On avait ici même dit tout le bien qu’on pensait des romans et essais d’Arthur Dreyfus, artiste multiforme qui met en général beaucoup d’oeuvre dans sa vie et de vie dans son œuvre. Ayant gardé une âme d’enfant, le voilà qui publie aux éditions « Courtes et longues », « Mes Maisons archi zinzins », un livre pour enfants, drôle et virevoltant.
« Mes Maisons archi zinzins » est un album plein de poésie et de drôlerie qui regroupe une collection d’images absurdes et enchantées qui font sourire le lecteur de la première à la dernière page. L’histoire en est simple et l’auteur la résume ainsi : « Un grand-père architecte écrit à sa petite-fille qui rêve de devenir elle aussi architecte. Pour l’encourager, il lui raconte les projets les plus fous auxquels il a travaillé. D’une maison tout à l’envers à une maison aquatique ou encore sans murs, son imagination créatrice n’a pas de limite. Il nous entraîne dans son voyage où l’imaginaire est libéré de toute contrainte. » Voilà une profonde bouffée d’air frais à apprécier à tous les âges. On ajoutera que, par-delà le voyage aux confins d’une urbanité libérée, ce livre est aussi plein de sagesse. Avec au centre une question centrale : « Et si le plus important n’était pas de chercher à satisfaire ses rêves les plus fous mais d’avoir un logis capable d’abriter l’amour ? » Nous invitant à libérer notre imaginaire pour laisser libre corps à nos rêves, ce livre nous interroge également sur ce qu’est une maison. Est-ce une prouesse architecturale ou un logis à l’intérieur duquel on se sent protégé et entouré ? Se découvrant seul ou se partageant l’ouvrage nous interroge également sur le sens de chez soi, et donne envie de dessiner.
Au fond, c’est une chance d’être bizarre !
Conçu en courts chapitres « Mes maisons archi zinzins » bénéficie des illustrations aussi colorées que le texte, signées Raphaël Journaux. Né à Quimper, âgé de 22 ans, il a, avant de commencer l’illustration, étudié le design et le design d’espace à l’école Boulle à Paris. Il termine actuellement son parcours en architecture intérieure à l’école des Arts Décoratifs de Paris. Inventif, cultivé, ses pinceaux ne se contentent pas d’accompagner le texte d’Arthur Dreyfus mais racontent eux aussi une histoire archi génialement zinzin. Raphaël Journaux nous en a parlé avec enthousiasme. Entretien
Destimed : Comment l’idée de ce travail vous est-elle venue ?
Raphaël Journaux : « C’était il y a bientôt trois ans. Nous nous trouvions, avec Arthur, confinés dans la même maison, lors du premier covid. C’est là que nous avons eu l’idée d’imaginer ensemble des bâtiments loufoques. C’était une manière sans doute de sortir de l’endroit dans lequel nous étions enfermés. La première maison fut celle d’un professeur qui faisait tout à l’envers, avec sa voiture renversée, sa maison retournée, la cheminée dans le sol, et la taupe sur le toit. À partir de là, une série de pavillons fous est née.
Quel a été le rapport aux textes, aux images ? Écriviez-vous le texte avant de dessiner ?
Les deux médiums évoluaient ensemble, tout partait en premier lieu d’une idée rigolote. Elle pouvait surgir en déjeunant, en se baladant… Ensuite, au fil d’une discussion, la maison se précisait, je commençais à dessiner et Arthur définissait davantage le texte. On inventait des tas de détails qui nourrissent les mille et une surprises de cet album. Mais c’était un échange permanent entre l’auteur et l’illustrateur.
Et votre technique, votre manière de dessiner ?
Depuis tout petit, je joue aux jeux vidéos, j’ai commencé avec Les Sims, un simulateur de vie dans lequel je construisais avec passion des maisons. Pour l’aventure de ce livre, après les premiers croquis à la main, l’idée de concevoir ces pavillons surréalistes en 3D m’a parue de plus en plus évidente. Les maisons ont donc été modélisées sur un logiciel d’architecture réel, avant d’être colorisées, elles existent toutes en trois dimensions.
Qu’est ce que le livre achevé vous inspire aujourd’hui ?
Avec du recul, ce livre me paraît être une ode à la diversité. Toutes ces maisons présentent les côtés bizarres de leurs habitants et habitantes, mais elles suggèrent que chacun peut être heureux s’il trouve un habitat à sa mesure. À la mesure de son imaginaire. Au fond, c’est une chance d’être bizarre !
Propos recueillis par Jean-Rémi BARLAND
«Mes maisons archi zinzins». Texte d’Arthur Dreyfus et illustrations de Raphaël Journaux. Éditions Courtes et longues – 64 pages – 19,95 €