Publié le 8 avril 2022 à 18h22 - Dernière mise à jour le 4 novembre 2022 à 20h19
Acteur multiforme Thomas Blanchard est un comédien investi et habité dont la prestation étonnante dans l’habit du Lubin de «La seconde surprise de l’amour» de Marivaux mis en scène par Alain Françon lui a valu une nomination aux Molières 2022 dans la catégorie «Second rôle masculin».
On a vu Thomas Blanchard au cinéma dans «Le pornographe» de Bertrand Bonello, «Ce qui restera de nous» de Vincent Macaigne, «Les âmes grises» de Yves Angelo, ou «Le daim» de Quentin Dupieux. Au théâtre, il joua «La vie de Galilée» de Brecht proposé par Jacques Lassalle au Théâtre de la Colline. Ou encore dans «Retour au désert» de Koltès mis en scène par Muriel Mayette à la Comédie-Française et «Ton père» d’après Christophe Honoré. Avec à chaque fois un grand bonheur et une justesse inouïe. Citons encore «Un chapeau de paille d’Italie» de Labiche dans la mise en scène d’Olivier Balazuc, lui-même comédien prodigieux sur «HHhH» et dramaturge auteur d’œuvres pour la jeunesse.
Si le cinéma l’a beaucoup séduit c’est sur les planches que Thomas Blanchard éprouve le plus de sensations. Sur son parcours, il raconte: «Mes parents ne sont pas du tout dans le théâtre. J’ai quant à moi toujours voulu jouer et j’ai eu la chance d’avoir eu comme professeurs Marcel Bozonnet, Jacques Lassalle, Philippe Adrien. A ma sortie du Conservatoire, je suis entré à la Comédie-Française en 2006. J’y suis resté un an. J’ai été heureux de jouer, mais je ne me sentais pas assez libre. Alors je suis parti un an après.» Thomas Blanchard explique que depuis, il a eu «la joie de travailler avec Alain Françon qui m’a inclus dans l’équipe de comédiens tournant sur « La seconde surprise de l’amour » de Marivaux. C’est une ouverture que de travailler avec lui.» Concentration totale sur le texte, Alain Françon traite ici tous les personnages à la même hauteur, les débarrassant de toute psychologie, construisant un ensemble commun dans lequel Thomas Blanchard donne là encore la pleine mesure de son talent. Pour lui, Alain Françon est un grand metteur en scène. «C’est quelqu’un qui nous fait découvrir le théâtre là où on ne le ressentait pas. Il fait éclater en nous quelque chose de nouveau. Un secret qui se révèle. Il est de ceux-là. Il ne contraint jamais, il accompagne, il est précis et bienveillant.»
Le public pris à témoin
A voir cette pièce de Marivaux donnée jusqu’à samedi au Jeu de Paume d’Aix-en-Provence, on ne peut que partager son point de vue. Avec élégance et subtilité, le metteur en scène déploie un univers poétique où chaque rôle est serti d’un même point de vue particulier. Les acteurs ne se regardent pas tout le temps quand ils jouent mais fixent le public, à qui ils s’adressent et qu’ils prennent à témoin. Cela confère à la pièce une fluidité complice entre les comédiens et la salle. Comme ses partenaires Thomas Blanchard est absolument parfait. Tirant son personnage du valet Lubin vers la farce sociétale critique il rappelle à bien des égards Julien Carette incarnant le braconnier Marceau dans «La règle du jeu», le film de Jean Renoir. Même esprit gouailleur, même tête impayable, même sens de la répartie, Thomas Blanchard s’imposant ici comme un immense comédien. «La seconde surprise de l’amour» est à voir donc dans cet écrin qu’est le Jeu de Paume où le comédien joua en 2003 «Comme il vous plaira» de Shakespeare dans une mise en scène flamboyante de Jean-Yves Ruf. Également metteur en scène sur «Fumiers» de Florence d’Arthuis donné au Rond-Point, Thomas Blanchard fourmille de projets.
«Voyage en Ataxie» de Gilles Ostrowsky
Il reprend notamment «Voyage en Ataxie» de Gilles Ostrowsky. Une pièce terrible et drôle autobiographique que l’on peut résumer ainsi : «En 2017, Gilles Ostrowsky perd l’équilibre en sortant du lit. Il se dit qu’il faudra consulter. Le spécialiste de l’équilibre pense à un problème d’oreille interne et lui prescrit six mois de kinésithérapie. Au terme des six mois, son équilibre est encore plus précaire. Gilles constate qu’il a de plus en plus de mal à courir et qu’il s’interdit certains mouvements. Lors des répétitions d’un prochain spectacle, voyant ses difficultés, la femme du metteur en scène, chef de service à l’hôpital de Poissy, lui conseille de voir un neurologue. Le verdict est sans appel : la source du trouble est neurologique. Commence alors un long voyage à travers la maladie…». Un spectacle bouleversant où s’interpellent réel et fiction, où s’interposent humour et gravité. Thomas Blanchard y côtoie son camarade Grégoire Oesterman avec qui il forme un duo proche de ceux des clowns. Un projet autant artistique que citoyen bien dans l’esprit de ce comédien humaniste et surdoué. Vous avez dit un Molière 2022 ?
Jean-Rémi BARLAND
«La seconde surprise de l’amour». A voir au Jeu de Paume d’Aix-en-Provence ce vendredi 8 avril et ce samedi 9 avril à 20 heures. Plus d’info et réservations : lestheatres