engage à le soumettre au vote des élus en Assemblée plénière». Au niveau national, il demande au Président de la République d’organiser un référendum à l’issu du grand débat, en même temps que les Européennes car, considère-t-il: «S’il devait se solder sans consultation des Français alors il n’aura servi à rien». «Il ne faudrait pas, ajoute-t-il, que le débat national du Président de la République se transforme en grande frustration nationale accentuant la défiance». Insiste sur le fait que nul sujet ne doit être tabou : «On ne peut pas lancer un grand débat pour immédiatement dire que des sujets ne pourront être abordés. Il faut laisser les Français s’exprimer».
«Je me suis toujours positionné en héritier de Gaston Defferre sur les questions de décentralisation»
A propos de la décentralisation, Renaud Muselier précise: «En tant que Marseillais, je me suis toujours positionné en héritier de Gaston Defferre sur les questions de décentralisation. Or, là où nous étions en droit d’attendre l’acte 4 de la décentralisation de notre République, le Gouvernement nous a répondu par le 1er acte de recentralisation de l’Histoire de France. C’était une erreur politique majeure et une faute historique fondamentale. On ne réussira pas les réformes dont la France a besoin avec un projet aussi jacobin. Cette volonté de tout recentraliser et de concentrer tous les pouvoirs entre les mains d’un seul homme est l’une des sources du mouvement des gilets jaunes».
J’ai honte pour les complices des casseurs
Si Renaud Muselier comprend le besoin d’une démocratie plus directe et plus participative, il ressent aussi «un besoin profond d’ordre dans notre pays. La France n’est pas une immense ZAD ! C’est une République où la loi doit être respectée». Il rend hommage aux forces de l’ordre. «Depuis des semaines, malgré les exactions d’individus factieux, les violences et la haine, celles et ceux qui mettent leur vie en danger pour protéger la nôtre font preuve d’un sang-froid inouï. Leur professionnalisme est admirable». Et lorsqu’il voit «plusieurs milliers de personnes faire un don en faveur du voyou qui a frappé un gendarme à terre, je suis révolté. J’ai honte pour les complices des casseurs ! Cette complicité est alimentée par les extrémistes de droite comme de gauche. Ils sont les pousse-au-crime de ce mouvement». «En tant que citoyen, indique-t-il, j’ai donc pris l’initiative de lancer une cagnotte en faveur de nos forces de l’ordre. Et je dois bien avouer que le succès de cette cagnotte est rassurant et encourageant. En récoltant plus d’un million d’euros en 48 heures nous avons rééquilibré les valeurs. C’est une formidable réponse citoyenne de la majorité silencieuse.» Il annonce qu’un compte spécial verra le jour pour accueillir ce fonds et que la transmission des sommes récoltées aux diverses composantes des forces de l’ordre se fera dans la plus grande transparence. Puis de demander l’arrestation de tous les organisateurs des manifestations non déclarées, l’évacuation systématique des ronds-points et zones de blocages ne bénéficiant pas d’une autorisation de la préfecture. «Enfin, je demande aux manifestants de laisser travailler nos commerçants et artisans pour ce premier week-end de soldes. Ils ont suffisamment souffert avant les fêtes».
«L’année 2019 sera celle de tous les dangers pour l’Europe»
A ses yeux l’année 2019 sera celle de tous les dangers pour l’Europe. En 2018, l’accès au pouvoir en Italie des extrémistes de la Ligue du Nord et du mouvement 5 étoiles fait suite aux nombreux succès engendrés par les extrémistes en 2017. «La menace nationaliste est forte. Et le péril pourrait s’avérer imminent.» S’ajoute à cela le Brexit. «Il sera officiellement acté le 29 mars prochain et viendra incontestablement
affaiblir l’Europe.» Pourtant, juge-t-il: «L’Europe est un formidable instrument de paix. Grâce à la vision de nos pères fondateurs, nous avons transformé un continent de guerre en terre de paix. C’est peut-être là notre bien le plus précieux. L’Europe est également un formidable outil de développement et d’amélioration de la vie quotidienne». Il rappelle qu’en tant que président de la Région et député européen, il a capté «plus de 2,5 milliards d’euros de fonds européens pour notre territoire». Explique qu’avec ses collègues de la Commission transports: «Nous avons fait progresser le droit de tous les passagers ferroviaires en Europe et j’ai récemment obtenu de la Commission l’inscription de Marseille au cœur du corridor européen. C’est bel et bien la preuve que l’Europe sert si on sait s’en servir». Mais, ajoute-t-il : «L’Europe a également besoin de se réformer. Il faut mieux d’Europe ! Il faut en finir avec un fonctionnement à l’unanimité qui est le meilleur moyen de tout bloquer et de ne rien faire. L’Europe doit se concentrer sur les grands défis que lui lance l’Histoire. L’Europe n’a pas été bâtie pour se préoccuper de la taille des aubergines, du calibre des concombres et de la taille des échelles pour la cueillette». Selon lui, elle doit répondre aux défis économiques, migratoires et sécuritaires. «Je verse ainsi trois propositions au futur débat des élections européennes.» Et propose : «La création d’un Fonds monétaire européen; la création d’un Conseil des ministres européens de l’Intérieur; la création d’un service de renseignement antiterroriste européen». Il ne manque pas enfin de mettre en exergue quelques succès de la région en 2018, celui du sauvetage des Chorégies d’Orange; le retour du Grand prix de formule 1 en France au circuit Paul Ricard «avec plus de 78M€ de retombées économiques sur le weed-end là, où nous en attendions 65 ». Il ne cache pas sa satisfaction en annonçant la signature imminente d’un accord, à Paris, avec la SNCF. Se félicite qu’à la suite des Actes 1 et 2 de « Méditerranée du futur » «la politique euro-méditerranéenne de la France a été relancée. Le Président de la République a d’ailleurs choisi Marseille pour organiser le Sommet des deux rives en juin prochain».
Michel CAIRE