Publié le 15 juin 2022 à 22h36 - Dernière mise à jour le 6 novembre 2022 à 17h53
Vinicius Timmerman : de Sardou à Michel Marc Bouchard, la passion de chanter et de jouer.
«Là-bas au Connemara on n’accepte pas la paix des Gallois…ni celle des Rois d’Angleterre…», entend-on dans cette chanson devenue un tube parmi tous ceux de Michel Sardou. Un titre à la force visuelle d’un artiste complexe que l’on peut définir comme un anarchiste de droite et qui n’est pas comme il le dit lui-même «l’homme de ses chansons.» Fou de théâtre au point d’en avoir dirigé un à Paris, Michel Sardou est l’homme de tous les paradoxes. Ayant prôné par narrateur interposé (un homme dont on avait tué le fils) la loi du talion dans le très mauvais «Je suis pour», ayant dénoncé la guerre dans «Verdun» ou «Si j’avais un frère au Vietnam», jamais où on le pense, ni là où on l’attend parfois avec crainte, (genre machisme et populisme), il peut prendre le public à contre-pied et même l’émouvoir. Pour preuve ce « J’aimerais bien qu’on ne m’oublie pas», appelé aussi «Le nom au bout de la langue», une chanson écrite par Bernard Blier dont il a personnellement interprétée la partie finale accompagnant les paroles de l’acteur. Il n’existe qu’un seul enregistrement de ce chef-d’oeuvre donné à la télévision, et qui n’existe dans aucune intégrale ou compilation, Bernard Blier très affaibli par la maladie qui allait l’emporter en 1989, n’ayant pas le temps d’enregistrer avec Sardou tous les autres titres préparés en amont.
On y entend Blier réciter le début, Sardou apparaître vers la fin, pour un moment de magie poétique. Cette chanson ne fait pas partie de la comédie musicale «Je vais t’aimer» donnée jusqu’au 19 juin à La Seine musicale de Boulogne Billancourt et dans laquelle autour des plus belles chansons de Michel Sardou, on découvre l’histoire originale d’une bande d’amis. Louise, Thomas, Nicole, Léo, Antoine, Mike et Nicolas ont embarqué à bord du France. Des musicals de Broadway aux bals populaires de Nogent, en passant par les marchés de Ghardaïa : nous allons suivre leurs aventures, entre rires, surprises et larmes. C’est aussi l’évolution de la France que nous suivons : les événements historiques y sont traités ouvertement : grève, féminisme, élection présidentielle…Vinicius Timmerman apparaît dans la distribution et a beaucoup aimé participer à ce spectacle.
Un artiste Belgo-Brésilien ayant grandi… à Toulouse
Comédien surpuissant ayant travaillé sa voix et la danse, né le 27 septembre 1988 de parents belges originaires de Gand, Vinicius Timmerman a grandi à Toulouse et parallèlement à des études d’arts plastiques et de design il a chanté dans un groupe de pop-rock répondant au nom de «Pulse». Goût de la scène dès l’âge de huit ans, Erasmus à Weimar en Allemagne plus tard, c’est à 18 ans qu’il est retourné au Brésil où il s’est passé dit-il: «Une chose extraordinaire». Il explique: «Je retrouvais mes racines, je me sentais un être libre». Mentionnant une étape importante en Allemagne avec un projet vidéo de Mattew Deninson, qui lui a offert ainsi sa première expérience d’acteurs, il ne va pas cesser alors de s’interroger sur l’opportunité de devenir designer ou comédien.
«Je me suis souvenu alors de madame Dentillac, ma prof de français en seconde qui m’a fait jouer la tirade du « Non » sur le « Antigone » d’Anouilh. Ça m’a bouleversé, et elle m’a conseillé de devenir acteur.» Cours Florent à 25 ans, cours de comédie musicale, études du chant lyrique, cours de danse, les expériences professionnelles de Vinicius Timmerman se succèdent. Citons en vrac la comédie musicale «Hercule dans une histoire à la Grecque» Création en 2015 et mise en scène de Fabien Gaertner et François Latapye. Ce spectacle musical jeune publique à visée pédagogique sera donné à Carpentras puis au théâtre du Rouge Gorge pour le Festival d’Avignon 2016 et pour le festival Festikids au Théâtre du Gymnase à Paris.
Casting passé sur «Saturday night fever» Vinicius est retenu pour le rôle de Bobby. «C’est énorme», dit-il». Productions : Jean Yves Robin, Roberto Ciurleo, Nicole et Gilbert Coullier. Mise en scène par Stéphane Jarny ; Scénographie de Stéphane Roy ; Chorégraphie par Malik Le Nost au Palais des Sports de Paris de février à mai 2017.
C’est alors que rencontrant un agent (Nathalie Dubourdieu) signalons sa performance exceptionnelle dans «Je suis Fassbinder» de Falk Richter. Mise en Scène : Falk Richter et Stanislas en 2017, avec arrêts au Rond-Point, puis tournée en France (Lyon, Clermont-Ferrand, Marseille Reims, Château Vallon, Strasbourg) Vinicius Timmerman y chante à la fin «My world». «Ça m’a construit en tant que comédien et je dois beaucoup à Ingrid Pettitgrew avec qui j’ai travaillé certaines scènes.» Et puis notons sa participation au feuilleton « Plus belle la vie ». «Je ne connaissais pas les codes de la télé, et j’ai appris énormément», raconte-t-il.
Michel Marc Bouchard : « Les Feluettes » à Tom la ferme
«Une grande pièce de théâtre, c’est une pièce qui t’emporte te bouleverse, et dont tu ne sors pas indemne.» Cet instant rare Vinicius Timmerman l’a vécu. C’était au Théâtre Clavel, en 2015 lors de la représentation de la pièce de Michel Marc Bouchard «« Les Feluettes » dans la mise en scène de Olivier Sanquer. Ce soir-là j’ai vu des acteurs touchés par la grâce. J’ai pleuré. On m’a dit plus tard qu’un acteur était absent, et j’ai été pris pour le remplacer. A Fribourg où j’ai joué le comte Vallier de Tilly. Ce fut le début d’une collaboration avec Olivier Sanquer que je vais retrouver cet été à Avignon où je remplace Elie Boissière qui joua Tom en 2021.»
Olivier Sanquer une deuxième fois donc. Mais avant rappelons ce qu’étaient « Les Feluettes». En 1952, des prisonniers, sous la direction du Vieux Simon, séquestrent l’évêque Jean Bilodeau pour lui jouer des événements ayant eu lieu en 1912. A cette époque, Simon et Bilodeau étudiaient au Collège Saint-Sébastien de Roberval où Simon était amoureux du jeune comte Vallier de Tilly. Le spectacle des prisonniers raconte les amours troublées entre Vallier et Simon et les tentatives de Bilodeau pour s’immiscer entre eux. La représentation a pour but de faire avouer à Monseigneur Bilodeau les véritables circonstances de la mort violente de Vallier, pour laquelle Simon a été injustement condamné 40 ans auparavant. Pour réparer cette injustice, les prisonniers disposent d’une unique représentation: celle qu’ils s’apprêtent à jouer.
Résumons également «Tom à la ferme» : Tom, un jeune homme travaillant pour une agence de pub à Montréal, se rend dans une ferme éloignée et isolée pour assister aux funérailles de son amoureux, tué dans un accident de moto. Là, Tom rencontre Agathe, la mère de son amant, persuadée que Tom n’est qu’un ami de son fils. Tom fait aussi la connaissance de Francis, le grand frère du défunt qui est, lui, très au fait de la nature de leur relation. «Les pièces de Michel Marc Bouchard sont des énormes claques. J’ai eu à la lecture de « Tom à la ferme » un grand coup de cœur. Écriture brillante, dans laquelle chaque spectateur peut se retrouver, se projeter de manière différente, on est vraiment dans une relation toxique entre Francis et Tom. Pour incarner ce dernier j’ai imaginé les liens qui uniraient avant le moment où débute la pièce la relation entre Tom et Guillaume. Tom est un gay romantique à mes yeux, qui fut élevé à la dure, dans une campagne hostile. Je me sens proche du personnage. Et j’aime l’approche d’Olivier Sanquer il est très à l’écoute jamais fermé, et demeure susceptible de faire vibrer les acteurs, et les gens. J’ai hâte que tout cela reprenne forme à Avignon.» Rêvant de travailler aussi avec Stanislas Nordey, ou Gaspar Noé, admirant Lars von Trier et les cinéastes inventifs, Vinicius Timmerman que l’on a vu au cinéma avec Didier Bourdon dans «A tes côtés », a commencé à écrire et à composer. Un acteur complet donc. Et au talent étincelant.
Jean-Rémi BARLAND
« Je vais t’aimer » jusqu’au 19 juin à La Seine musicale de Boulogne Billancourt.
«Tom à la ferme» à l’atelier 44 – 44, rue Thiers. Avignon.
Dans le cadre du Off du 7 au 30 juillet à 12h 50. Relâches : 11, 18, 25 juillet.