Après une présentation des enjeux des Assises de l’entrepreneuriat, ce vendredi 26 avril, dans l’hémicycle de l’hôtel de région, un débat s’est ouvert, offrant la parole à des chefs d’entreprises, corps consulaire, institutions, élus… Chacun expliquant ses moyens, ses besoins, ses attentes.
Dominique Mentha, de l’agence pour la création d’entreprise, dresse un tableau de la situation tant au niveau national que régional. « La création d’entreprise est dopée, depuis 2009, par l’auto-entrepreneuriat. On compte 550 000 créations en 2012, ce qui est un bon cru, dont 61 500 en Paca, ce qui s’inscrit dans la moyenne nationale parmi lesquels 59% d’auto-entrepreneurs, soit un peu plus que la moyenne nationale. Les créations s’effectuent dans quatre secteurs : la construction, le commerce de détail, les activités scientifiques et techniques et le service en direction des personnes ». En Région Paca, un secteur a connu une forte croissance : celui des arts et des spectacles, année capitale européenne de la culture oblige.
Concernant la pérennité des entreprises : « elle est de 67% au bout de 3 ans en Paca, contre une moyenne de 66% au niveau national, hors Île-de-France ».
Les auto-entrepreneurs « ont, pour 42% d’entre-eux, une activité à côté ».
Début 2013 des assises de l’entreprise ont eu lieu au niveau national : « elles ont été très riches, sur 800 propositions qui ont été retravaillées 44 ont abouti dont une vingtaine sera présentée ce lundi 29 par François Hollande ».
« J’ai besoin qu’on m’achète mon produit »
Stéphanie Simpson fondatrice de Mondokiddo raconte : « J’ai vendu ma maison en 2011 pour donner jour à mon projet ». Elle l’a imaginé en 1998, lorsqu’elle travaillait aux Etats-Unis. Elle gardait une petite fille d’origine italo-américaine. Sa maman voulait lui apprendre l’italien et importait des cassettes depuis l’Italie. Stéphanie Simpson a alors pensé qu’il pouvait y avoir un moyen plus «direct» grâce à internet de faire découvrir les cultures aux enfants. Des premiers contrats sont là « mais je suis aujourd’hui dans la vallée de la mort, il ne me reste que 3,4 mois de trésorerie. J’ai besoin que l’on m’achète mon produit ».
G.Faure, avec ses associés, a bénéficié du soutien d’Oseo notamment, mais aussi de Microsoft, sa société se développe, il explique toutefois : « Il est de plus en plus compliqué de démontrer l’innovation et, deuxième problème, il faut commencer à vendre avant même que le produit ne soit finalisé ».
J.M. Suquet, directeur régional d’Oseo, rappelle qu’Oseo va disparaître pour être remplacé par la Banque publique d’investissement (BPI), « dont l’objet est de servir l’avenir. Mais attention, la BPI ne va pas tout faire et surtout elle ne fera rien seule ». Isabelle Mauriès, pôle Entreprises pour la Plateforme France Initiative de Marseille, rend compte : « Nous avons financé 1 651 entreprises en 2012 pour plus de 1million de prêts d’honneur. Le taux de pérennité des entreprises que nous soutenons est de plus de 80% sur 3 ans ». E. Sirvent représente le réseau « Entreprendre » en Paca « un réseau composé à 100% de chefs d’entreprise qui accompagnent les créateurs et les repreneurs. Notre offre, c’est le prêt d’honneur et le suivi. La pérennité est de 87% au niveau national et de 92% en Paca ».
David Heckel représente l’économie sociale et solidaire, il pose la question de la création de richesse sociale. Pour lui « l’approche économique privilégie le savoir, il faut selon nous privilégier également l’enjeu de la relation ». Puis de plaider pour que des passerelles voient le jour entre l’entrepreneuriat privé et collectif.
Le président de la Chambre régionale de l’artisanat exprime son admiration devant ses entrepreneurs qui prennent tous les risques tel Stéphanie Simpson qui a vendu sa maison mais critique les auto-entrepreneurs : « 30% d’entre eux n’ont rien déclaré les 6 premiers mois et il faut réfléchir à la disparité des charges et à la concurrence déloyale que cela représente ». Dominique Mentha répond : « Une mission d’enquête sur l’autoentrepreneuriat révèle que 1 300 000 personnes se sont inscrites comme auto-entrepreneurs. Certains l’ont fait dans l’ignorance des choses. Puis, pour 42%, il s’agit d’une activité accessoire. Après bien sûr qu’il y a des règles, bien sûr que les abus doivent être punis. Savez-vous ainsi que nous avons vu des annonces où il s’agissait de recruter des agents de caisse sous forme d’autoentrepreneur ? Ce n’est ni plus ni moins que du salariat déguisé ».
Un intervenant, dans la salle, déplore que Sophia Antipolis soit peu créateur d’emplois « car les entreprises se vendent et en particulier aux Etats-Unis. S’agit-il d’une fatalité ? ». G. Faure réagit : « L’entreprise connaît deux moments critiques : l’accès à la fabrication du produit puis, deuxièmement, le vrai développement ou le passage à l’international, nécessitant des fonds importants. Et là, c’est vrai qu’un problème doit se régler:celui du financement ».
« En France on assiste à un éloignement du citoyen de l’entreprise »
Bernard Morel, le vice président de la région en charge de l’emploi et du développement économique, juge : « En France on assiste à un éloignement du citoyen de l’entreprise et se pose la question de l’actionnariat. Pendant toute une période les gens qui en avaient les moyens choisissaient une entreprise dont ils devenaient actionnaires. Aujourd’hui nous sommes dans le brouillard des fonds d’investissement. Et la fin des bourses régionales a été un drame. Moi, j’ai envie d’investir mes quelques économies dans l’économie locale, pourquoi pas dans l’économie sociale et solidaire d’ailleurs et mon banquier me répond en me parlant de SICAV que je refuse. Comment penser un actionnariat de proximité ? ». E. Sirvent indique qu’un projet, porté par des élèves de l’école des Mines va voir le jour et répondre aux attentes de l’élu.
Puis la question de l’accès aux marchés public des éco-entreprises est posée : « un certain nombre d’entre-elles développent des technologies innovantes dont les collectivités ont du mal à mesurer les effets ». Enfin, il est rappelé que les TPE non innovantes représentent 93% de l’économie de notre région, un fait dont il faut tenir compte en terme d’aide.
C’est à Sophie Camard, conseillère régionale, présidente de la commission emploi, développement économique régional, enseignement supérieur, recherche et innovation, que revient la tâche de conclure cette matinée de travaux (des ateliers se sont tenus l’après-midi). Elle rappelle : « Ce matin, j’ai entendu les chiffres record du chômage. J’ai eu deux réflexes, le premier était de me dire : ça va mal ; le deuxième, pensant à ces Assises : quel fabuleux défi que de devenir chef d’entreprise. Nous sommes, en tant que politique, confrontés à une double difficulté : répondre à l’urgence de la situation et réaliser la restructuration en profondeur de l’économie française. Nous devons voir comment diriger l’épargne vers l’économie et pas seulement l’immobilier. En région, nous avons des faiblesses, nous ne pouvons pas lever l’impôt, par contre nous avons des compétences élargies dont nous entendons bien nous saisir. Et puis, nous sommes là devant des questions quasi philosophiques : l’individualisation des droits va en s’accentuant mais en même temps l’on constate une souffrance croissante liée à l’isolement, y compris chez les chefs d’entreprise. Comment ne pas être impressionnés par l’envie d’entreprendre, ne pas avoir conscience du besoin d’accompagnement, de la nécessité d’avoir un environnement favorable pour impulser une dynamique positive. Il faut aider au financement et, sur ce plan là, la situation évolue positivement et relativement rapidement et aider à la vente, y compris à l’étranger. Il nous faut définir des priorités, favoriser la constitution de filières, travailler le territoire ».
Michel CAIRE