Publié le 6 mars 2015 à 21h04 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 18h42
Raphaël Pichon fait partie de cette jeune génération de musiciens français qui, en quelques années, par leur talent, ont accédé à une notoriété dépassant largement les frontières hexagonales. Les mélomanes de la région le connaissent puisque l’année dernière, au Festival de Pâques, à la tête de son ensemble vocal Pygmalion, renforcé de quelques instrumentistes de renom : Renaud Capuçon, Gérard Caussé, Edgar Moreau, David Kadouch, entre autres, il avait amené le public qui emplissait les travées de la Cathédrale Saint-Sauveur jusqu’à un état quasi extatique avec un programme de musique sacrée romantique. Trois mois plus tard, au Jeu de Paume, dans le cadre du Festival International, il avait participé à la création de «Trauernacht», spectacle construit autour de cantates funèbres de Bach et pour lequel, en quelques jours, il avait formé un ensemble orchestral de très haut niveau réunissant de jeunes musiciens venus de toute l’Europe et qui n’avaient jamais joué ensemble auparavant. Avec eux il était arrivé à obtenir un «son» d’une beauté lumineuse, séduisant ainsi la critique internationale. En ce début mars Raphaël Pichon retrouve Aix-en-Provence avec une Victoire de la musique classique en poche, celle de l’enregistrement de l’année, obtenue pour le CD Köthener Trauermusik, de Jean-Sébastien Bach, enregistré chez Harmonia Mundi. Il y dirige son ensemble Pygmalion et les solistes Sabine Devieilhe, Damien Guillon, Thomas Hobbs et
Christian Immler. Un enregistrement d’une très haute spiritualité et d’une beauté profonde.
Mardi soir, au Grand Théâtre de Provence, cette même distribution, ou presque, puisque la basse sera Benoît Arnould et non Christian Immler, donnera un nouveau programme Bach. Ce qui nous permettra d’entendre Sabine Devieilhe qui arrive, elle aussi, auréolée d’une Victoire de la musique, celle de l’artiste lyrique de l’année. L’occasion d’apprécier la soprano dans un répertoire plus intimiste avant de la retrouver dans quelques semaines à Marseille où elle incarnera Nanette dans «Falstaff » à l’Opéra. Pour nous présenter ce nouveau programme Bach, nous avons rencontré Raphaël Pichon il y a quelques jours… Interview.
Destimed: Après Köthener Trauermusik qui est, rappelons-le, la reconstitution de la musique funèbre composée par le cantor de Leipzig pour le prince Léopold d’Anhalt-Köthen, c’est un autre Bach que vous nous proposez avec cette nouvelle année…
Raphaël Pichon: C’est effectivement un tout nouveau programme que nous donnons pour la première fois à Aix-en-Provence. Contrairement à la Trauermusik, c’est un programme très festif composé autour de cantates louant la réforme luthérienne. Pour Bach, il était important, chaque année, de composer une œuvre célébrant la réforme. Il y a notamment «Chantez au Seigneur un chant nouveau», qui donne à entendre un Bach à la fois allègre et imposant, expressif et démonstratif. C’est une cantate festive avec trompettes, cymbales, cors, hautbois… Je pense que
c’est un très beau programme.
Vous êtes aujourd’hui l’un des grands spécialistes et interprètes de Jean-Sébastien Bach. Quel est le lien qui vous unit ?
Bach c’est ma maison. C’est l’un des plus grands, voire le plus grand. Enfant, c’est sa musique qui m’a bouleversé pour la première fois; adolescent, elle me touchait beaucoup et éveillait chez moi de la curiosité. Aujourd’hui c’est un pilier de ma vie musicale. Alors, même si je suis persuadé qu’il faudrait vivre plusieurs vies pour prendre conscience de toute la richesse de sa musique, je pense qu’il n’est pas besoin d’être érudit en la matière pour être touché. Il suffit d’avoir envie de commencer à s’y intéresser. Après… Ce qui est à l’intérieur est infini.
Je présume que la Victoire de la musique pour l’enregistrement de Köthener Trauermusik chez Harmonia Mundi est une belle satisfaction pour vous?
C’est une fabuleuse récompense. On ne pouvait rêver mieux pour débuter une collaboration avec Harmonia Mundi. Une forte confiance réciproque nous rapprochait avant même la Victoire, aujourd’hui nous nourrissons de nouveaux projets. La prochaine sortie, en mai, c’est l’intégrale de Castor et Pollux de Rameau…
Avez-vous enregistré un «effet Victoire de la musique» ces dernières semaines ?
Surtout des félicitations venant de l’étranger et, majoritairement d’Europe. Mais je pense que cette distinction, au-delà de la reconnaissance immédiate du travail accompli, portera des fruits au long des mois à venir.
Le fait de compter Sabine Devieilhe au rang des solistes de vos programmes, c’est un sacré atout, non ?
C’est surtout une grande chance ! C’est rare, en effet, qu’un soliste lyrique aborde aussi régulièrement un répertoire différent de celui de l’opéra. Je suis très content que Sabine Devieilhe considère comme une chose importante de chanter le répertoire exigeant des cantates de Bach. Si c’est une chance pour nous, c’est certainement, pour elle, un équilibre dans sa vie musicale.
Vous avez débuté comme petit chanteur à Versailles et, plus tard, vous avez abordé le répertoire de haute-contre avec Savall, Leonhardt, Koopman. Vous chantez toujours?
(sourire) non, c’est terminé. En fait c’était difficile de créer et diriger Pygmalion tout en poursuivant une carrière lyrique. Il a fallu faire un choix et je pense avoir fait le bon.
Pour ceux qui douteraient de la pertinence de ce choix, rendez-vous mardi soir au Grand Théâtre de Provence…
Michel EGEA
Pratique. Cantates et motet de Jean-Sébastien Bach, mardi 10 mars à 20h30 au Grand Théâtre de Provence. Réservations au 08 2013 2013. Places de 42 euros à 10 euros.