Publié le 23 septembre 2015 à 20h44 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 19h57
Jean-Louis Bianco, le président de l’Observatoire de la laïcité était ce lundi 21 septembre à Marseille pour intervenir dans le cadre de la conférence: « République, laïcité et citoyenneté, un devoir d’avenir » organisée dans l’hémicycle de la Région Provence-Alpes-Côte-d’Azur.
Jean-Louis Bianco rappelle en premier lieu : «L’Observatoire de la laïcité est indépendant, il comprend quatre parlementaires : deux hommes, deux femmes, deux de la majorité, deux de l’opposition, dix personnes qualifiées et sept membres de droit». Il assiste le gouvernement dans son action visant «au respect du principe de laïcité en France». Il réunit les données, produit et fait produire les analyses, études et recherches permettant d’éclairer les pouvoirs publics sur la laïcité. Il peut saisir le Premier ministre de toute demande tendant à la réalisation d’études ou de recherches dans le domaine de la laïcité. Il peut proposer au Premier ministre toute mesure qui lui paraît permettre une meilleure mise en œuvre de ce principe, notamment pour assurer l’information des agents publics et privés, des usagers des services publics, des élus et des représentants des cultes.
La laïcité c’est la liberté d’exprimer ses croyances politiques, religieuses
Enfin, l’observatoire est consulté par le Premier ministre ou les ministres sur des projets de textes législatifs ou réglementaires. Jean-Louis Bianco d’expliquer: «Nous nous sommes autosaisis du régime des cultes en Alsace-Lorraine, avons travaillé sur la question du fait religieux à l’université. Nous nous sommes rendus compte que beaucoup de gens étaient perdus. A tous les niveaux, on est pris dans des contradictions et comment répondre? Parfois, la réponse est évidente, parfois non. Pour cela nous avons publié trois guides, le premier pour les collectivités territoriales, il explique ce que dit la Loi, elle est abondante et précise; le deuxième guide concerne la gestion du fait religieux dans les entreprises privées et le troisième s’adresse aux structures sociales et socio-éducative». Des documents qui répondent à des questions, par exemple: Que faire lorsque quelqu’un demande des congés pour fait religieux ? «Il s’agit de s’appuyer sur la pratique, de traiter ni mieux ni moins bien que lorsqu’il s’agit d’une demande qui n’est pas basé sur le fait religieux. C’est à dire de savoir si cela pose des problèmes au service ou pas». Le débat sur les repas servis dans les cantines scolaires prend de l’ampleur, l’Observatoire de conseiller: «il faut offrir le choix, répondre aux attentes, notamment des végétariens. Il s’agit d’un droit à une liberté qui permet de fonctionner ensemble et cela marche depuis longtemps dans des communes de couleurs différentes». Et de lancer : «La laïcité n’oblige pas tous les petits français à manger du porc tous les jours». Il en vient à une définition de la laïcité: «Il faut se rappeler que c’est la liberté de croire ou de ne pas croire, de changer de religion. C’est aussi la séparation de l’Église et de l’État, ce qui impose la neutralité du service public dans toutes ses composantes. En revanche, les usagers ne sont pas contraints à cette même neutralité. C’est la liberté de culte, de manifester ses croyances. Certains pensent que la Foi relève du privé. Ce n’est pas vrai, la laïcité c’est la liberté d’exprimer ses croyances politiques, religieuses et la seule limite est le trouble à l’ordre public». Il indique à ce propos : «Les débats sur la loi de 1905 sont passionnants. Et ce texte est un texte de compromis dans lequel la majorité du camp républicain a pu se reconnaître comme une partie non négligeable des catholiques. Pour en arriver là il y a eu des débats d’une grande intensité, notamment entre Aristide Briand et Maurice Allard. Enfin, l’essence même de la laïcité, c’est la citoyenneté qui nous rassemble au-delà de nos différences qui sont autant de richesses, au sein de la République».
«C’est une erreur de croire que la laïcité est une citadelle assiégée»
Puis d’affirmer avec force : «C’est une erreur de croire que la laïcité est une citadelle assiégée. Y-a-t-il eu des conflits dans l’Éducation Nationale ? Oui, 10, 20, 30, la majorité se règle dans le dialogue. De même il peut y avoir refus à l’hôpital de se faire soigner par une personne de sexe opposée, mais là encore il y en a peu et la résolution du problème se fait dans le dialogue et, parfois dans la fermeté. Et cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas de pression communautariste, un retour du religieux dans l’espace public, et pas seulement du fait des musulmans, mais aussi de catholiques au terme de manifestations contre le mariage pour tous. Après, il est vrai que de plus en plus de femmes portent le voile mais les motivations sont très diverses et il existe des féministes qui portent le foulard». «Nous sommes contre toute nouvelle loi dans le domaine de la laïcité car il ne s’agirait que d’une loi d’interdiction et ce n’est pas souhaitable, pire, ce serait dangereux. Il suffit juste d’appliquer la loi», prévient-il.
Enfin, plutôt que de taire les questions dérangeantes, qui se sont posées, et se posent encore après les attentats djihadistes de janvier 2015, l’ouvrage «L’après Charlie 20 questions pour en débattre sans tabou» y répond. Sont ainsi notamment abordées des questions telles : « Est-on obligé de dire « Je suis Charlie » »; «Où est le mal si j’affirme que je suis Charlie Coulibaly ?»; «Pourquoi la liberté d’expression pour les caricaturistes et les interdictions pour Dieudonné ?»; «Pourquoi toute la presse fait-elle la leçon aux musulmans ?», «Pourquoi plus d’indignation pour les victimes de Charlie que pour celles de Mohamed Merah ?»; «Pourquoi proclamer les valeurs de la République -liberté, égalité, fraternité- alors qu’on laisse faire les discriminations?», « Et si tous ces assassinats étaient le fruit d’un complot ?». Des jeunes donnent leur réponse. Lylia Bouzar, Samuel Grzybowski et Jean-Louis Bianco donnent ensuite chacun la leur. Que l’on soit Charlie ou non, chacun est concerné.
Michel CAIRE