Rencontre avec Caroline Gora. Violences conjugales, lutte contre le harcèlement scolaire, l’association Egali-Terre lance une campagne d’adhésion.

Publié le 16 novembre 2021 à  10h10 - Dernière mise à  jour le 2 novembre 2022 à  18h13

Un petit restaurant en bord de plage. Au loin, sous un ciel bas, un grand ferry laisse une traînée blanche. Les nuages sont lourds, grisâtres. Un temps d’automne, qui, malgré la pluie naissante, n’efface pas la détermination de Caroline Gora. La jeune femme, un café crème entre les mains, s’exprime avec force. Ses mots sont percutants. Présidente de l’association Egali-Terre, investie dans la lutte contre les violences faites aux femmes, elle intervient aussi dans le cadre du combat contre le harcèlement scolaire. Aujourd’hui, Caroline Gora lance une grande campagne d’adhésion. Rencontre avec une femme de conviction.

Caroline Gora, présidente de l'association Egali-Terre ©DR
Caroline Gora, présidente de l’association Egali-Terre ©DR

Destimed: L’association dont vous êtes la Présidente, Egali-Terre, lance une campagne d’adhésion. Pouvez-vous, dans un premier temps, nous parler de vos engagements ?
Caroline Gora : Mon engagement est motivé par un corpus de valeurs. J’ai bien conscience de la façon dont aujourd’hui, ce terme «valeur» est détourné. Il est malheureusement devenu un mot valise, sorte de fourre-tout, aussi inconsistant que creux. Pourtant, je crois fermement à certaines idées fortes. La bienveillance, l’écoute, la douceur, la non-violence et la fraternité sont, dans mon existence même, des vertus structurantes. Prenons l’exemple de la violence. Des candidats à la prochaine élection présidentielle cherchent, suivez mon regard, à ériger la violence en catégorie politique. Comprenant mal la distinction ami-ennemi théorisée par Julien Freund, ces candidats se livrent à toutes sortes d’attaques personnelles. Détruire, stigmatiser et humilier seraient devenus des objectifs. Se dessine alors une image du responsable public, colérique, agressif, frustré, et cherchant des divisions là où, au contraire, nous devons rassembler.

Pour ma part, je refuse cette hystérisation de la Démocratie. Je fais le pari de l’intelligence collective. Je souhaite, en quelque sorte, renouer avec les vertus du dialogue républicain. La parole démocratique est basée sur la confrontation pacifique. Elle implique l’usage de la raison dépassionnée et le souci du bien commun. Le respect mutuel, la critique constructive, le sens du compromis et de la diplomatie sont essentiels. J’insiste sur ce point. La violence a contaminé l’ensemble de nos relations sociales. Je connais bien le domaine de l’Éducation nationale. Je vois, chaque jour, des enfants incapables d’exprimer des idées sans agressivité. Voilà pourquoi, inlassablement, je mobilise mes ressources pédagogiques. Le but est clair : apprendre aux élèves à maîtriser leurs émotions pour construire des citoyens épanouis et non violents. La démocratie est à ce prix.

Votre combat contre les violences faites aux femmes, s’inscrit donc dans cette perspective ?
La question des violences conjugales est, en réalité, bien plus complexe que la simple dégradation des relations sociales. Nous touchons ici à l’intime et au scandale absolu. Comme moi, vous connaissez les chiffres. Plus de 220 000 femmes, chaque année, déclarent subir des violences. Seules 18 % d’entre elles franchissent le pas et portent plainte. Dans les faits, malheureusement, le nombre des victimes est bien plus élevé. Il faut bien comprendre une chose. Derrière ces chiffres et ces statistiques il y a des noms, des visages, des vies brisées. Sur le terrain, je mesure la souffrance de ces femmes littéralement sous emprise. A travers mon association, je pose une question politique. Je m’adresse, en effet, aux collectivités territoriales. Elles ont un rôle éminent à jouer. Il faut agir. Fermement et concrètement !

Quels sont les contours de cette action ?
Nous proposons une série de mesures, bien sûr non exhaustive, autour d’une charte contre les violences faites aux femmes. Détection des signes avant-coureurs, libération de la parole des femmes et des jeunes filles, accompagnement juridique, création d’une délégation spécifiquement dédiée aux violences faites aux femmes, établissement d’un réseau de collectivités «zéro violence», vaste plan de formation, personnes ressources dans les collectivités, dossier administratif unifié «autonomie», sensibilisation par la culture et l’éducation. Lorsque, dans l’urgence , une femme en détresse a besoin d’une prise en charge immédiate, il est du devoir des collectivités territoriales et de la société civile de s’engager.

Je veux ici saluer la volonté de Renaud Muselier. La majorité régionale a décidé d’ériger la lutte contre les violences conjugales ainsi que celle contre le harcèlement scolaire en grande cause du mandat. Il s’agit d’un pas immense. Nous devons, collectivement, continuer à avancer.

Le combat contre le harcèlement scolaire fait aussi partie de vos priorités ?
Exactement. J’ai pu mettre en place sur le Campus Fontlongue de Miramas, un dispositif inédit. Création de référents prévention, partenariat avec la MDA et la Police, garantie de l’anonymat, élaboration par les élèves d’une plateforme numérique, réalisation de film, formation des personnels et du corps enseignant. J’ai eu la chance de trouver des personnes passionnées et prêtes à me soutenir. Thierry Quéré, Directeur général de l’établissement est sur tous les fronts pour le bien-être des élèves et des enseignants. Son engagement est exemplaire. Je partage ses valeurs républicaines et sa vision de la pédagogie. Le Directeur adjoint, Jean Pierre Hernout est un modèle d’humanité et de bienveillance. Je peux aussi compter au quotidien sur la compétence du très talentueux CPE Cédric Slimani. Son sens de l’organisation, sa rigueur et son professionnalisme demeurent toujours hors norme. Construire un dispositif contre le harcèlement scolaire implique la présence d’une équipe pédagogique à la fois formée et soudée.

Dans le même ordre d’idée, je réalise de la prévention dans d’autres établissements. Je dois par exemple intervenir prochainement dans le Var. Par ailleurs, je dois aussi me rendre à Marseille auprès d’une association œuvrant avec des personnes en situation de handicap. La société oublie souvent le harcèlement subi par ce public. Nous devons nous donner les moyens de créer, ensemble, des relations sociales plus respectueuses et plus inclusives.

Forte de cette expérience, vous lancez alors une campagne d’adhésion . Pouvez vous en dire deux mots ?
Tous les profils laïques, démocrates et républicains sont les bienvenus. Depuis l’adhésion de soutien « simple » permettant de participer aux activités de l’association jusqu’au statut d’ambassadeur, nous sommes en train de créer un réseau citoyen qui d’ores et déjà pèse sur la vie publique. Dans le cadre de la lutte contre les violences conjugales, nos adhérents constituent dans leurs secteurs géographiques ou professionnels des points de repère. Écoute, alerte, accompagnement, ils sont aussi amenés, s’ils le désirent, à réaliser de la sensibilisation. Éduquer et témoigner sont très importants. Il en va de même en ce qui concerne le combat contre le harcèlement scolaire. Nos référents et nos ambassadeurs sont susceptibles de recueillir les témoignages et d’agir de concert avec les établissements scolaires prêts à coopérer. Nous entendons être des interlocuteurs et des facilitateurs. Nous portons des projets ambitieux et humanistes.

Pour nous contacter, il suffit de nous écrire à l’adresse suivante assos.egaliterre@gmail.com ou sur helloasso.com. Votre sensibilité et votre regard feront progresser nos causes communes.
Propos recueillis par Raphaël RUBIO

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