Provence-Alpes-Côte d’Azur : une région qui ne manque pas de Défense

Renaud Muselier, président de Provence-Alpes-Côte d’Azur, a tenu l’Agora Demain le Sud sur le thème « Économie de guerre, quelle réponse régionale ? », en présence de Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, chargé de l’Europe et d’Emmanuel Chiva, Délégué général pour l’armement. Une rencontre qui a permis d’échanger autour de cette thématique avec les principaux acteurs du secteur, notamment Naval Group, Airbus, Dassault, Thales Alenia Space, Exail Robotics, KNDS, ainsi que les autorités militaires représentées par le Gouverneur Militaire de Marseille, l’Armée de l’Air et de l’Espace et la Marine nationale.

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Renaud Muselier a tenu l’Agora Demain le Sud sur le thème “Économie de guerre, quelle réponse régionale ?”(Photo Régis Cintas-Flores)

Renaud Muselier  justifie la tenue de cette agora sur l’économie de guerre par la situation internationale « anxiogène » et « un revirement d’alliance américain » mais aussi par le poids particulier de l’Armée dans la région Sud avec la présence des trois armées : terre, air, mer.  Le président de Région rappelle: «Nous sommes la première région de France en nombre de militaires : 47 800 effectifs militaires dont 9 400 civils (soit 17 % des effectifs nationaux), 26 000 emplois dans l’industrie de défense, 8 180 réservistes et 224 000 anciens combattants. Nous disposons avec Toulon de la capitale de la Défense navale : 1ère base navale d’Europe, port d’attache du porte-avions Charles de Gaulle et des six sous-marins nucléaires d’attaque français, mais aussi le plus grand camp d’entraînement d’Europe occidentale à Canjuers et de trois bases aériennes stratégiques, dont celle d’Istres, véritable Roissy militaire, qui accueille la deuxième flotte après Air France, sans oublier deux hôpitaux militaires et un lycée militaire. » Renaud Muselier annonce également que, sur le plan industriel, des dossiers sont défendues au niveau européen et des signatures devraient avoir lieu sous peu. Il précise encore : « Je ne souhaite pas la guerre, mais je rappelle que c’est la Russie qui attaque et l’Ukraine qui défend son territoire et nos valeurs. Et, dans ce contexte il importe de se réarmer. Nous avons des atouts, nous devons travailler avec eux. »

« Nous sommes à un moment existentiel pour l’Europe »

Benjamin Haddad souligne : « On voit que la menace Russe prend, au-delà de la guerre en Ukraine, de nombreuses formes : cyber, drone, sabotage, intimidation comme on vient de le voir en Roumanie et en Moldavie… Face à cela l’Europe se réveille ». Fait d’autant plus important que l’on assiste à «une accélération d’une tendance lourde des États-Unis depuis 15 ans.» Il rappelle à ce propos l’affaire des sous-marins que Naval Group devait vendre aux Australiens. Un contrat qui s’accompagnait d’un transfert de technologies et qui a été cassé au profit des Américains, sous la présidence de Joe Biden, dans le cadre d’une alliance Australie, États-Unis, Grande Bretagne. Benjamin Haddad met en exergue « le rôle central du président de la République français qui a toujours porté la voix de l’autonomie de l’Europe, insisté sur l’importance de se réarmer, y compris intellectuellement.» Il ajoute qu’au plan national « la situation à laquelle nous sommes confrontés ne doit pas être qu’une affaire d’état-major mais bien celle de tous nos concitoyens ». En matière de financement, il note les efforts européens et avance : « Pourquoi pas un emprunt, comme le propose Emmanuel Macron.» Pour Benjamin Haddad : «Nous sommes à un moment existentiel pour l’Europe. Soyons unis». Il exprime à ce propos sa satisfaction de voir les lignes bouger avec notamment le prêt de 150 milliards garantie par l’Europe «pour nous renforcer là où nous avons des faiblesses : satellite, drone, cyber… » Selon lui : « Les industriels ont un rôle à jouer. Ils sont les garants de la souveraineté européenne et c’est pour cela que nous voulons une préférence européenne pour garder notre savoir-faire technologique.»

« Sans sécurité il n’y a pas de modèle social »

Alexis Bautzmann, président d’Avelon group, évoque un monde en mouvement divisé en trois groupes : «Les démocraties libérales, –et on saura dans les mois à venir si les États-Unis en font partie- la Russie et la Chine, sachant que la Chine est en compétition avec la Russie et l’Inde et qu’elle voit l’Afrique mais aussi l’Europe comme des zones ayant vocation à être vassalisées.» Il met en avant la démographie « avec l’Afrique qui comptera 4 milliards d’individus dont les 2/3 auront moins de 18 ans ce qui risque d’amener une pression sur les frontières européennes avec la Russie qui veut instrumentaliser ces flux.»

Emmanuel Chiva, parle d’un monde, avec la guerre en Ukraine, « où on se bat sur terre, dans l’espace, sous l’eau et dans l’immatériel comme la cyber. » Il rappelle : « Nous avons vu avec le Covid que l’Europe était dépendante, c’est une situation que nous connaissons également avec l’armement. Nous sommes dans un contexte où la dissuasion nucléaire revient au premier plan et où nous sommes dans une économie de guerre.» Selon lui : « Il faut produire. Après des années où nous avons dit qu’il ne fallait pas stocker aujourd’hui nous nous rendons compte qu’il faut produire, faire attention à la chaîne de défense. Il faut des commandes publiques mais il faut aussi des moyens humains. On a 10 000 postes vacants ou ouverts dans la défense.» Il précise par ailleurs : « Nous aidons les PME à aller plus vite, plus loin grâce à un plan d’appui et nous les aidons à se protéger des attaques cyber, attaques qui ont augmenté de 50% dans ce secteur. » Et Emmanuel Chiva tient à souligner : « Il ne faut pas opposer défense et social. Sans défense il n’y a pas de sécurité et sans sécurité il n’y a pas de modèle social.»

« L’Ukraine est le nouveau Verdun »

Pour le général Thierry Laval, gouverneur militaire de Marseille : « On défend notre civilisation et l’Ukraine est le nouveau Verdun tandis que la menace terroriste est toujours présente. » Le général Real, commandant de la base aérienne de Salon met en exergue « notre capacité de décisions et de renseignements. Nous avons une capacité de dissuasion, de sécuriser notre espace aérien, de porter secours aux populations et de projeter notre puissance». Considère qu’il importe de se renforcer au niveau de l’espace et de l’IA de combat « que nos adversaires utilisent.» Puis de présenter trois suppliques : « Premièrement l’attractivité sur le foncier pose des problèmes. Deuxièmement il y a de vrais problèmes de mobilité. Troisièmement il faut développer la formation sur les enjeux actuels». Le contre-amiral David Desfougères rend hommage à l´efficacité de Naval Group « qui nous a permis de gagner en rapidité de réponse en Mer Rouge.» Il insiste à son tour sur l’importance de l’IA.

Ambroise Fayolle explique, pour sa part, que la Banque européenne d’investissement (BEI) évolue : «Jusqu’à ces derniers jours, en matière de défense, nous ne pouvions financer que des projets ayant également un volet civil. Ce n’est plus le cas et nous avons par exemple le projet de construire une base militaire en Lituanie.» Précise également : « Nous sommes à l’écoute de la Région pour développer des partenariats.» Pour Pierre-Eric Pommellet, PDG de Naval Group : « Il faut bien mesurer que l’on ne peut avoir de développement durable sans capacité à se défendre. Et l’évolution de la BEI est particulièrement importante car il faut répondre aux besoins des armées.» Il annonce que le Groupe « développe de nouvelles activités et ouvre un nouveau site à La Londe où nous avons un plan de développement des drones. » Et lance un message on ne peut plus clair : «L’industrie de défense est prête pour répondre à de nouvelles commandes.»

La diversité du tissu industriel régional pouvant travailler avec la défense est mis en exergue. Ainsi Tamara Brizzard, présidente de Arkocean indique: « On est spécialiste de petits drones sous-marins autonomes. On travaille pour l’énergie, l’environnement et, maintenant, la défense». Thibaud Beacier, PDG d’Alseamar présente sa société qui a vocation de concevoir et de fabriquer des systèmes navals et sous-marins et de proposer des services innovants, et notamment : « Les matériaux de flottabilité en eaux ultra profondes, les planeurs, drones et véhicules sous-marins pour nageurs de combats, la radiocommunication navale, l’acoustique sous-marine…»

Jérôme Bendell, président de Exail Robotics, présente le groupe spécialisé dans les technologies de pointe en matière de robotique, de navigation, d’aérospatiale. « Nous avons des drones qui vont jusqu’à 6 000 mètres de profondeur », signale-t-il avant d’annoncer qu’ « il a obtenu une commande de 1 000 drones à fournir sur trois ans». Xavier Leroux est le président de l’université de Toulon. Il évoque ses diverses filières qui peuvent notamment répondre aux besoins de formation que nécessite l’économie de guerre. «Mais enseigner c’est un métier. On est dans un monde qui finance les formations mais il faut financer les formateurs car autrement, en 2030, nous n’aurons plus assez d’enseignants chercheurs faute de moyens.»

Matthieu  Louvot, vice-président du Groupe Airbus considère : « Notre secteur défense doit répondre à deux défis : l’intervention en Ukraine et le désengagement des États-Unis ». Si l’Europe ne manque pas d’atouts dans le domaine aérien : «Nous avons le meilleur ravitailleur au monde». Elle a aussi des faiblesses : « Nous investissons cinq fois moins que les Etats-Unis dans le spatial. L’Europe va devoir investir massivement dans le spatial militaire.» Pour Hervé Derrey, président de Thales Alenia Space : « La question spatiale est centrale pour nos armées ». Et d’évoquer la mise en place d’un ballon stratosphérique qui, à une hauteur de 20km d’altitude permettra d’avoir en permanence une vue sur un point.  Il ajoute : « Il faut que l’Europe dispose de son propre système de communication et nous devons continuer à avancer sur le brouillage et sur l’observation. »

Eric Gourraud, conseiller militaire de KNDS France est un acteur du programme Scorpion « en trois ans nous avons triplé la production de canon César que nous réalisons deux fois plus vite. » Pour lui, deux problèmes sont à régler : «Le recrutement et la formation». Bruno Giogianni, secrétaire du comité de direction de Dassault aviation met lui aussi en avant l’accélération de la production : « Nous sommes passés de moins d’un Rafale par mois à deux et nous allons passer à quatre ou cinq mais il faut que les commandes suivent ». Et d’insister sur l’importance d’acheter européen : « Les États-Unis bloquent certaines exportations de missiles alors qu’ils comprennent moins de 1% de technologie américaine ».

Michel CAIRE

Un pôle industriel de premier plan

L’industrie de la défense est un moteur économique majeur en Région Sud. Ce tissu industriel dense et structuré associe des grands groupes, des PME innovantes et des centres de recherche de renommée mondiale.

  • Un poids économique considérable : 6 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel.
  • Des entreprises leaders : Airbus, Naval Group, Thales, STMicroelectronics, Exail, Bertin Technologies, Safran Dassault, KNDS, CNIM…
  • Un écosystème de sous-traitance dynamique : 230 PME et ETI spécialisées et plus de 2 000 équipementiers.
  •  Une présence dans toutes les filières : aéronautique, navale, spatiale, terrestre, optique, cybersécurité, microélectronique, intelligence artificielle, drones.

La Région accompagne activement ces filières stratégiques à travers des initiatives emblématiques :

  • Drones : le Club Sud Drone et le centre d’essai C2RD favorisent l’innovation et le développement des technologies embarquées.
  • Spatial : le projet Stratobus de Thales Alenia Space, qui illustre l’excellence régionale en matière d’aérospatial.
  • Naval : la Région soutient notamment la réindustrialisation du site de Naval Group situé aux Bormettes qui deviendra futur « centre d’excellence » dédié aux drones, systèmes autonomes et armes sous-marines.
  • Aéronautique : Pacte Sud Aéro : Partenariat avec Airbus Helicopters pour renforcer la filière hélicoptère, améliorer la compétitivité et sécuriser l’avenir du site Airbus Helicopters de Marignane.
  • Trois Opérations d’Intérêt Régional (OIR) pour animer les filières d’excellence en lien avec la défense : Économie de la Mer, Industrie du Futur et Smart Tech

L’innovation est portée par un maillage structuré autour de :

  • 3 pôles de compétitivité : SAFE Cluster (sécurité et aéronautique), Pôle Mer Méditerranée (défense navale), Aktantis (technologies avancées).
  • 8 centres d’essais, 12 laboratoires de recherche et 3 000 chercheurs dédiés à l’innovation de Défense.
  • Soutien aux écoles militaires notamment soutien à l’école des officiers de l’armée de l’air et de l’espace (BA701 Salon) pour leur projet de Plateforme d’Innovation Aéronautique et Spatiale (projet PIAS)

 

 

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