Publié le 8 mars 2020 à 20h58 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 9h48
Pour tous ceux qui ont pu applaudir Nouritza Emmanuelian sur scène dans la pièce «Good night» de et avec Romain Poli -un des événements du dernier Festival off d’Avignon- ce fut un choc. Magnifique actrice et puissante comédienne, elle parvenait à imposer son personnage de veuve menacée par un intrus venu chercher chez elle quelque chose dont elle ignore tout. Force de caractère, voix magnifiquement posée, capable de susciter l’émotion jusque dans les silences, Nouritza mène une carrière à la fois sur les planches, à la télévision mais aussi en tant que metteur en scène. On a pu la découvrir sur le petit écran dans Clem, Salaam Camping sur TF1, mais encore dans Péplum sur M6 et Fais pas ci. La voilà réalisatrice d’un court métrage qui fait partie des cinquante finalistes concourant dans le Festival Nikon 2020, (le gagnant sera désigné à Paris le 13 mars prochain). Intitulé «Le monde est à nous», il se présente comme à la fois un chant d’amour à l’existence et un cri d’alarme contre les ravages que l’on fait subir à la planète. «J’ai un enfant qui a un an. Et interpellée bien entendu par le dérèglement climatique, la violence faite à l’environnement, aux humains comme aux animaux, je me suis demandée comment parler de tout cela à mon fils. L’écriture de ce film a surgi en moi comme une évidence, et s’est imposée en tant que manifeste pour un monde meilleur et réflexion sur les aspirations de la jeunesse d’aujourd’hui». Aucune tentation de pontifier cependant, nous sommes dans un cinéma ludique, généreux qui, reprenant l’idée de la chanson de Louis Chedid (à qui elle n’a pas songé en tournant), affirme que l’on ne dit pas assez aux gens qu’on aime qu’on les aime. Aimer ses proches, les accompagner dans leurs combats quotidiens tel est le seul «message» du court métrage. (Si tant est que ce terme soit le bon). Que dire à la jeunesse alors : Qu’il convient de «se concentrer sur le présent», le seul élément temporel qui vaille le coup. Ils sont cinq d’environ 20 ans à se retrouver régulièrement dans un endroit un peu coupé du monde, et à y refaire le monde. A le rêver aussi comme l’expliquera Camille l’héroïne, interprétée de façon très convaincante par Ivy Lonak, comédienne formée en classe libre du cours Florent. Elle vient d’imaginer en dormant un avenir radieux à chacun de ses camarades, et elle le leur dit, déclenchant l’hilarité, ou le doute, et pour l’un d’eux l’émotion. Car, après avoir prétendu que dans son rêve, elle aurait des enfants de lui, et s’être immédiatement rétractée en ajoutant comme dépitée que rien de bon ne va leur arriver, ce dernier s’approche d’elle. Et d’une voix posée, lui précise qu’une chose va se passer. «C’est ça », dit-il en l’embrassant. Lui, c’est Thomas Alden, acteur fanco-américain, d’origine canadienne né à Montréal, qui a déjà tourné dans des courts-métrages et dans «Le Français» d’Andreï Smirnov. Le duo qu’il forme avec Ivy dans le court métrage de Nouritza Emmanuelian porte à lui seul le film. Notamment dans les échanges de regards absolument magiques. Tourné à «L’Orfèvrerie» de Saint-Denis, avec autour d’eux les trois comédiens que sont Ike Alexandre, Basile Sommermeyer, et Audrey Hall «Le monde est à nous » évoque des choses graves sur le ton de la comédie. Et loin d’être benêt d’optimisme ce court-métrage solaire prouve sur une musique de L’Impératrice, un son parfait signé Robin Bouët, une image très poétique confiée à David Merlin-Dufey, tandis que Romain Poli l’auteur de «Good night » s’occupe de la régie, donne envie d’aimer la vie en général et les autres en particulier. Ça tombe bien, c’était le but recherché et…atteint avec élégance et panache.
Jean-Rémi BARLAND
«Le Monde est à nous» de Nouritza Emmanuelian. Festival Nikon film 2020 à découvrir ICI