Publié le 17 août 2020 à 21h29 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 11h53
Même la voix s’exprimant avant les concerts dans le haut-parleur du Parc Florans le rappelle : «Cette édition du Festival est si particulière..» Mais elle a bien lieu, grâce au tour de force réalisé par René Martin, le directeur artistique, Jean-Pierre Onoratini, le président de la manifestation et Jean-Pierre Serrus, le maire de la cité provençale. Ce sont en premier lieu les artistes qui les uns après les autres remercient et saluent les organisateurs d’avoir pu leur permettre de retrouver le chemin des spectateurs. «Vous nous avez tant manqué», dira en substance Jean-Philippe Collard, tandis qu’avec d’autres mots Renaud Capuçon ira dans le même sens. Distanciation physique oblige, 600 places vendues sur les 2 000 du Parc, séparation du public tous les quatre sièges, rien n’a été laissé au hasard. Avec élégance, fermeté et courtoisie. Pour ce qui est le seul festival existant dans la région en cet été 2020.
Écoute de grande qualité
Pas un bruit durant les concerts, personne ne pouvant parler avec un voisin qu’il n’a pas, la qualité d’écoute est depuis le début du Festival exceptionnelle. Une sorte de communion avec le pianiste ou les musiciens à cordes (pas d’instruments à vents ni orchestres) les artistes saluèrent également, ce qu’ils nommèrent pour certains «un authentique recueillement». Mais tout cela ne serait pas suffisant sans un programme à la hauteur de la politique du Festival. René Martin a là encore fait les choses en grand. On pourrait dire que quatre compositeurs furent placés au sommet devant les autres. A savoir Bach avec une journée spéciale durant laquelle s’illustrèrent Vittorio Forte, l’Aixoise Célimène Daudet, David Fray, une autre journée dédiée à Liszt, et des interprétations magiques de Gabriel Stern, Tanguy de Williencourt, et surtout de l’immense Arcadi Volodos. Chopin aussi fut à l’honneur dès l’entrée avec le Quatuor Modigliani et le pianiste Nelson Goerner pour un Concerto de piano N°2 dans une version pour piano et quintette. Programme identique joué avec plus d’éclat encore par Alexandre Kantorow au piano entouré de solistes dont l’altiste Antoine Tamestit bien connu des Aixois du Festival de Pâques. Chopin célébré par Collard, Bujasan, Riguto, Luisada, Audrey Vigoureux, avec des plongées dans les Nocturnes, Ballades, et Préludes comme le fit El Bacha au sommet de son art.
Beethoven, maître du lieu
Mais ce fut bien Beethoven le roi du Festival avec des journées phares qui lui furent consacrées. On signalera l’intervention de Pascal Amoyel, un conteur-pianiste qui raconta Beethoven avec des accents tragiques proches du Dom Juan de Mozart, avec incursion de la mort qui s’avance et statue du Commandeur s’invitant pour l’annoncer. Sublime moment aussi les deux concerts Capuçon: Gautier au violoncelle avec Nicolas Angelich au piano pour une sonate n°2 de grande virtuosité. Renaud Capuçon au violon avec son pianiste complice Kit Armstrong pour les sonates 5, 7 & 9. Mais c’est avec l’organisation des sonates pour piano seul et les concertos piano et là encore cordes pour remplacer l’orchestre que le Festival innova avec intelligence. Intégrale des concertos donnée par des pianistes différents dont David Kadouch en osmose complète avec le Quatuor Ardeo avec qui il a déjà enregistré. Sonates violoncelles-piano montrant un autre aspect de Beethoven, puis ce furent les 32 sonates proposées les 7 et 8 août avec dix pianistes différents, se relayant pour en donner une chacune. Se détacheront Nicholas Angelich, le jeune Rodolphe Menguy, pour une Opus 120 de grande tenue et les deux maîtres beethovéniens que sont François-Frédéric Guy, et Jean-Efflam Bavouzet peu souvent présent en France et qui redit toute son émotion d’être là. On ne peut conclure sans évoquer la prestation inoubliable de Lucas Debargue dans Scarlatti. Un Festival haut de gamme qui se terminera ce dimanche avec le concert d’Adam Laloum.
Jean-Rémi BARLAND